Les grandes illusions des Français
06/12/2024
Patrick AULNAS
La France n’est qu’un petit pays perdu dans le vaste monde. Mais ses habitants, encore très riches, s’imaginent qu’ils vont le rester éternellement sans le moindre effort. Comme la noblesse de cour de 1785, ils vivent dans le rêve d’un monde protégé sans s’apercevoir que ce monde s’effondre lentement autour d’eux. Le réveil brutal pour la noblesse se manifesta en 1789 avec la Révolution. Moins bête, moins futile, plus réaliste, elle aurait pu l’éviter.
Les Français d’aujourd’hui conservent cet aveuglement aristocratique et pourraient subir le même sort.
Une puissance déclinante
Avec ses 68 millions d’habitants, la France représente 0,85% de la population mondiale (8 milliards d’humains). Avec 2 565 milliards d’€ en 2023, le PIB de la France ne dépasse pas 2,4 % du PIB mondial (105 400 milliards, selon la Banque mondiale). Ces deux chiffres permettent d’apprécier avec réalisme la place véritable du pays dans le concert de nations.
Sans doute le pays dispose-t-il d’un siège au conseil de sécurité de l’ONU en tant que membre permanent, privilège réservé à seulement 15 pays sur les 197 répertoriés sur la planète. Mais chacun sait que l’influence de l’ONU est de plus en plus faible et qu’elle devient peu à peu la nouvelle SDN, modèle de l’organisation impuissante de l’entre-deux-guerres.
Sans doute, le pays dispose-t-il de l’arme atomique et d’une force de frappe nucléaire conséquente (300 têtes nucléaires) lui permettant de dissuader les plus puissants, en particulier la Russie. Mais ses forces conventionnelles (non nucléaires) n’ont pas été maintenues à un niveau suffisant depuis plusieurs décennies et ne pourraient faire face à une guerre comme celle qui se déroule en Ukraine. Le risque est faible, mais le monde est dangereux et il convient de se montrer puissant militairement à tous égards.
Les Français, des enfants gâtés
La France n’est donc plus du tout une grande puissance et à peine une puissance moyenne en incluant démographie et économie. Elle figure au 23e rang mondial pour le nombre d’habitants, au 7e pour le PIB global et au 25e rang pour le PIB par habitant. Elle régresse d’année en année d’un point de vue démographique et économique.
Les Français se comportent pourtant comme des enfants gâtés attendant que l’État leur assure un niveau de vie confortable. Les revendications, proches du caprice, sont constantes et parfois totalement aberrantes comme celles concernant la retraite à 60 ans. L’âge légal de la retraite est de 67 ans en Allemagne, aux Pays-Bas et au Danemark, 65 ans en Belgique, en Autriche et en Espagne. Aux États-Unis, la retraite est possible à partir de 62 ans mais avec une forte décote. Il faut attendre 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Les Français se distinguent. Ils sont une majorité à approuver les partis voulant revenir à la retraite à 60 ans dans un contexte démographique de vieillissement général de la population. L’infantilisme et l’égoïsme de ces revendications surprend. Ce sont les enfants et petits-enfants de ceux qui revendiquent qui devraient payer ces retraites. L’économie peu dynamique du pays ne permettra pas de le supporter. Cela ne peut absolument pas avoir lieu dans le monde réel. Si juridiquement, une telle absurdité se produisait, les retraites par répartition deviendraient progressivement de plus en plus faibles. La réalité économique ne peut pas être contournée par le vote d‘une loi.
L’ajustement se fera sans bruit
L’exemple précédent indique clairement le fossé qui s’est creusé entre la réalité économique et les rêvasseries politiques. Les déficits publics abyssaux sont un autre exemple de cette fuite face au réel. L’affligeante médiocrité de la classe politique, en particulier aux extrêmes, permet ainsi de construire une narration politicienne proche du roman pour midinettes. La compétition mondiale entre nations, l’évolution globale de l’humanité, la place régressive du pays ne font pas partie du récit. L’entre-soi français domine, construisant un rêve porté par des politiciens démagogues et accepté par une partie importante de la population.
L’ajustement se fera sans bruit, sans discours, sans menace. Le déclassement du pays se poursuivra si de profondes réformes structurelles n’interviennent pas. Personne ne sonnera le tocsin, mais les investisseurs choisiront d’autres pays, les capitaux fuiront sous des cieux plus cléments, la jeunesse la plus dynamique s’expatriera.
Les vieux, victimes de leur aveuglement et de la démagogie, mais aussi de leur égoïsme, resteront avec leur toute petite retraite en attendant la mort.
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