Immigration et identité : les deux France
02/10/2016
Patrick AULNAS
L’affaire du burkini a fait grand bruit au cours de l’été 2016. Par son caractère symbolique, cette tenue islamiste a révélé plus clairement le clivage de la France dans le domaine de l’immigration et de la défense de nos libertés face à une religion musulmane à la dérive. Le mot identité culturelle ou nationale a tellement été manipulé par les médias qu’il est devenu, aux yeux de nombreux naïfs, une véritable insulte. Il s’agit pourtant de cela. Notre culture doit-elle être défendue ? Nous avons tous une identité culturelle, malheureuse pour certains, heureuse pour d’autres. Même si les ministres de l’Éducation Nationale font parfois beaucoup d’efforts pour assassiner notre culture, elle reste une référence et une fierté pour une grande majorité de français. Reflet de l’opinion, la position des partis sur le sujet permet de discerner deux France.
L’extrême-gauche et le goût de la radicalité tous azimuts
A l’extrême-gauche, le manichéisme traditionnel se traduit par des slogans simplistes : « Calais : Avec les migrantEs (sic) ou avec les patrons racistes, il faut choisir », titre le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). Ou encore : « La situation dramatique des réfugiéEs et migrantEs se dégrade encore aux frontières de l’Europe forteresse et à l’intérieur des États de l’Union européenne, sur fond de montée du racisme et de l’islamophobie ». Le ton du Parti de Gauche est à peu près à l’unisson. Ainsi, à propos des campements illégaux de migrants à Paris : « C’est l’État et la Ville de Paris qui sont hors la loi et non les soutiens des réfugiés ! »
Il est logique que ces formations politiques se placent du côté des « damnés de la terre ». C’est leur fonds de commerce. Il en résulte cependant qu’elles se coupent de plus en plus de la grande majorité des français qui observe avec consternation et crainte l’afflux incontrôlé de populations étrangères. La collusion entre certains militants jusqu’auboutistes d’extrême-gauche et le terrorisme islamique est également avérée. Déstabiliser l’Occident équivaut pour une petite minorité à lutter contre le capitalisme honni.
L’angélisme écologiste
Chez les écologistes, il n’y a pas unanimité, mais la tendance à l’angélisme est patente. Ainsi, en 2015, Emmanuelle Cosse, dirigeante du mouvement, déclarait : « Je crois sincèrement, que ce n'est pas en posant la question du nombre que l'on répond […] Je crois qu'en France on a les moyens de ne pas se poser cette question-là. Nous sommes un pays extrêmement riche qui a des capacités d'accueil extrêmement fortes ».
Le vivre-ensemble mou des socialistes
Comme on le sait, le Parti Socialiste est coupé en deux sur le sujet comme sur beaucoup d’autres. Entre Manuel Valls, qui approuve les arrêtés municipaux anti-burkini et Najat Vallaud-Belkacem qui y voit une stigmatisation de l’Islam, il y a une distance sidérale. La position officielle du Parti Socialiste cultive donc le flou : « Affronter clairement ce problème c’est exprimer cet équilibre entre fermeté et générosité. La fameuse formule de l’ancien premier ministre Michel Rocard illustre cet équilibre qui doit être recherché en cette matière : " La France ne peut accueillir toute la misère du monde mais elle doit en prendre fidèlement sa part " ». Ce petit chef-d’œuvre d’expression écrite en vue de ne pas prendre position clairement rappelle la manière de s’exprimer de François Hollande : beaucoup de circonlocutions pour maintenir le flou. Il est impossible de trouver des mesures concrètes prônées par le Parti socialiste pour l’avenir.
Le parti socialiste est un ensemble hétérogène partagé entre l’aspiration à gouverner le pays de ses dirigeants et l’idéalisme archaïsant de beaucoup de ses militants et de certains sympathisants. Ceux-ci se font un devoir de l’ouverture à l’autre et affichent un discours sans faille sur la diversité, source d’enrichissement. Mais, confrontés aux réalités du pouvoir et aux décisions à prendre pour gérer la jungle de Calais, les campements illégaux de migrants ou le refus de certaines petites villes de les accueillir, ils sont saisis d’un doute. Le bel idéal ne serait-il qu’un rêve dans ce domaine comme dans celui de la société sans classes ? Certains se transforment alors en opposants systématiques au gouvernement, par exemple les députés « frondeurs ». Il est tellement plus confortable de rester dans l’idéal que de se salir les mains ! D’autres, surtout d’anciens sympathisants, n’acceptent pas ce laxisme intellectuel et peuvent rapidement se retrouver très loin à droite où Marine Le Pen est ravie de les accueillir. Pauvres socialistes !
Les Républicains et la défense de l’identité
Chez Les Républicains (LR), l’identité culturelle n’est pas éludée. Sous le titre « Revendiquer nos valeurs », le projet du parti considère qu’une « France ambitieuse, c’est une France fidèle à son identité, à ses valeurs ». Il est rappelé que « La France est dépositaire d’une histoire millénaire, d’une culture unique et d’une pensée inestimable. » Il s’agit aussi « d’éradiquer le terrorisme islamiste ». A cette fin, « le retour sur le sol français des djihadistes partis dans des camps d’entraînement sera empêché. Les Français terroristes binationaux qui trahissent la France ne méritent pas d’être français. Ils doivent être exclus de la communauté Nationale ».
Le projet précise encore : « Toute personne étrangère surveillée par les services et qui a une connexion avec des réseaux terroristes doit pouvoir être expulsée en urgence absolue. Pour les personnes de nationalité française qui présentent une dangerosité avérée, il faut donner la capacité aux autorités administratives et aux services de renseignements de placer temporairement en résidence surveillée celles que nous ne pourrions pas expulser et les obliger à porter un bracelet électronique. »
Il est clair que LR s’adresse à un public attaché à l’ordre, au mode de vie occidental et à la culture française. Les affirmations concernant l’identité culturelle ou nationale sont sans ambiguïté. Quelques mesures concrètes sont proposées pour lutter contre le fléau de l’islamisme radical. Si certains prétendent que LR chassent sur les terres du Front National, c’est uniquement par électoralisme car une grande majorité de français pourrait souscrire aux phrases citées précédemment, même certains sympathisants de gauche qui votent par tradition familiale pour le parti socialiste. Les sondages montrent en effet que les français se déclarent « fiers » de l’être (autour de 80%), que pour eux la République est un symbole positif (autour de 80% également), mais qu’ils pensent qu’il y a trop d’immigrés (60 à 70% selon les sondages). Par ailleurs, un sondage IFOP pour Atlantico indique que 67 % des personnes interrogées considèrent que la lutte contre le terrorisme comptera beaucoup pour la présidentielle 2017.
LR s’est donc simplement mis en harmonie avec la grande majorité des français.
Les promesses hors de portée du Front National
Pour séduire un électorat qui voit les mouvements de population comme une menace, en particulier depuis l’afflux massif de réfugiés en Europe, le Front National tient un discours sans ambigüité. Il prône une « réduction drastique des titres de séjour délivrés » (arrêt de l’immigration de travail, arrêt de regroupement familial, droit d’asile limité à quelques centaines de personnes par an). Le « départ d’un certain nombre d’étrangers légaux déjà présents en France » est également proposé (étrangers condamnés ou au chômage depuis plus d’un an, renouvellement plus difficile des titres de séjour). Pour mettre en œuvre une telle politique, il faut « remettre en cause les accords de Schengen » et « supprimer le droit du sol ».
Un tel affichage politique séduit visiblement une partie croissante de l’électorat, même si certains politologues évoquent un plafond de verre. Il semble bien que ce plafond soit de plus en plus haut, décennie après décennie, ce qui mérite réflexion. Le grand problème auquel se heurterait le Front National arrivé au pouvoir serait davantage économique que politique. De telles mesures pourraient être mises en œuvre avec des moyens policiers et administratifs importants et en renégociant certains traités européens. Mais, couplées à une politique économique protectionniste, elles conduiraient à un isolement du pays et à une chute rapide du niveau de vie. Les promesses sociales ambitieuses seraient alors hors de portée et la France deviendrait une sorte de RDA coupée du monde. Un nouveau mur de Berlin s’imposerait peut-être, sait-on jamais…
Ce qui est également hors de portée avec le système électoral actuel, c’est une majorité parlementaire Front National. La Présidente Marine Le Pen, une fois élue, devrait donc trouver des alliés sur sa gauche, ce qui tempérerait beaucoup son projet électoral.
Une tendance historique nette
Deux France se dessinent donc : celle qui vit l’immigration comme une menace pour son identité nationale ou culturelle (les subtilités sémantiques importent peu hors des manipulations électoralistes), et celle qui voit l’accueil des étrangers comme un devoir pour un pays riche et la découverte de leur culture comme un enrichissement pour les individus. Bien qu’il soit difficile de chiffrer l’importance numérique des deux perceptions, la première représente sans aucun doute une majorité assez large. La réussite électorale du Front National, le durcissement du programme LR et le flou socialiste croissant révèlent bien l’orientation historique.
Une telle constatation ne doit pas étonner. L’entrée de millions d’étrangers dans le pays en quelques décennies, sans véritable intégration, heurte les lois les plus élémentaires de la sociologie. La stabilité du groupe social s’en trouve affectée et des conflits entre communautés apparaissent. Lorsqu’une religion, l’Islam, auparavant très peu représentée, devient la seconde du pays en trente ans, elle ne peut être perçue, à tort ou à raison, que comme conquérante. Lorsque les tendances les plus extrêmes de cette religion affichent une ambition totalitaire prônant la destruction complète de notre culture par les moyens les plus violents, leurs affidés deviennent nos ennemis.
La France de l’immigration subie, sans véritable limite quantitative, est la seule qui ait été représentée au niveau gouvernemental jusqu’à ce jour. Elle est désormais ultra-minoritaire dans le pays. Si démocratie il y a, c’est la France de l’immigration choisie qui devra prochainement assumer l’exercice du pouvoir. Les problèmes d’immigration et de terrorisme n’étant pas prêts d’être résolus, il faudra des moyens, du temps et de la ténacité pour conduire une telle politique, c'est-à-dire une vision à long terme. Voilà bien la difficulté. Les proclamations partisanes ont un relent électoraliste et court-termiste qui permet de douter. Mais attendons encore quelques mois.
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