Opération Wauquiez réussie
24/02/2018
Patrick AULNAS
La récente campagne de publicité Wauquiez est un chef-d’œuvre. Si Les Républicains avaient dû payer toutes les annonces dans la presse écrite et tous les spots dans l’audiovisuel, ils auraient déboursé une fortune. Wauquiez a organisé cette campagne avec brio, sans débourser un cent.
Il a suffi de faire quelques cours devant des étudiants en management tous munis d’un ordinateur personnel et d’un smartphone. Bien sûr, ils ont été prévenus que rien ne devait sortir de la salle de cours. Excellent avertissement, qui se devait d’être prononcé. Attention ! On ne rigole pas. Mais comment contrôler les fonctionnalités actives sur un ordinateur ou un smartphone ? Impossible, et tout enseignant ou conférencier le sait parfaitement.
Négligence coupable, négligence volontaire ? Chacun peut avoir son opinion au vu de la réalité des faits. Comme un jury d’assises, auquel on demande de déterminer son intime conviction. Peu importe d’ailleurs, car l’important pour Wauquiez est d’en retirer des bénéfices politiques.
Objectif : se faire connaître du grand public
Laurent Wauquiez étant assez peu connu du grand public, il doit faire parler de lui. Réussite totale. Il n’a été question que de cela pendant plusieurs jours. Les leaders des diverses formations politiques sont tous tombés dans le panneau en s’exprimant personnellement. Fort heureusement, les instances dirigeantes du pays sont restées discrètes. Le Président de la République, plus fine mouche que la moyenne, a sans doute exigé le service minimum et s’est contenté d’affirmer que Wauquiez n’était pas « inspirant ».
Il n’empêche que toute la sphère politique s’est particulièrement intéressée à Laurent Wauquiez pendant quelques jours, le plaçant ainsi au rang de grand personnage controversé. Jugé parfois brutal dans ses prises de décisions, et cela même dans son propre camp, il a simplement confirmé son image et s’est par là-même singularisé. En particulier par rapport à Emmanuel Macron, qui représente l’exact opposé, celui qui pèse et soupèse, qui analyse, approfondit et cherche à concilier par le verbe.
A terme de quelques années, pour s’opposer à Macron, il faudra proposer une autre image de leader. Wauquiez vient de poser la première pierre.
Les leaders politiques instrumentalisés
Les réactions offusquées des leaders politiques n’ont fait qu’amplifier l’audience. Wauquiez ne s’adresse pas à la petite élite politico-médiatique, ni aux cadres supérieurs, mais au peuple. Le « tous pourris » étant assez largement accepté dans de larges couches de la population, les attaques personnelles du leader des Républicains ne font que confirmer ce que beaucoup pensaient déjà.
Wauquiez apparaît ainsi comme un dirigeant politique qui parle vrai et les responsables politiques qui le condamnent naïvement comme des spécialistes du politiquement correct, de la langue de bois politicienne, des demi-vérités et des demi-mensonges. Ils les attaquent frontalement, ils se défendent par l’esquive et les propos flous et moralisateurs. A moyen terme, il est gagnant dans le public visé, comme Trump pendant sa campagne électorale.
Les commentateurs à côté de la plaque
Les commentaires savants des politologues, des historiens et des journalistes spécialisés ne sont suivis que par une infime minorité de citoyens s’intéressant vraiment à la politique. Ce public féru de politique a la culture suffisante pour prendre du recul et objectiver l’entreprise médiatico-politique de Laurent Wauquiez. Les envolées lyriques, au nom d’une certaine éthique démocratique, font ressembler les habitués des plateaux télévisés à des vierges effarouchées par quelques paroles, au demeurant assez banales sur le fond. Le petit nombre de ceux qui s’intéressent vraiment à la politique n’a nul besoin de ces analyses moralisatrices pour porter un jugement.
Wauquiez ne s’adressait pas à eux. Ce qu’il a dit, vrai ou faux, devait être immédiatement compris par tout le monde. La cible visée est constituée par la foule de tous ceux qui réagissent émotionnellement. Un message populiste s’adresse par définition au peuple qu’il faut interpeler, dans cette logique populiste, par des propos abrupts, « cash », a-t-on dit. L’émotion vient de là, jamais d’une analyse fine.
Les commentateurs parlent donc dans le désert avec leurs leçons de démocratie et leurs analyses rationnelles. Ils sont même contreproductifs en semblant toujours défendre le politiquement correct, regardé par la population ciblée comme l’ennemi à abattre. Dans cet ordre d’idées, les détracteurs trop subtils de Wauquiez ressemblent aux bien-pensants en matière d’immigration : ils font monter les opposants.
Ce n’est qu’un début
L’avenir dira si cette séquence a été porteuse pour le leader de droite. Il doit mordre sur l’électorat Front National pour réussir. Pour ce faire, il doit oublier publiquement ses brillantissimes réussites, son agrégation d’histoire et les grandes écoles. Il lui faut s’adresser à la population qui travaille de ses mains et qui n’a cure du raffinement conceptuel. Ce n’est probablement qu’un début.
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