Dette publique et présidents de la République : à qui la faute ?

10/10/2024

Patrick AULNAS

Quand la France a-t-elle vraiment commencé à plonger dans l’endettement public ? Une telle évolution résulte-t-elle d’un choix politique délibéré ? Y-a-t-il un initiateur qui nous a placé sur la pente nous conduisant là où nous sommes aujourd’hui, c’est-à-dire au bord du gouffre ?

Les chiffres sont sans appel : c’est François Mitterrand et l’union de la gauche qui ont cherché dans la décennie 1980 à occulter la réalité économique par l’endettement. Ils pouvaient ainsi continuer à promettre l’éden socialiste.

 

La rupture mitterrandienne

 

Dette publique depuis 1958 en % du PIB par président de la République

 

Année

Dette publique

Evolution

Président de la République

1958

25%

 

 

 

 

–10 points

Charles de Gaulle

1969

15%

 

 

 

 

– 0,5 point

Georges Pompidou

1974

14,5%

 

 

 

 

+ 6,5 points

Valéry Giscard d’Estaing

1981

21%

 

 

 

 

+ 35 points

François Mitterrand

1995

56%

 

 

 

 

+ 9 points

Jacques Chirac

2007

65%

 

 

 

 

+ 26 points

Nicolas Sarkozy

2012

91%

 

 

 

 

+ 8 points

François Hollande

2017

99%

 

 

 

 

+ 12 points

Emmanuel Macron

2024

111%

 

 

(Sources : Ifrap, Insee, France-inflation

 

Les deux premiers présidents se sont attachés à améliorer l’équilibre des finances publiques. Le pays se désendette jusqu’à 1974. La première crise pétrolière, avec la multiplication par trois du prix du brut en 1974, entraîne une croissance moins élevée. La répercussion sur les finances publiques est immédiate. Les assiettes fiscales (revenus, chiffres d’affaires en particulier) augmentant moins vite et les dépenses n’étant pas jugulées, les déficits accumulés conduisent à une augmentation encore très modeste de la dette publique sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing.

La rupture véritable apparaît avec François Mitterrand. Pendant ses deux septennats la dette publique explose. Cette politique délibérée consiste à augmenter les dépenses publiques, y compris les dépenses sociales, tout en limitant la croissance des prélèvements obligatoires. C’est un choix politique : emprunter massivement et donc mettre à la charge des enfants et petits-enfants les avantages consentis dans le présent. Et cela, sans le moindre scrupule moral, bien au contraire. La gauche est toujours très fière de ses réalisations. Mais le pays commence à vivre nettement au-dessus de ses moyens.

Aucun président ultérieur n’aura le courage de rompre avec le cynisme mitterrandien. La mauvaise habitude est prise. Désormais, le peuple attend l’assistance des gouvernants. Les campagnes électorales deviennent des concours de promesses démagogiques.

 

L’alourdissement des structures et le recul de la croissance

D’un point de vue historique, il faut mettre en relation l’augmentation continue de la dette publique et l’évolution du taux de croissance.

 

Evolution du PIB de la France en moyennes décennales

(Source : Wikimedia)

 

Le taux de croissance moyen du PIB reste supérieur à 4% jusqu’à la décennie 1970-1980. Il chute ensuite constamment. Le pays continue donc à s’enrichir mais à un rythme moins élevé que pendant les trente glorieuses d’après-guerre. Il fallait évidemment ajuster les dépenses publiques à des recettes fiscales en moindre augmentation.

L’idéologie socialiste et les folles promesses de la campagne électorale de François Mitterrand en 1981 s’opposaient à une telle politique. Elle a donc été écartée et le choix de l’endettement a été fait. L’alourdissement constant des structures publiques, la densification normative et le poids écrasant des prélèvements obligatoires n’ont jamais permis par la suite de restaurer les conditions de la croissance. La France, comme beaucoup d’autres pays riches, est donc empêtrée dans un cadre administratif et réglementaire d’une lourdeur effarante qui ne peut en aucun cas permettre d’augmenter durablement le taux de croissance.

Il faut ajouter un facteur idéologique nouveau : l’écologisme. La prise de conscience de l’impact des activités humaines sur le milieu naturel a débouché sur une idéologie politique défavorable à la croissance économique et parfois même à la science et à la technologie. Selon cette idéologie, la croissance conduirait au désastre planétaire. Il faut donc limiter drastiquement les consommations de matières premières et d’énergie et s’orienter, sous contrainte juridique, vers un mode de vie adapté. L’idéologie écologiste ne distingue pas croissance des quantités matérielles et croissance des valeurs. Or, le PIB est une valeur…

 

Le grand mensonge : la simulation de la croissance par l’endettement

Un gouffre béant apparaît ainsi entre les aspirations des peuples et les rêvasseries idéologiques des dirigeants. La population mondiale attend évidemment une amélioration considérable de ses conditions de vie. Le niveau de vie en est un élément essentiel et son élévation ne peut reposer que sur la croissance économique. Dans les pays riches comme la France, la gauche elle-même ne cesse de revendiquer la hausse des revenus et de se lamenter des inégalités de patrimoines.

Mais sans croissance, pas de satisfaction possible des aspirations de la population. L’endettement massif peut s’analyser comme une simulation cynique de la croissance reposant sur des dépenses publiques non financées, à la charge des générations futures. La très forte croissance des trente années d’après-guerre était en effet une situation tout à fait exceptionnelle dans l’histoire économique. Les dirigeants politiques n’ont pas su gérer la transition vers la normalité. Le qualificatif crise a été constamment utilisé, alors qu’il ne s’agissait que d’une croissance plus faible mais réelle, d’ailleurs très supérieure à celle qu’avait connue l’humanité pendant des millénaires (on estime que le taux de croissance de la production mondiale de l’Antiquité à 1700 était compris entre 0% et 0,20% par an).

C’est François Mitterrand et le parti socialiste qui ont commencé à mentir effrontément aux Français pour leur donner l’illusion que la situation exceptionnelle des décennies précédentes perdurait. Par la suite, il était presque impossible politiquement de revenir à la raison et les présidents de droite n’y sont pas parvenus. Après 40 ans de mensonge, le refuge dans la dette et le verbiage pour masquer la nouvelle réalité n’est plus possible. Il faudra faire face, dire la vérité. Ils n’en ont pas vraiment l’habitude.

 

Commentaires

  • PEYRAT
    • 1. PEYRAT Le 14/10/2024
    Merci de la justesse de cette analyse qui mériterait à mon avis d'être développée sur quelques aspects.

    1 Bien que votre chronologie de la dépense publique n'affecte que + 9 points à la période 1995 - 2007, cela masque l'effet désastreux des mesures prises de 1997 à 2002 par le gouvernement socialiste (JOSPIN) issu de la dissolution hasardeuse de 1997 (35 heures, arrêt du développement du nucléaire, entrisme de l'idéologie écologiste et islamiste, ….) .

    La croissance économique mondiale ressentie momentanément à partir de 1997, quoique comme à l'habitude plus faiblement en France, a contribué à masquer très provisoirement les effets délétères de cette politique socialiste.

    Effet qui se sont d'autant plus développés en France lorsque cette croissance mondiale momentanée a faibli.

    2 C'est principalement en France que le principe Keynésien de la relance de l'économie par la demande a dramatiquement révélé le plus ses limites : le développement des seuls services et de la dépense publique consacrée au seul assistanat ne peut se substituer au développement des innovations technologiques et à celui des capacité nationales de production.

    3 Les idéologies liées à la croyance que les variations climatiques récentes sont uniquement provoquées par le CO2 lié aux activités humaines ont abouti à vouloir développer, et donner la priorité, de façon inconsidérée, à des énergies dites "renouvelables", en fait très chères, alternatives, très aléatoires, et dont le vrai bilan "écologique" est désastreux..

    Or une réindustrialisation de la France, et une augmentation de sa productivité, ne sera possible que si :
    - la nation dispose de ressourcés énergétiques abondantes, fiables, et peu couteuses; ce qui est le cas de la France qui dispose en outre de réserves de gaz de schiste et d'hydrogène "blanc" qu'elle se refuse stupidement d'exploiter.
    - le travail, et sa rémunération, sont revalorisés

    En ce qui concerne les énergies dites "fossiles", il convient de souligner que se sont les seules à être véritablement "biosourcés" et obtenues avec le moins possible de travail supplémentaire de transformation, puisque c'est la nature et les mouvements géologiques qui ont transformé les dépouilles de plantes qui se sont développées à des époques où il y avait 10 à 20 fois plus de gaz carbonique dans l'atmosphère (sans activité humaine) !!!!!

Ajouter un commentaire