Crèches de Noël et racines chrétiennes
21/12/2016
Patrick AULNAS
Les crèches de Noël sont surveillées de près. Peuvent-elles être installées dans une mairie ou un hôtel de région ? Laïcité fait loi depuis 1905 et la crèche a incontestablement une dimension religieuse. La laïcité est un excellent principe, mais malgré tout, un doute subsiste dans les esprits à propos des crèches. Une crèche avec ses santons est particulièrement émouvante pour tous ceux qui ont conservé quelque part un regard d’enfant, chrétiens ou pas. Mais le monde étant devenu ce qu’il est, même le regard d’un enfant peut être utilisé par la médiocrité ambiante. Manipulation politique, prosélytisme religieux, action de promotion avec arrière-pensées financières, tout est possible et tout existe bel et bien dans la période de Noël. Les opportunistes de la pire espèce n’hésitent plus à utiliser les symboles auparavant respectés.
Toujours la basse politique
Pour certains ambitieux, l’existence médiatique est un but ne soi. Et pour exister il suffit de provoquer. Ainsi, Laurent Wauquiez, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a fait installer une crèche de 14 mètres carrés dans le hall d’entrée de l’hôtel de région, à Lyon. Objectif officiel : « mettre en valeur le savoir-faire des artisans santonniers de la Drôme ». Objectif réel : relancer la polémique pour en retirer un bénéfice politique en se plaçant dans le camp de la tradition chrétienne, qui a le vent en poupe à droite. Certains politiciens n’ont plus aucune décence. Comment la grandiloquente ostentation d’une crèche de 14 mètres carrés pourrait-elle être associée à l’humilité de la naissance du Christ ? Mais le Christ importe peu. Il s’agit, figurez-vous, de Laurent Wauquiez en personne.
La position du Conseil d’État
Du côté des rigoristes de la laïcité, il est hors de question d’installer une crèche de Noël dans un bâtiment public. Des actions en justice ont été intentées contre de petites communes qui s’étaient hasardées à décorer ainsi le hall de la mairie pour les fêtes de Noël. Et l’affaire est parvenue au plus haut niveau de l’ordre juridictionnel administratif, le Conseil d’État. La décision de la haute juridiction était attendue car elle avait précédemment approuvé l’annulation d’arrêtés municipaux interdisant le burkini. Certains organes de presse titraient donc : « Oui au burkini, non aux crèches ? ». Délicat, très délicat pour les juges. Leur décision fut donc prudhommesque. Le Conseil d’État précise qu’une crèche de Noël est « une scène qui fait partie de l’iconographie chrétienne et qui, par là, présente un caractère religieux. Mais il s’agit aussi d’un élément faisant partie des décorations et illustrations qui accompagnent traditionnellement, sans signification religieuse particulière, les fêtes de fin d’année. » Il en résulte que « l’installation d’une crèche de Noël, à titre temporaire, à l’initiative d’une personne publique, dans un emplacement public, n’est légalement possible que lorsqu’elle présente un caractère culturel, artistique ou festif, sans exprimer la reconnaissance d’un culte ou marquer une préférence religieuse. »
A l'évidence, une crèche comporte une signification religieuse
Une crèche peut-elle être dépourvue de signification religieuse et ne présenter qu’un « caractère culturel, artistique ou festif » ? La réponse est évidemment négative. Une crèche de Noël représente la Sainte Famille (Joseph, Marie, l’Enfant Jésus) et a d’abord et avant tout une signification religieuse. A-t-elle une fonction de prosélytisme religieux ? La réponse négative est tout aussi évidente. Il s’agit d’une pratique culturelle et festive ancrée dans nos traditions religieuses. L’Église catholique ne lui attribue d’ailleurs aucun autre rôle.
Distinguer le culturel du religieux, comme le fait le Conseil d’État à propos des crèches installées dans les mairies ou autres bâtiments administratifs, relève de l’impossible. Tout simplement parce que notre culture a un fondement religieux. Tout ce qui touche à la fête de Noël, si on en exclut les dérives consuméristes, est religieux. Tout ce qui, dans cette célébration, est beau, noble, tout ce qui a de la grandeur et de l’humilité, tout ce qui est ferveur et naïveté enfantine, tout ce qui est émotion profonde et altruisme est religieux.
La peur de l’Islam
Derrière la polémique concernant les crèches de Noël, apparaît la question des racines chrétiennes de la France et de l’Europe. Mais aussi, en creux, celle de la place à accorder à l’Islam dans le domaine culturel. L’identité malheureuse occidentale campe en arrière-plan dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres. Faudrait-t-il accorder à l’Islam l’équivalent de la crèche symbolique si par hasard une municipalité française avait un conseil municipal à majorité musulmane ? La réponse devrait aller de soi : il n’y a aucune tradition musulmane dans la culture française. Notre architecture, notre sculpture, notre peinture ont été pendant presque deux millénaires inspirés par le christianisme. Mais jamais par l’Islam. Il n’en va pas de même en Espagne où l’occupation arabe a laissé de magnifiques réalisations architecturales comme l’Alcazar de Séville ou l’Alhambra de Grenade. Certains cercles islamiques prétendent même que l’architecture gothique s’inspire, par sa légèreté, de l’art musulman. Peu importe. Ce débat de spécialistes ne modifie pas la réalité : les cathédrales gothiques ont été érigées à la gloire du Dieu des chrétiens. Aucune revendication islamique ne peut être acceptée en France au titre de nos traditions culturelles. Il convient de le dire clairement au lieu de faire profil bas ou de sombrer dans la politicaillerie ordinaire.
Faut-il cacher nos œuvres d’art d’inspiration chrétienne ?
Les crèches ne sont d’ailleurs que la partie émergée de l’iceberg. La problématique concerne la visibilité publique de nos racines culturelles. Certains souhaitent effacer toute trace d’art d’inspiration religieuse de l’espace public, probablement pour nous imposer ensuite le vivre ensemble multiculturaliste de leurs rêves. En 2015, des élus écologistes de Rambouillet (Yvelines) ont demandé qu’une statue de Nicolas d’Argennes priant et un tableau du Christ en croix de Charles Thévenin ne soient plus exposés à la mairie. Les élus écologistes, probablement incultes, qualifiaient ces œuvres d’art de « symboles religieux ». La commune de Langrune-sur-mer dans le Calvados possède un tableau du début du 16e siècle du peintre florentin Giovani Antonio Sogliani. Il s’agit d’une Vierge à l’Enfant avec Saint-Jean-Baptiste, scène ultra fréquente à l’époque, dans un état de conservation remarquable. Le tableau, d’abord placé dans l’hôtel de ville, a été transféré au musée de Beaux-arts de Caen, officiellement pour qu’il soit accessible au public.
Si des fresques illustrant une scène religieuse ornaient depuis des siècles la salle d’un conseil municipal ou d’un conseil régional, devrait-on les recouvrir d’un voile ? Faudra-t-il se contenter désormais des pitreries de l’art contemporain et cacher honteusement toutes les créations artistiques à connotation religieuse du passé ? Doivent-elles être réservées aux seuls musées quand l’espace public est envahi des créations de pseudo-artistes ? Ces questions méritent d’être posées puisque des communes financent des créations graphiques que l’on n’ose qualifier d’artistique. La mairie de Grenoble, à majorité écologiste, a ainsi subventionné un festival de street art dans lequel était exposée une fresque intitulée L’État matraquant la liberté. Elle représentait une femme à terre matraquée par deux policiers, l’un tenant un bouclier comportant l’inscription 49.3. C’est de l’art dit contemporain, financé avec l’argent de nos impôts par de petits politiciens se prenant pour de grands mécènes. Avec l’argent des autres.
Grandeur et décadence de l’art occidental
Demander de retirer une œuvre d’art d’inspiration chrétienne d’un édifice public revient tout simplement à nier notre culture. Un tel comportement dénote surtout une ignorance de la philosophie laïque qui n’a jamais été et ne sera jamais la négation des fondements d’une culture. Bien au contraire, agressée de toutes parts, notre identité culturelle doit être revendiquée haut et fort. Au nom de la laïcité, on doit saluer très bas les philosophes des Lumières qui nous ont apporté la liberté, mais on ne peut qu’admirer les milliers de chefs-d’œuvre d’inspiration religieuse que l’histoire nous a légués. Ils ont leur place partout, et surtout dans les édifices publics, afin que chacun puisse les connaître. Rien dans l’art contemporain ne les égale parce que rien d’élevé n’inspire les artistes d’aujourd’hui. Au premier regard, chacun s’émerveille de la pureté presque enfantine des fresques de Fra Angelico ou de l’indicible grâce des sublimes madones de Fra Filippo Lippi. Des artistes qui expriment le plus profond de leur être atteignent à l’universel et émeuvent spontanément. Mais qui est ému par le négativisme nihiliste de l’art contemporain ? On achète, on spécule mais on n’aime pas.
Filippo Lippi. Vierge à l'Enfant et deux anges (1465)
Tempera sur bois, 95 × 62 cm, Galerie des Offices, Florence.
Ajouter un commentaire