Affaiblir les dictatures
29/09/2023
Patrick AULNAS
L’espoir de voir l’État de droit et la démocratie se généraliser peu à peu sur notre planète s’est aujourd’hui évanoui. Cet espoir était apparu après la chute de l’URSS et l’abandon du communisme par la Russie. Il avait été conforté par l’insertion progressive de la Chine dans le commerce international, qui conduisait à une relative libéralisation. Mais la dictature mafieuse de Poutine a stoppé cette évolution en Russie et le repli vers l’omnipotence du parti communiste a commencé en Chine.
Le pouvoir politique sans limite relève donc la tête. Le danger est considérable, eu égard à la détention par les dictateurs d’armes de destruction massive. Les analyses anciennes doivent être révisées.
Dictatures de droite et dictatures de gauche ?
Au 20e siècle, la distinction entre les dictatures de droite (fascisme, nazisme) et de gauche (communisme) était admise par tous. Le fascisme souhaitait idéologiquement instaurer une société inégalitaire glorifiant les chefs et asservissant les exécutants. Le communisme aspirait idéologiquement au contraire : une société sans classes. Mais l’idéologie n’a joué aucun rôle réel. Les communistes utilisaient d’ailleurs le concept de dictature du prolétariat pour justifier l’autocratie des dirigeants très privilégiés du parti communiste. Ce concept de dictature du prolétariat, qui nous semble aujourd’hui une mauvaise plaisanterie, était parfaitement admis par les partis communistes occidentaux.
La distinction ancienne entre dictature de droite et de gauche n’a donc plus aucune valeur. La Russie et la Corée du Nord démontrent clairement que le communisme ne fut qu’un prétexte idéologique pour refuser la liberté. Poutine rêve encore de la triste URSS d’antan et Kim Jong Un utilise le communisme pour maintenir sa tyrannie. Les régimes politiques actuels les plus sanglants, n’hésitant jamais à assassiner les opposants, sont issus du communisme.
Le seul critère politique robuste est donc la liberté. Les démocraties fixent des limites au pouvoir politique et à sa violence consubstantielle. Les dictatures sont violentes par essence puisque le pouvoir de leurs gouvernants provient de la force brutale. Elles exportent cette violence pour s’opposer aux démocraties.
L’impérialisme des dictatures, paravent de leur faiblesse
Les deux plus puissantes dictatures de la planète suivent aujourd’hui le même chemin réactionnaire. La Chine s’était ouverte au commerce international au début du 21e siècle (présidence de Hu Jintao) ce qui impliquait une certaine libéralisation. La forte croissance économique (plus de 10% par an parfois) était un indicateur de la réussite de cette politique puissamment exportatrice. Mais l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir en 2013 a marqué un revirement. Pour ce dirigeant, la domination sans partage du Parti communiste ne peut être remise en cause. Il en résulte un repli économique et un durcissement politique conduisant inéluctablement à un recul du niveau de vie. Il est alors nécessaire d’instrumentaliser le politique pour proposer à la population des objectifs mobilisateurs. L’impérialisme chinois reprend donc ses droits avec l’absorption de Hong Kong et les menaces répétées sur Taiwan.
L’histoire récente de la Russie présente de nombreuses analogies. La libéralisation progressive sous le dernier dirigeant soviétique (Mikhaïl Gorbatchev) puis sous le premier président de la Fédération de Russie (Boris Eltsine) a cédé la place à un repli autoritaire et nostalgique de la puissance soviétique. Les richesses naturelles de l’immense territoire russe permettraient une élévation rapide du niveau de vie de la population si le pays acceptait de s’insérer dans les échanges internationaux et s’il s’ouvrait à la coopération avec l’Occident. Mais le clan quasi-mafieux qui gouverne ne songe qu’à son maintien au pouvoir. Poutine a donc fait adopter une loi lui permettant de s’y maintenir jusqu’à 2036 (il aurait 84 ans). Que proposer alors à la population ? Le danger extérieur, évidemment, grand classique de la justification de l’impérialisme des dictatures. La guerre en Ukraine contre un pays souverain devient ainsi une guerre de libération, de dénazification. L’Occident devient globalement l’ennemi. Mais la population, hormis celle de quelques grandes villes, vit dans la pauvreté sous la férule des dirigeants.
Affaiblir les dictatures en les isolant
Si l’on admet comme prémisse que la liberté est la condition du progrès et par suite de la puissance, les démocraties n’ont qu’une option à long terme : affaiblir les dictatures. Les dictatures prêtent d’ailleurs involontairement le flanc à cette stratégie puisqu’elles ont une propension à l’isolement, prodrome du déclin. Les rencontres de dirigeants (par exemple Poutine et Kim Jong Un) ne doivent pas faire illusion. Elles ne s’accompagnent évidemment pas d’échanges libres entre les populations. Il ne s’agit que de communication politique et, au mieux, de quelques contrats entre États.
La véritable puissance provient de la société elle-même lorsqu’elle acquiert par la recherche et l’innovation libres une avance technologique importante. Les États-Unis ont ainsi distancé l’URSS au 20e siècle. La coopération étroite États-Unis-Europe (plan Marshall) avait permis le développement et l’enrichissement du vieux continent. Les innovations majeures de notre époque viennent toutes d’Occident (énergie nucléaire, informatique et numérisation de l’information, biotechnologies, etc.).
Mais actuellement, des erreurs d’analyse majeures des gouvernants européens, en particulier dans le domaine de l’énergie, peuvent faire naître l’inquiétude. Il est évident que l’énergie nucléaire est une des plus grandes découvertes de l’histoire de l’humanité. L’être humain n’a jamais renoncé à une découverte majeure et ne renoncera pas à celle-là. La politique de certains pays, comme l’Allemagne, qui ont abandonné le nucléaire civil pour des raisons purement électoralistes (les voix des partis écologistes) représente un grave danger. La fermeture de la centrale de Fessenheim en France fut une absurdité.
Les quantités d’énergie nécessaires pour maintenir notre puissance et distancer les dictatures seront gigantesques. Avec le rationnement énergétique lié à l’idéologie écologiste, une véritable guerre de l’énergie risque de naître. Il est donc vital pour l’Occident de maintenir sa suprématie scientifique et technique et de disposer d’une énergie abondante et décarbonée. Seule l’énergie nucléaire peut y pourvoir, ce qui ne signifie pas qu’il faille abandonner éoliennes et panneaux solaires. Mais ce ne sont que des appoints intermittents. Les autocraties russes et chinoises n’ont aucun scrupule dans ce domaine et poursuivent activement la construction de centrales nucléaires.
Pour maintenir la liberté sur notre planète, le réalisme s’impose. La sidérante naïveté des européens, abandonnant le nucléaire civil et ne disposant même pas d’une défense puissante et coordonnée, est observée avec ravissement de Moscou et de Pékin. Il est possible que nos dirigeants aient été des enfants de chœur dans leur jeunesse. Ils feraient bien de ne pas le rester en tant que gouvernants.
Commentaires
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- 1. Jean-Yves PEYRAT Le 11/10/2023
Cher Monsieur,
Comme très souvent je suis tout à fait d'accord avec vos analyses.
Pour ce qui est de votre billet sur le thème "Affaiblir les dictatures" je souhaiterai apporter quelques commentaires :
Il me semble qu'aux dictatures de droite ou de gauche, devraient s'ajouter les dictatures religieuses, et notamment les dictatures islamiques.
Egalement, d'autres dictatures idéologiques récentes ( relayées par d'anciens communistes) sont à craindre ; l'écologisme, le climatisme, le multiculturalisme, le wokisme.
On pourrait relever que l'histoire a démontré que les dictatures dites "de droite" ne durent que quelques années ( Italie, Allemagne, Chili, Argentine, ...) alors que les dictatures dites "de gauche" ont le malfaisant "génie" de pouvoir perdurer des décennies.
Affaiblir les dictatures en les isolant : oui, mais cela suffit-t-il ? Et par quels moyens ? Leur implosion ne peut--elle pas, in fine, provenir que de leur peuple?
L'innovation et le libéralisme sont les vrais remèdes, mais comment aider les peuples à se libérer des dictatures de gauche, car il semble qu'ils aient trouvé les moyens de se libérer eux mêmes de celles de droite.
Amicales salutations,
JYP
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