Ils ont dit de Chateaubriand... et un extrait des Mémoires d'outre-tombe
Victor Hugo en 1826 :
"Je veux être Chateaubriand ou rien."
Talleyrand :
" Monsieur de Chateaubriand croit qu'il devient sourd car il n'entend plus parler de lui."
Stendhal :
"Le meilleur des prosateurs français a pour lui l'avantage (si c'en est un) d'être l'hypocrite le plus consommé de France. Le vicomte de Chateaubriand n'écrit probablement pas, au cours d'une année, une seule phrase exempte de fausseté soit dans le raisonnement, soit dans le sentiment ; à tel point qu'en le lisant, vous êtes sans cesse tenté de vous écrier : «Juste ciel! que tout cela est faux! mais que c'est bien écrit!"
Prosper Mérimée :
"La dernière fois que j'ai vu celui-là, c'était chez Madame Récamier. On lui lisait ses propres oeuvres et il pleurait d'attendrissement"
Barbey d'Aurevilly :
"Il est un des plus éclatants exemples qu'on puisse citer de la fausseté du mot célèbre de Pascal qui disait qu'il fallait haïr le moi."
Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs (souvenirs de Mme de Villeparisis) :
"Chaque fois qu’il faisait clair de lune autour du château, s’il y avait quelque invité nouveau, on lui conseillait d’emmener M. de Chateaubriand prendre l’air après le dîner. Quand ils revenaient, mon père ne manquait pas de prendre à part l’invité : « M. de Chateaubriand a été bien éloquent ? — Oh ! oui. — Il vous a parlé du clair de lune. — Oui, comment savez-vous ? — Attendez, ne vous a-t-il pas dit, et il lui citait la phrase. — Oui, mais par quel mystère ? — Et il vous a parlé même du clair de lune dans la campagne romaine. — Mais vous êtes sorcier. » Mon père n’était pas sorcier, mais M. de Chateaubriand se contentait de servir toujours un même morceau tout préparé."
Marcel Proust, Contre Sainte Beuve :
"...et quand Chateaubriand, tandis qu'il se lamente, donne essor à cette personne merveilleuse et transcendante qu'il est, nous sourions [...] de ce que , au moment où il commence précisément à vivre, il est tel que précédemment nous l'avions senti vivre, ce qui fait que nous reconstituons bien en lui la personne vivante qui ne mourra point et qui vit d'une façon intermittente, mais immortelle, dans ses oeuvres ?"
Abbé Arthur Mugnier, Journal, 14 février 1930 ( Mercure de France, 1985, p. 514) :
" Oh ! Être dans un vieux château assis près d'un bon feu avec des fenêtres donnant sur de grands et vieux arbres moussus et lire seul, tranquillement toute une correspondance intime et inédite de Chateaubriand ! Ce serait une volupté suprême."
François Mauriac, Ecrits intimes, 1953 :
"Les véritables visages de Rousseau, de Chateaubriand, de Gide se dessinent peu à peu dans le filigrane de leurs confessions et mémoires.
Tout ce qu'ils escamotent (même si c'est le bien), tout ce sur quoi ils appuient (même si c'est le mal) nous aide à retrouver les traits qu'ils ont mis, parfois, beaucoup de soin à brouiller.
Surtout, gardons-nous de croire qu'un auteur retouche ses souvenirs avec l'intention délibérée de nous tromper. Au vrai, il obéit à une nécessité: il faut bien qu'il immobilise, qu'il fixe cette vie passée qui fut mouvante. Tel sentiment, telle passion qu'il éprouva, mais qui furent, dans la réalité, mêlés à beaucoup d'autres, imbriqués dans un ensemble, il faut bien qu'il les isole, qu'il les délimite, qu'il leur impose des contours, sans tenir compte de leur durée, de leur évolution insaisissable. C'est malgré lui qu'il découpe, dans son passé fourmillant, ces figures aussi arbitraires que les constellations dont nous avons peuplé la nuit.
Il ne faut pas non plus faire grief à un auteur de ce que ses mémoires sont, le plus souvent, une justification de sa vie. Même sans l'avoir voulu au départ, nous finissons toujours par nous justifier; nous sommes toujours à la barre, dès que nous parlons de nous, - même si nous ne savons plus devant qui nous plaidons."
Charles de Gaulle à Léon Noël, le 26 mai 1948 (cité par Ph.de Saint-Robert) :
" C'était un désespéré. On le comprend, il avait prévu l'avenir."
Charles de Gaulle cité par Ph. de Saint-Robert dans De Gaulle et ses témoins - Rencontres historiques et littéraires, Bartillat, 1999, p. 28 :
" À Colombey, le 24 octobre 1947, à l'heure du thé, le Général parle de Chateaubriand : « L'an dernier, j'ai relu lentement les Mémoires d'outre-tombe […] C'est une œuvre prodigieuse… Il pose sur l'avenir un regard profond… En fait, il avait presque tout vu… y compris les bolcheviks… et puis, je sens comme lui : essentiellement, voyez-vous, Chateaubriand est un désespéré… mais jusque dans son désespoir il fait face, il se redresse de toute sa taille » ".
Philippe Sollers, à propos du livre de Marc Fumaroli, Chateaubriand, poésie et terreur :
" Chateaubriand est un fanatique de la liberté, là est la surprise. La conséquence logique est la solitude, mais aussi la victoire posthume. Pas de précipitation, des milliers de pages entassées près de son lit de mort dans des caisses de bois. Rejeté par le parti de l'ordre ("J'aimais trop la liberté") comme par celui issu du jacobinisme ("Je détestais trop le crime"), il ne reste à Chateaubriand, la plume à la main qu'il confond avec le crucifix, que des «semences d'éternité» ".
Commentaires
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- 1. René Daligault Le 27/02/2018
"Mauvais en masse"? Peut-être difficile à lire, comme la Bible. On peut admirer cette masse, que Chateaubriand a travaillée comme Rodin le marbre, Il a démonté et remonté les mécanismes si compliqués de la mémoire à la recherche d'un temps perdu. -
- 2. Michel Croz Le 14/02/2016
Sollers est toujours le meilleur ! On aurait pu ajouter Lamartine, qui, pour une fois, ne disait pas de bêtises : (à propos des Mémoires d'outre-tombe "Mauvais en masse, souvent splendide en détails".
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