Pour la magnifique civilisation occidentale
08/11/2023
Patrick AULNAS
La civilisation occidentale est désormais considérée comme l’adversaire par de nombreux pays mais aussi par des formations politiques de gauche ou de droite implantées dans les pays occidentaux. Le dernier exemple est récent : l’alliance objective entre le fondamentalisme islamique et la gauche anti-occidentale européenne et américaine, apparue au grand jour avec la nouvelle guerre israélo-palestinienne. Certains évoquent une guerre des civilisations, mais peu importe la terminologie. La civilisation occidentale et ses valeurs sont rejetées plus clairement aujourd’hui que naguère. Ses adversaires ne se cachent plus sous le masque du communisme libérateur, ils s’affichent comme ennemis acharnés de la liberté.
Relations internationales : les prétendants à la succession de l’Occident se bousculent
Rien de surprenant à cet égard dans le cadre des relations internationales, qui sont essentiellement des joutes de puissances. Pour employer la terminologie floue mais évocatrice actuelle, le Sud global s’oppose à l’Occident global. La domination occidentale sur le monde ayant été remplacée depuis un demi-siècle par une compétition dans tous les domaines, il est tout à fait logique que l’ancien dominant soit la cible des nouveaux prétendants à la domination.
L’Occident conserve une puissance économique et militaire considérable, mais sous l’égide en particulier de la Chine, de la Russie, de la Turquie, de l’Iran, de l’Arabie Saoudite, des alliances sont envisagées pour prendre position face à l’avenir. Le multilatéralisme patine, l’impuissance de l’ONU et de l’OMC étant l’élément emblématique de cet échec dans les domaines politique et économique. L’ONU devient tout simplement une SDN bis. Il en résulte que le monde du 21e siècle est un monde instable dans lequel chaque puissance tente sa chance.
L’Occident représente le noyau dur de la démocratie libérale. Les nouveaux prétendants au leadership mondial sont des autocraties, voire des théocraties comme l’Iran. L’enjeu est donc considérable puisqu’il s’agit ni plus ni moins de savoir si le principe majeur de la civilisation occidentale, l’autonomie de l’individu, persistera dans l’avenir à long terme. Il n’existe dans aucun des États précités, où la liberté individuelle est un mal à combattre. Retournerons-nous vers un monde de l’hétéronomie ? Les Lumières vont-elles s’éteindre ?
Les ennemis de l’intérieur
La question mérite d’autant plus d’être posée que la civilisation occidentale doute désormais d’elle-même. Au monde d’hier, celui de la rareté et de la servitude, l’ingéniosité occidentale a substitué un monde de l’abondance matérielle et de la liberté individuelle. Toute l’humanité ne profite pas encore des bienfaits de cette évolution, mais tous les hommes y aspirent. C’est à ce moment de notre histoire que des doutes apparaissent en Occident. Avons-nous surexploité et dégradé la nature ? Notre liberté n’est-elle que le paravent commode masquant notre soif de puissance ?
Ces questions méritent d’être posées. Mais dans nos démocraties, la liberté d’expression permet de les instrumentaliser en vue d’une exploitation purement politicienne. L’objectif est d’accéder au pouvoir en discréditant l’adversaire par tous les moyens. Le catastrophisme écologiste, le racialisme woke, le féminisme radical, le nationalisme passéiste, l’antisionisme et l’antisémitisme haineux reposent de toute évidence sur des affects négatifs manipulés sans vergogne par quelques leaders. Trop heureux de disposer de réseaux sociaux permettant de diffuser le mensonge à la vitesse de la lumière, ces derniers ne pensent qu’à la conquête du pouvoir.
La gauche de la gauche et la droite de la droite se rejoignent à cet égard dans leur hostilité à la démocratie. Démagogie et autoritarisme les caractérisent, ce qui n’a rien de nouveau historiquement. La France insoumise, Alternative für Deutschland, le Parti du Travail de Belgique, le Lega italienne, Podemos en Espagne, parmi bien d’autres, représentent ce « populisme » dangereux, haineux et antisémite. Il faut y ajouter les tendances extrémistes des partis américains : le trumpisme chez les conservateurs, le wokisme chez les démocrates. L’ennemi de l’intérieur est donc bien implanté dans tout le monde occidental. Le ver est dans le fruit.
Le destin des hommes est dans la transmission
Depuis le 18e siècle et l’avènement de la liberté, les modérés ont accepté le dialogue et les compromis nécessaires à la gouvernance des sociétés complexes. Les extrémistes ont toujours tablé sur le radicalisme et les promesses révolutionnaires pour tromper les naïfs et accaparer le pouvoir. Mais on ne bâtit qu’à partir de ce que les générations antérieures nous transmettent. Il n’y a ni table rase ni société nouvelle dans l’histoire de l’humanité. Ce ne sont là que des affabulations de leaders politiques assoiffés de pouvoir. Les sociétés humaines se transforment en profondeur dans la continuité.
Il est donc important de bien comprendre ce qu’est l’Occident : la civilisation qui a inventé au 18e siècle l’autonomie de l’individu et par suite la liberté politique, la liberté d’entreprendre et la démocratie. Si nous laissons cet héritage inestimable dépérir, nous retomberons dans la servitude ancestrale. Le lot de chaque homme sera alors l’hétéronomie, la dépendance complète à l’égard du pouvoir politique et d’une religion ou d’une idéologie officielle. Voulons-nous devenir des Iraniens soumis aux ayatollahs, des Russes résignés devant la dictature mafieuse de Poutine, des Chinois asservis au Parti communiste ?
Les occidentaux répondent négativement à cette question dans leur écrasante majorité. Mais tous n’ont pas conscience qu’en votant pour le radicalisme politique de droite ou de gauche, ils précarisent la démocratie. Certes, il n’existe pas de société démocratique sans radicalisme politique. Les révolutionnaires ou les nostalgiques d’un passé révolu ont toujours existé. S’ils représentent seulement une marge d’extrême-gauche ou d’extrême-droite, les partis politiques de ce type jouent d’ailleurs un rôle positif en encadrant les insatisfaits pathologiques et en les empêchant parfois de dériver vers le terrorisme. Mais aujourd’hui, en Occident, ces partis sont à la porte du pouvoir et l’ont parfois conquis. La présidence de Donald Trump fut à cet égard un coup de semonce terrifiant.
Si notre belle civilisation occidentale doit se poser des questions fondamentales concernant l’écologie et la démocratie, elle doit le faire avec la raison et le dialogue. Notre savoir-faire productif, notre État de droit, nos libertés représentent le legs de nos ancêtres, auxquels nous devons un immense respect. Ils n’avaient que leurs mains et leur courage et ils ont pourtant bâti notre monde. Ils n’avaient que nous-mêmes comme ultime espoir car ils regardaient l’avenir avec les yeux des enfants heureux. Ne les trahissons pas.
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