Gauche et droite : le consensus caché ?
15/04/2011
Patrick AULNAS
Le spectacle qu'offre la vie politique est celui d'un affrontement entre gauche et droite. Les formations politiques cherchent à se démarquer de l'adversaire en caricaturant ses positions ou en personnalisant la rivalité. La gauche laisse entendre que la droite est injuste, liée au capital. La droite réplique que la gauche est dépensière, aventurière, irresponsable. Au délà de ces lieux communs, qui constituent l'essentiel du débat politique dans les médias grand public, y aurait-il un consensus caché ?
Les évolutions de la fin du 20e siècle permettent en effet de penser que l'écart est devenu assez faible entre droite et gauche de gouvernement (pour la France : UMP, PS et leurs satellites).
1. La gauche a réalisé une grande partie de son programme
Les sociétés développées, tout au moins les sociétés ouest-européennes, sont devenues des social-démocraties à la fin du 20e siècle. De nombreuses institutions de solidarité ont été créées (assurance-maladie, assurance-chômage, assurance-vieillesse, etc.) et l'interventionnisme public s'est fortement développé. L'Etat-gendarme du 19e siècle est loin derrière nous. 44% du PIB sont prélevés chaque année par les instances publiques et cela n'est pas suffisant pour équilibrer les comptes : les dépenses publiques en France dépassent largement les 50% du PIB.
2. La gauche a abandonné son idéolologie
Pour aller à l'essentiel, le noyau dur de la pensée socialiste a été, jusqu'à 1981 en France, la volonté d'attribuer à l'Etat la gestion de certains secteurs stratégiques de l'économie (énergie, transports, banques, en particulier). Les dernières nationalisations ont eu lieu, en 1981-82 conformément au programme d'union de la gauche. Mais, sous la pression des réalités économiques et des impératifs européens, il a fallu "dénationaliser" à la fin du 20e siècle. La gauche au pouvoir y a largement contribué, montrant ainsi qu'elle abandonnait l'élément principal de sa pensée économique depuis la fin du 19e siècle. La gauche social-démocrate accepte désormais l'idée que le marché est irremplaçable et qu'il s'agit de le réguler.
3. La droite a changé de base sociologique
A la fin du 20e siècle, le salariat représentait 86 % de la population active en France. La base sociologique traditionnelle de la droite (commerçants, artisans, agriculteurs, professions libérales) s'est érodée. Il a fallu conquérir un électorat de cadres supérieurs ou moyens, d'un niveau de formation supérieur à l'ancien électorat de droite. La droite devait ainsi se moderniser et s'adapter aux structures sociales complexes dans lesquelles évoluait son électorat. La grande et la moyenne entreprise remplaçaient la petite boutique et la petite exploitation agricole.
4. La droite s'est éloignée de la religion
En France, la droite ancienne, celle du début du 20e siècle, était monarchiste et catholique. Mais le recul de la pratique religieuse a conduit la droite à séloigner de l'éthique catholique. Il est significatif que ce soit un gouvernement de droite qui ait fait voter la loi sur l'interruption volontaire de grossesse (loi Veil de 1975).
Les quatre éléments précédents conduisent à transformer la vie politique de façon assez radicale.
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Un consensus droite-gauche existe sur beaucoup de problèmes politiques fondamentaux. Ce consensus apparaît davantage dans la pratique du pouvoir que dans les programmes ou les discours. Acceptation du rôle du marché et nécessité de sa régulation publique, acceptation de la construction européenne, politique étrangère, politique de défense : dans tous ces domaines, il n'y a pas de différences de principe entre une politique de droite et une politique de gauche.
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Pour maintenir la fiction d'un choix politique fondamental, les partis politiques stigmatisent l'adversaire et personnalisent le débat. Les querelles de personnes remplacent le débat d'idées. Et la démagogie remplace l'idéologie. Cela est regrettable mais inévitable dans un contexte structurellement consensuel. Se démarquer par le verbe de l'adversaire politique devient indispensable lorsqu'un accord existe sur les structures socio-économiques.
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