Les partis politiques : touchés, coulés ?
18/05/2017
Patrick AULNAS
« L’onde de choc Emmanuel Macron », « Le siphonage des élus par En marche » ! On pourrait aligner les qualificatifs employés par les médias pour évoquer la recomposition du paysage politique. Voici seulement six mois, la composition du nouveau gouvernement n’aurait pas pu faire partie des rêves les plus fous. Pourtant, il s’agit simplement de tenter de travailler ensemble au bien du pays. Mais les leaders des partis ne l’entendent pas de cette oreille.
Battre l’adversaire, la petite ambition des partis
Les partis politiques traditionnels (LR, PS en particulier) sont assimilables à des écuries de formule 1. Il faut maîtriser la technique du métier, être tactique et mettre les meilleurs pilotes au volant. Il s’agit de battre l’adversaire par une meilleure performance. En formule 1, le critère de la réussite est simple : franchir le premier la ligne d’arrivée. Pour un parti politique, le critère est tout aussi élémentaire dans son principe : avoir un maximum d’élus aux diverses élections et, si possible en France, conquérir la Présidence de la République.
Au diable l’intérêt général !
Il n’était plus question depuis des lustres de l’intérêt général. Car l’intérêt général, ce n’est pas vendeur. D’autant que sa définition relève du pragmatisme pur et de compromis de gestion permettant de trouver approximativement la meilleure façon de vivre ensemble. Pragmatisme, gestion, compromis ? Des mots horribles pour les partis. Il convient bien au contraire d’utiliser un vocabulaire de conquête, d’être un guerrier. Il faut avoir des adversaires et pour les plus sectaires des ennemis. Le parti politique doit justifier son existence par un combat. Les militants doivent lutter pour la victoire.
Mystifier des militants pour exister
Piètre victoire ! Misérable lutte ! En vérité, tous les problèmes sont résolus par des compromis dans les démocraties des pays riches. Entre le compromis de droite et le compromis de gauche, il y a l’épaisseur d’une feuille de papier bible. Mais il ne faut surtout pas le dire car cette réalité remettrait en cause l’existence même des écuries concurrentes et la puissance de leurs leaders. Et comment trouver des militants sinon pour mener le combat pour l’égalité, pour la liberté, contre l’étranger ? Un militant de base doit coller des affiches le soir et distribuer des tracts dont personne ne veut. Pas drôle du tout ! Une activité aussi peu gratifiante ne peut que reposer sur une croyance, presque une mystification.
La fragilité non perçue des partis
La communication d’un parti se résume à quelques concepts élaborés par des think tanks spécialisés puis déclinés en slogans grand public. Mais lorsque les slogans, plus ou moins rénovés, aboutissent élection après élection à la régression d’un pays tout entier, le citoyen de base commence à se poser des questions. Les citoyens étant très nombreux et le nombre de militants plutôt squelettique, à partir d’un certain degré de déliquescence du système, la crédulité des citoyens s’estompe et il suffit d’un leader charismatique pour ébranler l’édifice. Mais les dirigeants des partis, biberonnés à la politique politicienne pendant des décennies restent pour la plupart inconscients de la fragilisation de leur organisation.
Vision stratégique
« Anne, ma sœur Anne ne vois-tu rien venir ? ». Ils n’ont rien vu et l’exécution a bien eu lieu. Macron le technocrate, Macron le banquier ne pouvait pas être un danger. Pour les chefs de partis, l’intelligence et le charisme ne suffisaient pas pour remettre en cause leur suprématie. De leur point de vue, il fallait surtout de l’habileté tactique pour nager au milieu de tant de requins. Pas de chance, avec Macron ils sont tombés sur un stratège, quelqu’un qui voit loin et qui a analysé avec maestria leurs faiblesses. Une vision stratégique remplace les petites manœuvres d’appareils destinées principalement à entraver l’adversaire.
Positiver
Les Mélenchon et Le Pen poursuivront bien évidemment leurs médiocres harangues politiciennes. Leur fonds de commerce tourne encore car la crédulité d’un pourcentage significatif de citoyens ne peut disparaître par magie. Les révolutionnaires de salles de congrès continueront donc leur révolution en chambre et le négativisme tous azimuts va survivre. Mais les autres – socialistes, centristes, droite de gouvernement – vont devoir travailler ensemble, discuter, élaborer des compromis acceptables, bref faire le travail qu’ils n’ont pas fait pendant des décennies. Il faudra positiver, comme le conseillait un slogan publicitaire. Enfin !
Construire et non s’opposer
Les libéraux ne peuvent que se réjouir d’une telle évolution. L’ADN libéral ne comporte pas le gène de l’addiction au politique, bien au contraire. Le libéralisme privilégie toujours le contrat sur le statut, le compromis négocié sur la solution imposée d’en haut. Ramener les politiques à la réalité du monde actuel et les empêcher de cantonner l’individu dans les rêvasseries idéologiques ne peut qu’être ressenti comme un progrès. Et ne venez pas me dire que ce n’est pas assez ! Voilà exactement comment réagissaient les vieux partis en décomposition pour refuser une loi dont ils approuvaient pourtant l’orientation. Il faut savoir construire pierre après pierre.
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