Pourquoi cette énorme dette publique ?
5/10/2013
De nombreux pays occidentaux ont accumulé une dette publique qu'ils ne pourront sans doute pas rembourser. Aux Etats-Unis, le refus des Républicains d'augmenter encore une fois le montant maximum d'endettement autorisé conduit à geler le fonctionnement de certains services publics. En Europe, la crise de la dette publique est à la base des difficultés de l'Union européenne et compromet son avenir. Il s'agit pourtant des pays les plus riches de la planète. Que les plus riches aient accumulé une montagne de dettes en dit déjà long sur leur éthique.
Quelle est la raison profonde qui conduit les collectivités publiques à s'endetter ainsi ? Plusieurs niveaux de réponses existent.
Le premier niveau est macro-économique. La fin des Trente glorieuses (1944-1974) n'a pas été prise en compte par les gouvernants par démagogie, faiblesse, incapacité à expliquer aux peuples d'Occident que la fête était finie. La dépense publique est donc restée à un niveau incompatible avec la faible croissance économique actuelle. Les déficits se sont accumulés.
Le second niveau est politique. Les gouvernements de tendance sociale-démocrate prônent un interventionnisme public accru. Si cet interventionnisme était seulement financé par les recettes provenant des prélèvements obligatoires, il serait insuffisant à leurs yeux. L'endettement est alors un moyen de procurer de l'argent aux collectivités publiques au-delà de ce qui serait politiquement possible en utilisant uniquement les impôts et les cotisations obligatoires. Il s'agit de répondre aux multiples demandes coûteuses émanant de la société civile, par le biais des corps intermédiaires, sans prendre le risque politique du « matraquage fiscal ». C'est à partir du premier septennat de François Mitterrand (1981-1988) que cette philosophie laxiste s'est imposée en France. Valéry Giscard d'Estaing, de 1974 à 1981, avait répondu à la chute de la croissance économique par une augmentation sensible des prélèvements obligatoires (6 à 7 points de PIB en 7 ans) mais avait maintenu les équilibres financiers. On ne rend pas assez hommage au courage politique de Giscard d'Estaing et on surévalue considérablement Mitterrand.
Le troisième niveau est éthique. Le pouvoir des gouvernants dans une société où le niveau de consommation est devenu un élément de l'identité individuelle est très dépendant des moyens financiers dont ils disposent. Ils sont jugés en fonction de l'argent qu'ils peuvent dépenser pour leurs électeurs. Il faut donc pouvoir promettre des allocations nouvelles, des augmentations des prestations existantes, des embauches de fonctionnaires, des projets d'investissement, etc. Celui qui ne promet pas de dépenser plus, c'est-à-dire d'améliorer la condition matérielle de ses électeurs, n'a aucune chance d'être réélu. La propension à la dépense des élus n'a pas d'autre explication. Il est politiquement risqué d'augmenter les impôts mais il est politiquement porteur d'augmenter les dépenses publiques. La solution de ce dilemme se trouve dans l'endettement des collectivités publiques : dépenser sans augmenter les prélèvements obligatoires. Cet endettement est d'autant plus immoral que l'on sent bien qu'il profite à court terme aux élus mais qu'il est supporté sous forme d'intérêts à payer par les électeurs et même, en grande partie, par les électeurs de l'avenir, nos enfants. La morale publique s'efface devant l'intérêt particulier des gouvernants qui pensent d'abord et avant tout à leur réélection.
Il ne faut donc pas hésiter à adopter une posture morale face à l'égoïsme de ceux qui nous dirigent, qu'ils soient de droite ou de gauche. Rien ne peut justifier que des pays prospères se soient placés en situation de surendettement par démagogie, court-termisme des élus, mépris des règles de bonne gestion les plus élémentaires. Rien ne peut justifier que les peuples les plus riches lèguent à leurs enfants une dette colossale. Rien en peut justifier que les sociétés disposant des connaissances les plus avancées ressemblent aujourd'hui à un monde ravagé par la peur du lendemain.
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