Jean Malouel
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Patrick AULNAS
Jean Malouel. Vierge aux papillons, détail (1410)
Huile et or sur toile, Gemäldegalerie der Staatlichen Museen, Berlin.
Biographie
v. 1370-1415
Jan Maelwael, qui deviendra en France Jean Malouel, est né à l’est des Pays-Bas, à Nimègue (Nijmegen), vers 1470. Son père, Willem, et son oncle, Herman, sont peintres au service du duc de Gueldre (Geldern), dont le territoire fait partie du Saint-Empire romain germanique. Jean Malouel commence donc très jeune à travailler sous la direction de son père et de son oncle.
Si l’on veut comprendre le départ vers la France de Jean Malouel, il faut d’abord décrire brièvement les rapports entre la Bourgogne, la Flandre et les Pays-Bas. Le duché de Bourgogne va s’étendre progressivement vers le nord à partir de la fin du 14e siècle. En 1369, le mariage du duc de Bourgogne Philippe le Hardi (1342-1404) avec Marguerite de Male, comtesse de Flandre (1350-1405), permet d’étendre le territoire bourguignon à la Flandre. En 1485, leur fils Jean 1er de Bourgogne, dit Jean sans Peur (1371-1419), se marie avec Marguerite de Bavière (1363-1424), ce qui s’accompagne de nouveaux gains territoriaux. Philippe le Bon (1396-1467), leur fils, poursuit l’extension territoriale. Le duché de Gueldre est rattaché à la Bourgogne sous son règne. La carte suivante récapitule l’évolution :
Extension du duché de Bourgogne aux 14e et 15e siècles
Les échanges entre La Bourgogne, la Flandre et les Pays-Bas s’intensifient considérablement à cette époque. L’art ne fait pas exception.
En 1395, Jean Malouel s’installe à Dijon et entre au service du duc de Bourgogne, travaillant dans l’atelier de Jean de Beaumetz (v. 1335-1396). En 1396, il est à Paris, où il travaille à la réalisation de décorations sur des tissus de soie pour Isabeau de Bavière (1370-1435), épouse du roi de France Charles VI (1368-1422). Après la mort de Jean de Beaumetz, le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, l’appelle à Dijon, capitale de son duché. Il occupe la charge de valet (ou varlet) de chambre du duc, tout comme son prédécesseur. Cette fonction lui permet d’être rémunéré. Il devient également le peintre officiel du duc et se consacre principalement à la décoration de la chartreuse de Champmol.
La construction de ce monastère de l’ordre des Chartreux avait été décidée par Philippe le Hardi à la fin du 14e siècle. Les travaux se poursuivirent tout au long du 15e siècle. La réalisation de la somptueuse décoration intérieure (sculptures, peintures) attira des artistes. Henri Bellechose, puis Jan van Eyck succédèrent à Jean Malouel dans le domaine pictural.
Chartreuse de Champmol, vue actuelle
Chartreuse de Champmol, vue aérienne
Jean Malouel a conservé des contacts avec sa ville natale de Nimègue. Il fait venir en France ses neveux Hermann et Jean de Limbourg (v. 1380-1416) qui sont aujourd’hui encore célèbres pour les enluminures des Très Riches Heures du duc de Berry. Il épouse également en 1406 Heylwig van Redinchaven, originaire de Nimègue. Le couple aura trois filles et un garçon.
Malouel reste le peintre officiel du duc sous le règne de Jean sans Peur. Il retourne une dernière fois à Nimègue en 1413 et meurt à Dijon en mars 1415. Sa veuve recevra une pension du duc. Elle repartira pour Nimègue, où elle sera confrontée à d’interminables litiges concernant la succession de son mari.
Œuvre
L’œuvre de Jean Malouel appartient au courant qualifié gothique international par les historiens. Les artistes, considérés par leurs commanditaires comme de simples artisans, se mettaient au service des grands suzerains féodaux possédant une cour et chez lesquels se retrouvaient les mêmes aspirations à la fois spirituelles et artistiques. La foi chrétienne étant l’élément dominant l’esprit de cette noblesse, les œuvres majeures représentent des scènes bibliques connues de tous.
Trois œuvres, présentées ci-dessous, sont actuellement attribuées à Jean Malouel. Il faut y ajouter la polychromie sur un monument conservé à Champmol et dénommé Puits de Moïse. Le retable de saint Denis fait toujours l’objet de discussions. Le musée du Louvre et la majorité des spécialistes l’attribuant à Henri Bellechose, nous avons repris cette solution. Selon une minorité d’historiens, ce retable aurait été commencé par Jean Malouel et terminé par Henri Bellechose.
« Dans les trois œuvres qui lui sont attribuées, Jean Malouel fait preuve d’une grande intelligence iconographique, adaptée aux exigences dévotionnelles de ses commanditaires. Par sa palette émaillée et sa plasticité empruntées à l’orfèvrerie, il s’apparente étroitement à l’art de ses neveux, les frère Limbourg. » (Frédéric ELSIG, La peinture en France au XVe siècle, Galerie des Arts, page 21)
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Jean Malouel. Grande Pietà ronde (v. 1400)
Tempera et or sur bois, diamètre 64,5 cm avec cadre taillé dans la masse du panneau, musée du Louvre, Paris.
Jean Malouel. Grande Pietà ronde, détail
Jean Malouel. Grande Pietà ronde, détail
Jean Malouel. Grande Pietà ronde, détail
Jean Malouel. Grande Pietà ronde, revers
La dénomination de cette Pietà provient du fait que le Louvre possède une Pietà plus petite du même style, mais anonyme. Une Pietà (ou Vierge de Pitié) est une représentation de la Vierge Marie pleurant Jésus-Christ, son enfant mort, qu'elle tient sur ses genoux. Le Christ vient d’être crucifié et n’a pas encore été mis au tombeau.
Dieu le Père soutient le corps ensanglanté du Christ. La Vierge fixe son fils avec intensité, lui serrant le bras de ses deux mains. Derrière elle, la figure de saint Jean l’évangéliste en robe rouge complète la composition. Sur la gauche, de petits anges en robes bleues et rouges expriment leur chagrin. L’un d’eux embrasse le genou du Christ, l’autre tient le voile blanc transparent couvrant la partie inférieure de son corps. L’ivoire pâle du corps du Christ est mis en valeur par les couleurs plus vives des autres personnages. La gestuelle délicate, presque précieuse, et l’élongation des doigts est une caractéristique du gothique international. Les armoiries des ducs de Bourgogne apparaissent au revers du panneau.
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Jean Malouel. Le Christ de pitié (v. 1400)
Huile et or sur bois, 102,5 × 77,5 cm, musée du Louvre.
Jean Malouel. Le Christ de pitié, détail
Jean Malouel. Le Christ de pitié, détail
Jean Malouel. Le Christ de pitié, revers
Le Louvre intitule l’œuvre Le Christ de pitié soutenu par saint Jean l’Evangéliste en présence de la Vierge et de deux anges.
« Le Christ de pitié soutenu par saint Jean, sans doute peint entre 1405 et 1410, est exceptionnel par sa qualité picturale, sa délicatesse et son pouvoir émotionnel. Le tableau montre, sur un fond d’or, le Christ mort soutenu par saint Jean, entouré de la Vierge et de deux anges. L’arabesque du corps longiligne, à la douceur quasi féminine, la consistance délicate des carnations, le modelé savant des étoffes sont d’une sensualité quasiment sans égale dans la peinture européenne des années 1400. Le luxe de cette image de dévotion, digne d’un objet précieux, et son raffinement pictural militent en faveur d’un commanditaire princier, peut-être – comme pourrait l’évoquer la découverte du tableau à Vic-le-Comte – Jean, duc de Berry et d’Auvergne, mécène des frères Limbourg, neveux de Malouel. » (Commentaire extrait de la présentation à la presse de l’œuvre par le ministère de la Culture, 03/05/2012)
NB : Le Christ de pitié soutenu par saint Jean l’Evangéliste est désormais attribué à l’École des Limbourg par le musée du Louvre, qui précise : « Ancienne attribution : Malouel Jean ».
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Jean Malouel. Vierge aux papillons (v. 1410)
Huile et or sur toile, 107,5 × 80,9 cm, Gemäldegalerie der Staatlichen Museen, Berlin
Jean Malouel. Vierge aux papillons, détail
Jean Malouel. Vierge aux papillons, détail
Cette œuvre est souvent considérée comme la plus ancienne ayant été peinte sur toile. En l’occurrence, il s’agit d’une toile de lin, tissu utilisé en peinture héraldique (blasons, armoiries), que Malouel pratiquait.
« La Vierge semble flotter comme une icône derrière un riche tissu de brocart. Elle tient amoureusement son fils dans ses bras, qui serre fermement l’index et le majeur de sa mère avec sa main, comme s’il cherchait un point d’appui pour atteindre plus facilement une cerise. Celle-ci lui est présentée par l’un des dix anges placés derrière la Vierge. Une observation attentive permet de voir que chaque ange est conçu différemment : ils portent de somptueux vêtements et des diadèmes personnalisés. Cependant, seuls les anges rouges peuvent être qualifiés avec précision. Ce sont des séraphins, qui occupent le niveau le plus élevé dans la hiérarchie des neuf chœurs d’anges. Leur couleur rouge provient de l'hébreu seraphim qui signifie brûlant. Ce groupe se détache nettement sur le fond noir, tout comme les papillons dorés inhabituels flottant au-dessus de la tête des anges. Traditionnellement, ils symbolisent l’âme ou la résurrection. Dans les temps anciens, l’âme du défunt était conçue comme un papillon de nuit. Le christianisme a adopté cette idée et a comparé la résurrection du Christ à la métamorphose de la larve en papillon. La cerise offerte au Christ Enfant fait référence au jardin d’Eden. » (Commentaire Gemäldegalerie)
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Claus Sluter, Claus de Werve et Jean Malouel. Puits de Moïse (1396-1405)
Sculpture calcaire polychrome, 7 × 2,6 mètres, Chartreuse de Champmol.
Claus Sluter, Claus de Werve et Jean Malouel. Puits de Moïse, détail. Statue de Moïse.
Puits de Moïse, édicule actuel protégeant la sculpture
Les peintres de cette époque étaient utilisés par leurs commanditaires pour divers travaux de décoration. Jean Malouel exécuta de nombreuses peintures polychromes pour le duc de Bourgogne sur des éléments d’architecture ou des sculptures. Il ne reste aujourd’hui qu’un seul témoignage de ce travail, appelé Puits de Moïse. Il s’agit d’un vestige d’un calvaire qui se trouvait initialement au centre du grand cloître de la Chartreuse de Champmol. Pour l’édifice lui-même, Philippe de Bourgogne a fait appel au sculpteur hollandais Claus Sluter (v. 1355-1406) et à son neveu Claus de Werve (1380-1439). Il ne subsiste que la partie basse de ce calvaire, constituée d'une pile hexagonale surmontée de six statues de prophètes de l'Ancien Testament : Moïse, Jérémie, David, Zacharie, Daniel et Isaïe. Les recherches ont permis de montrer que de l’or et des pigments coûteux ont été utilisés pour peindre cet édifice, en particulier l’azurite fabriquée à base de lapis-lazuli. Jean Malouel travaille avec des aides à partir de 1400. Comme on le voit sur l’image ci-dessus, les pigments bleus dominent sur les statues des prophètes. Les dorures étaient également abondantes, contrastant avec l’outremer pour produire un effet lumineux tout à fait saisissant. Les quelques commentaires des contemporains que l’on possède sont élogieux.
Un édicule protégeant le Puits de Moïse a été construit en 1852. Une restauration a eu lieu entre 2001 et 2003. Elle a fait apparaître les traces des couleurs d’origine qui ont pu être analysées.
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