Élections européennes : personnalisation et nationalisation

13/05/2024

Patrick AULNAS

Les élections européennes du 9 juin 2024 sont fort peu européennes. Il n’est question dans cette campagne électorale que de politique intérieure ; pire encore, principalement de politique politicienne. Les candidats se chamaillent médiocrement mais s’intéressent rarement à l’Europe. Rien de nouveau à cet égard, sauf peut-être une personnalisation outrancière orchestrée par les médias.

 

Un ridicule combat des coqs

La représentation proportionnelle à l’échelle nationale est un type de scrutin rare et qui devrait permettre à de nombreux candidats d’avoir voix au chapitre. Il n’en est rien. Seuls les candidats en tête de liste ont accès aux médias, les autres sont oubliés. Qui connait Nora Mebarek, seconde sur la liste Parti socialiste-Place publique ou Céline Imart, seconde sur la liste Les Républicains ? Bernard Guetta, second sur la liste Renaissance-MoDem (majorité présidentielle) est plus connu comme journaliste mais n’apparaît que très peu dans la campagne.

Tout se passe comme s’il s’agissait d’élire une personne, la tête de liste. Débats télévisés bas de gamme et affrontements verbaux numériques sont de rigueur. Les oppositions utilisent cette élection pour tester leur électorat, la majorité au pouvoir cherchant à maintenir un score honorable. Si le camp présidentiel s’effondrait, il ne fait aucun doute que les oppositions hurleraient immédiatement à l’illégitimité du pouvoir. La Constitution prévoit des mandats présidentiel et législatif de 5 ans mais cela importe peu, seule la joute politicienne compte pour les partis.

 

Des élections européennes, vraiment ?

L’Europe n’a donc qu’une toute petite place dans cette campagne électorale. Les partis s’alignent sur les préoccupations des électeurs. La hiérarchisation des sujets à aborder est purement commerciale, ce qui se vend mal étant ignoré. La dimension historique de la construction européenne, première tentative de dépassement pacifique de l’État-nation, n’existe même pas dans l’esprit de la plupart de nos concitoyens. La faillite de l’instruction civique dans l’éducation est donc totale.

Cette élection n’est même pas vraiment une élection européenne. Elle ne l’est que formellement pour désigner les députés européens. Ce sont en effet les partis de chaque nation qui s’affrontent et non les groupes présents au Parlement européen. Combien d’électeurs connaissent le PPE (Parti populaire européen) ou Renew Europe ? Une infime partie du corps électoral.

 

Les grands défis du futur

Pour ces élections européennes l’instrumentalisation politique des émotions, surtout des haines, demeure la tactique politique majeure des partis, comme dans les élections purement nationales. L’ambition européenne, essentielle pour le devenir de nos descendants, n’est perçue que d’un tout petit nombre. Le monde qui se profile verra s’affronter des géants de la puissance : États-Unis, Chine et probablement Inde. La Russie s’est égarée dans une guerre en Ukraine qui l’affaiblira durablement. Nous autres européens avons le choix entre deux solutions : rester de petits États ayant chacun leur défense et leur politique extérieure ou tenter de devenir une puissance. Dans le premier cas, notre voix n’aura aucun impact sur le devenir du monde. Nous devrons nous plier aux décisions des puissants. Dans le second, nous pourrions jouer un rôle majeur.

L’euroscepticisme n’est qu’une erreur d’analyse. Ce sujet devrait être au centre de la campagne pour les élections européennes, mais il est à peine évoqué. Triste spectacle !

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