Démographie : tout est joué ou presque
25/03/2025
Patrick AULNAS
Deux constats démographiques s’imposent à tous : le vieillissement de la population mondiale et sa stabilisation ou sa diminution à terme plus ou moins rapproché. Le vieillissement de la population mondiale est inéluctable puisque nous vivons plus vieux que par le passé. D'après les données des Nations Unies, l'espérance de vie mondiale à la naissance pour les deux sexes est passée de 46,5 ans en 1950 à 71,7 ans en 2022. D’autre part, la fécondité diminuant la population augmente déjà moins vite. Selon la Banque mondiale, le taux de fertilité mondial (nombre moyen de naissances par femme) était de 4,7 en 1960 et de 2,3 en 2022.
Donc, moins d’enfants et des êtres humains plus âgés. Les démographes ne sont pas tous d’accord sur la chronologie. La population mondiale commencera-t-elle à diminuer dans la seconde moitié du 21e siècle ou plus tard ? Les réponses varient. Mais un quasi-consensus existe sur les deux constats : vieillissement et diminution.
Un vieillissement et une stabilisation inéluctables
La population mondiale est passée de 1 milliard à 8 milliards d’êtres humains de 1800 à 2023. Le chiffre le plus cité pour la fin du 21e siècle se situe autour de 10 milliards. Le décuplement en trois siècles à partir du chiffre déjà élevé d’un milliard d’humains est un phénomène absolument nouveau dans l’histoire de l’humanité, mais transitoire. Il est impossible qu’il se poursuive.
Le tableau suivant, purement illustratif, montre que le doublement de la population s’est produit de plus en plus rapidement. Une telle croissance exponentielle est désormais internable.
Evolution de la population mondiale
Année |
Population mondiale en milliards |
Nombre d’années pour le doublement |
1500 |
0,5 |
|
1800 |
1 |
300 ans |
1927 |
2 |
127 ans |
1974 |
4 |
47 ans |
2023 |
8 |
49 ans |
Il est évident que cette évolution ne peut se poursuivre. Si le doublement en 50 ans persistait, il y aurait 16 milliards d’humains en 2075, à 32 milliards en 2125 et à 64 milliards en 2175. Il n’y aura jamais 64 milliards d’humains sur la planète Terre et très vraisemblablement jamais 16 milliards.
La stabilisation approximative du nombre d’humains est donc une certitude à plus ou moins long terme. Sa diminution est probable eu égard à la baisse de la fécondité qui est désormais maîtrisée par la contraception. Le vieillissement de la population est aussi une certitude puisque nous vivons plus longtemps.
La compétition entre États-nations pour le rajeunissement temporaire
Pourtant, les États-nations, chacun de leur côté, perpétuent les politiques natalistes. On comprend facilement pourquoi. Une population vieillissante est moins dynamique, beaucoup moins créative et elle pose des problèmes économiques et sociaux spécifiques : taux d’emploi plus faible, charges sociales plus élevées de retraites à verser, état de santé moins bon de la population et dépenses de santé beaucoup plus importantes. Les gouvernants cherchent donc à endiguer le vieillissement de la population de leur pays en favorisant la natalité et l’immigration en provenance de pays plus pauvres à population plus jeune (l’Afrique principalement pour l’Union Européenne).
Mais cette compétition entre États pour le rajeunissement ne produit pas de résultats durables. Le démographe Alain Parant explique dans un article du Figaro que les politiques natalistes n’ont que des effets temporaires. Le taux de fécondité retombe plus ou moins rapidement au-dessous du seuil de renouvellement de la population (2,1 enfants par femme). Les politiques familiales (garde des enfants, avantages financiers à partir de 3 enfants, etc.) n’ont enrayé durablement la diminution du nombre d’enfants ni en Suède, ni en Allemagne, ni en France. Les familles de plus de deux enfants se font de plus en plus rares dans les pays riches.
Deux phénomènes majeurs et irréversibles
Les gouvernants n’ont en effet aucune prise sur les deux causes majeures de l’évolution démographique en cours.
- Les progrès considérables de l’hygiène et de la médecine et l’amélioration de la qualité de l’alimentation dans les pays riches expliquent l’allongement de la durée de vie. Le retour en arrière est impossible, sauf cataclysme planétaire.
- Le nouveau statut des femmes en Occident est à la base de la chute de la natalité. Jusqu’au 19e siècle, les femmes étaient assignées à la maternité. Entre 15 et 45 ans, les grossesses, l’allaitement et la charge des jeunes enfants occupaient tout leur temps. Au grand nombre de naissances ne succédait pas un grand nombre d’individus adultes car la mortalité infantile (avant l’âge de 1 an) était considérable et la mortalité des enfants également. Certains démographes ont parlé de l’équilibre de l’esturgeon, poisson qui pond un nombre considérable d’œufs, très peu d’entre eux devenant des poissons adultes. La contraception et les évolutions juridiques vers l’égalité hommes-femmes ont radicalement changé le statut social des femmes. Leur participation à toutes les activités, au même titre que les hommes, n’est pas compatible avec un grand nombre d’enfants. Les pays les plus pauvres (Afrique en particulier), qui n’ont pas connu ces évolutions, conservent donc un taux de fécondité plus élevé, mais malgré tout en diminution.
Plus vieux et moins nombreux
Tout est donc joué ou à peu près pour la fin du 21e siècle et le suivant. Les progrès de la médecine se poursuivront et les femmes ne renonceront pas à leur liberté. La population mondiale vieillira et ne pourra pas continuer à croître. Seuls une guerre mondiale, un cataclysme climatique ou une régression politique majeure vers la tyrannie pourraient enrayer le processus.
Les paroles malheureuses des gouvernants, peut-être inspirées par des communicants médiocres, n’ont évidemment aucun effet sur des évolutions aussi fondamentales. Le « réarmement démographique », évoqué par Emmanuel Macron, relève de l’incantation. Pour les États-nations, il s’agit seulement de vieillir un peu moins vite que le voisin sur le court terme. L’horizon des politiciens ne dépasse pas quelques années, tout au plus une décennie. Nous ne pouvons pas leur en vouloir car l’avenir à long terme est indéterminable. Cependant, dans le domaine démographique, l’avenir est connu : les humains seront plus vieux et moins nombreux.
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