21e siècle : la grande transition démographique
06/09/2022
Patrick AULNAS
Un accord quasi-unanime existe sur le diagnostic : la population humaine va diminuer. Les désaccords ne portent que sur le moment précis. Deuxième moitié du 21e siècle ou 22e siècle ? Cette question de spécialiste intéresse les politiciens, qui se limitent en général au court terme. Mais le plus important est de prendre conscience du caractère inéluctable de l’évolution qui s’amorce.
Les évolutions mondiales
Sans doute y-a-t-il de grandes différences entre les continents. Mais globalement, tous les indicateurs vont dans le même sens et pointent vers une réduction très nette de la population mondiale à l’avenir. Selon l’INED (Institut national d’études démographiques), la population humaine a évolué de la façon suivante depuis l’an 0 :
Evolution de la population mondiale de l’an 0 à nos jours
L’INED, prudent, indique un ralentissement très net de la croissance dans la seconde moitié du 21e siècle. L’ONU prévoie plusieurs scénarios, allant du ralentissement de la croissance à la diminution de la population mondiale. Une étude récente des économistes de HSBC, analysée par Les Echos, anticipe une baisse dès le milieu du 21e siècle car le taux de fécondité (ou de fertilité) est en net recul sur tous les continents. Cette étude imagine une diminution de moitié de la population mondiale, qui passerait à 4 milliards de personnes à la fin du 21e siècle. Il s’agit d’une analyse parmi beaucoup d’autres. Mais il faut remarquer que le graphique suivant de la Banque mondiale conduit à une baisse de la population dès le milieu du siècle si la tendance à la baisse du taux de fertilité se poursuit :
Evolution du taux de fertilité de la population mondiale de 1960 à 2020
(Le taux de fertilité ou de fécondité est le nombre d’enfants par femme pendant sa période de fertilité)
Il faut une moyenne de 2,1 enfants par femme pour assurer la stabilité de la population. De 5 en 1960, le taux a chuté à 2,4 en 2020, permettant encore une croissance de la population mondiale. Mais la diminution du taux se poursuit d’année en année et il est clair qu’en prolongeant la courbe, il serait inférieur à de 2,1 en 2050. Le taux était en effet de 2,7 en 2000 ; 20 ans plus tard, en 2020, il est de 2,4 ; il voisinerait donc 2,1 dès 2040. Un ajustement linéaire sur la période 2000-2020 conduirait à peu de choses près à ce chiffre.
La population mondiale commencerait alors à diminuer, mais très inégalement selon les continents. L’Afrique, par exemple, conserve des taux de fertilité très élevés (par exemple 4,4 pour le Cameroun), mais en baisse constante. L’Europe verrait sa population diminuer fortement (taux de fertilité UE en 2020 : 1,5) sauf immigration massive en provenance d’Afrique en particulier. Ce sujet brûlant est éludé par les politiciens ou traité de façon démagogique et électoraliste en évoquant un « grand remplacement ». Sauf événement majeur (guerre nucléaire mondiale, catastrophe climatique de grande ampleur, pandémies récurrentes et sévères), il est tout à fait certain qu’une Europe à la population vieillissante fera face à une Afrique à la population très jeune dans la seconde moitié du 21e siècle.
Diminution de la population signifie vieillissement
Lorsqu’une population diminue, le nombre de naissances par an devient plus faible que le nombre de décès par an. Le nombre de personnes âgées augmente. Le vieillissement ne peut pas se poursuivre pendant de nombreux siècles car il aboutirait à l’extinction de l’espèce. Il s’agit donc de trouver une stabilité approximative avec une natalité équilibrant la mortalité. Les démographes parlent de transition démographique. Nous sommes à la veille de la plus grande transition de l’histoire de l’humanité. Après une croissance exceptionnelle de presque trois siècles (1 milliard d’humains en 1800, 8 milliards aujourd’hui) et une baisse importante à la fin du 21e siècle et au 22e siècle, il s’agira de retrouver la stabilité avec une population beaucoup plus âgée.
Le graphique suivant, publié par le magazine Alternatives économiques et basé sur le scénario médian d’évolution de l’ONU, donne une idée du vieillissement prévisible de la population mondiale :
Évolution prévisionnelle de l’âge médian de la population mondiale de 1950 à 2100
(L’âge médian est celui qui divise la population en deux groupes égaux ; une moitié est plus jeune, l’autre moitié est plus âgée)
Avec de fortes disparités selon les continents (l’Afrique étant le continent le plus jeune) l’âge médian croît inéluctablement et pourrait avoir doublé à la fin du siècle.
Une étape nouvelle
L’humanité va donc aborder au 21e siècle une étape entièrement nouvelle de son histoire. Comme le montre le graphique de l’INED ci-dessus, la croissance de la population humaine fut constante, avec une accélération très forte à partir du 19e siècle, liée principalement aux progrès de l’hygiène et de la médecine. Mais la croissance extrêmement rapide des deux derniers siècles est évidemment insoutenable sur le long terme et par conséquent, elle ne pourra pas se poursuivre. Voilà une certitude absolue.
L’humanité devra donc poursuivre son chemin avec une population beaucoup plus âgée. Dans l’équilibre démographique ancien, la natalité était élevée (6 enfants par femme en moyenne), mais l’espérance de vie à la naissance était faible (20 à 25 ans) par suite d’une mortalité infantile (avant 1 an) extrêmement élevée. L’équilibre démographique futur reposera sur une natalité faible (autour de 2,1 enfants par femme) et une espérance de vie à la naissance très élevée (plus de 70 ans, voire 80 ans).
En 2020, 9,3 % de la population mondiale était âgée de plus de 65 ans (INSEE). Mais ce taux atteignait déjà 22% en France et 30% au Japon. On connaît les problèmes de financement des retraites et de la dépendance des personnes âgées dans les pays riches et vieillissants. Ils deviendront mondiaux. Et ce n’est qu’un exemple des défis à affronter. Ce monde de vieux devrait être celui de la sagesse. Mais rien n’est moins sûr.
Publié sur Contrepoints le 06/09/2022
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