Paula Modersohn-Becker
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Patrick AULNAS
Portraits
Photographie de Paula Modersohn-Becker (v. 1904)
Auteur inconnu.
Paula Modersohn-Becker. Autoportrait aux iris bleus (1900-07)
Tempera sur toile, 41 × 34 cm, Kunsthalle Brême.
Biographie
1876-1907
Enfance et formation (1876-1896)
Paula Becker (Modersohn est le nom de son futur mari) est née à Dresde le 8 février 1876 dans une famille de la moyenne bourgeoisie ne disposant pas d’une fortune familiale. Son père, Carl Woldemar Becker (1841-1901), est ingénieur et sa mère, Mathilde von Bültzingslöwen (1852-1926), vient d’une famille de l’aristocratie de Thuringe. La culture a une place prépondérante dans l’éducation des sept enfants, Paula étant la troisième. Le père parle plusieurs langues (russe, français, anglais). La littérature, l’art et la musique constituent des centres d’intérêt familiaux et Paula suit des cours de piano.
En 1888, Carl Woldemar Becker obtient un poste au service de la ville de Brême comme ingénieur-conseil dans le secteur du bâtiment. La famille s’installe donc dans cette ville. En 1892, Paula fait un séjour linguistique de six mois en Angleterre, dans les environs de Londres, où vit une demi-sœur de son père. Elle suit également des cours de dessin à la St. John’s Wood Art School. A l’âge de dix-sept ans, à partir de 1893, elle suit, comme une de ses sœurs aînées, une formation d’institutrice à Brême et s’inscrit également à des cours de peinture dans l’atelier du peintre Bernhard Wiegandt (1851-1918). De cette époque datent les premiers portraits réalisés par Paula Modersohn-Becker avec pour modèles ses frères et sœurs et elle-même. En 1895, elle obtient son diplôme d’institutrice.
Maison de la famille Becker à Brême, Schwachhauser Heerstraße
Paula n’avait préparé le métier d’enseignante que sous la pression familiale. Mais à partir de 1896, elle s’oriente résolument vers une formation artistique. Avec l’aide de la famille de sa mère, elle peut séjourner à Berlin et suivre des cours de dessin et de peinture organisés par l’Association des artistes berlinoises (Verein der Berliner Künstlerinnen). En 1897, elle suit les cours de Jeanna Bauck (1840+1926), portraitiste et paysagiste qui aura une influence importante sur son élève. Elle découvre également dans les musées berlinois les grands artistes de la Renaissance, période qu’elle apprécie tout particulièrement.
La découverte de Worpswede (1897-1899)
Paula Modersohn-Becker. Paysage de Worpswede (1900)
Tempera sur carton, 61 × 68 cm, Museum Ludwig, Cologne.
Au cours de l’été 1897, les parents Becker emmènent la famille à Worpswede, petit village situé à une trentaine de kilomètres de Brême. Un groupe d’artistes s’était installé dans cette localité avec pour ambition de créer une peinture libérée des contraintes académiques. Paula suit les cours de Fritz Mackensen (1866-1953) et y rencontre Clara Westhoff (1878-1954), qui veut devenir sculptrice et sera l’amie la plus proche de Paula Becker. Clara Westhoff suivra par la suite à Paris les cours d’Auguste Rodin (1840-1917) et se mariera en 1901 à Worpswede avec le poète Rainer Maria Rilke (1875-1926). C’est également à Worpswede que Paula rencontre son futur mari, le peintre Otto Modersohn (1865-1943).
Paula Becker et Clara Westhoff dans l’atelier de Paula Becker (1899)
Les influences parisiennes (1900-1907)
Début 1900, Paula Becker part pour Paris où elle retrouve Clara Westhoff, élève d’Auguste Rodin. Elle étudie à l’Académie privée Colarossi, dans la classe de nu, et visite fréquemment le musée du Louvre. Otto Modersohn et des amis la rejoignent pour visiter l’Exposition universelle. Chez le marchand d’art Ambroise Vollard, les tableaux de Paul Cézanne l’enthousiasment. Plus tard, dans une lettre du 21 octobre 1907 adressée à Clara Westhoff, elle insistera sur l’influence de Cézanne sur sa peinture :
« [Cézanne] est l'un des trois ou quatre grands maîtres qui eurent sur moi l'effet d'une tempête. »
Paula Modersohn-Becker. Nature morte aux pommes et au verre (1906)
Huile sur carton, 33 × 43 cm, Paula Modersohn-Becker Museum, Brême.
Le 12 septembre 1900, Paula Becker et Otto Modersohn se fiancent. Leur mariage a lieu le 25 mai 1901 et le couple s’installe à Worpswede. Modersohn a perdu son épouse un an auparavant et il a une fille de trois ans, Elsbeth à laquelle Paula s’attache. La petite fille servira de modèle à l’artiste pour ses nombreux portraits d’enfants. Otto Modersohn perçoit le talent de son épouse, que l’histoire de l’art consacrera bien après sa mort comme une artiste beaucoup plus importante que son mari. Mais à cette époque, Paula ne vend aucune de ses créations, à l’exception de deux tableaux acquis par Rainer Maria Rilke et le peintre Heinrich Vogeler. Outre l’affection sincère qui lie les époux, le mariage permet donc à Paula Modersohn-Becker de travailler à son œuvre tout en jouant le rôle de mère de famille. Sans fortune familiale, elle aurait été contrainte en restant célibataire d’accepter une place de gouvernante que son père lui avait déjà trouvée avant son mariage.
Otto Modersohn, Paula Modersohn-Becker et Elsbeth à Worpswede (v. 1904)
En février et mars 1903, Paula Modersohn-Becker séjourne environ deux mois à Paris où elle rejoint le couple Rilke-Westhoff. Elle passe beaucoup de temps au musée du Louvre, voit la collection d’art japonais Hayashi et découvre les portraits égyptiens du Fayoum. Rilke la présente à Rodin comme « la femme d’un peintre allemand très distingué » et non comme une artiste. Une correspondance fournie entre Rilke et Paula Paula Modersohn-Becker indique au moins de fortes affinités artistiques. Mais le poète ne percevra le talent exceptionnel de Paula que tardivement, peu avant la mort de l’artiste en 1907. De retour à Worpswede, elle travaille beaucoup, réalisant principalement des portraits d’enfants. Son style évolue sous l’influence des courants novateurs parisiens, en particulier les nabis.
Paula Modersohn-Becker. Enfant dans une forêt de bouleaux avec un chat (v. 1904)
Huile sur toile, 96 × 81 cm, Paula Modersohn-Becker Museum, Brême.
De février à avril 1905, sous l’impulsion de Paula, le couple Modersohn-Becker fait un long séjour à Paris en compagnie du couple Vogeler. Paula s’inscrit à l’Académie Julian, visite les ateliers d’Édouard Vuillard et de Maurice Denis, voit des œuvres de Paul Gauguin chez le collectionneur Gustave Fayet, et découvre au Salon des indépendants celles de Georges Seurat, Vincent Van Gogh et Henri Matisse. Son mari comprend mal son attirance pour la vie parisienne et n’apprécie pas vraiment les évolutions de la peinture française. A son retour à Worpswede, elle peint de nombreuses natures mortes.
Le 23 févier 1906, Paula Modersohn-Becker quitte Otto Modersohn pour se rendre à Paris. Dans son esprit, il s’agit d’une rupture définitive et elle l’écrit dans son journal. Elle installe son atelier avenue du Maine, dans le 14e arrondissement, fréquente à nouveau des cours de dessin et les expositions de l'avant-garde. N’ayant jamais reçu aucune approbation pour son travail artistique, elle est totalement subjuguée par les appréciations élogieuses du sculpteur allemand Bernhard Hoetger qui séjournait à Paris. Elle lui écrit en mai 1906 :
« Vous m'avez donné les choses les plus merveilleuses. Vous m'avez rendue à moi-même. J'ai du courage. »
Paula Modersohn-Becker. Enfant nu avec bocal de poissons rouge (1906-07)
Huile sur toile, 105,5 × 54,5 cm, Pinakothek der Moderne, Munich.
Elle produit alors beaucoup, en particulier des nus. En octobre 1906, Paula Modersohn-Becker demande à son mari de venir la retrouver à Paris pour tenter une réconciliation. Il semble que Bernhard Hoetger lui ait fait comprendre qu’elle serait dans l’incapacité d’assurer seule son indépendance financière. Les deux époux louent chacun un atelier dans le même immeuble au 49, boulevard du Montparnasse, siège de l’Académie Vitti, école d’art privée fondée par Cesare Vitti.
Paula Modersohn-Becker. Autoportrait (1907)
Huile sur toile, 55 × 25 cm, The Museum of Modern Art, New York.
En mars 1907, le couple revient à Worpswede. Paula attend un enfant qui naîtra le 2 novembre 1907 à la suite d’un accouchement très difficile. Elle meurt le 20 novembre, à l’âge de 31 ans, d’une embolie pulmonaire. Juste avant sa mort, en s’écroulant, elle prononce ces derniers mots : « Quel dommage ! » (Wie schade !). Mathilde Modersohn, la fille de Paula, vivra jusqu’à 1996, sans avoir d’enfant.
Paula Modersohn-Becker avec sa fille Mathilde (novembre 1907)
Œuvre
La courte vie de Paula Modersohn-Becker ne lui a pas permis d’atteindre la maturité artistique et les dernières paroles qu’elle a prononcées montrent qu’elle en était consciente. Mais le don de créer des œuvres fortes et novatrices lui avait été donné. Un peu comme Van Gogh, en une dizaine d’années, elle explore les tendances artistiques émergentes de son époque en apportant une contribution puissamment originale. Classée parmi les principaux précurseurs de l’expressionnisme allemand, Paula Modersohn-Becker apparaît surtout comme une artiste influencée par les plus grands peintres français de la fin du 19e siècle, en particulier Paul Cézanne et Paul Gauguin. Elle abandonne toutes les conventions académiques (la perspective, la représentation, la finition lissée) pour s’orienter vers une peinture de l’intériorité s’appuyant sur une recherche formelle.
Paula Modersohn-Becker. Mère allongée et enfant (1906)
Huile sur toile, 82 × 125 cm, Paula Modersohn-Becker Museum, Brême.
Malgré la brièveté de sa période d’activité, l’œuvre est quantitativement impressionnant : 750 peintures, 13 estampes, un millier de dessins. Il s’agit de paysages avec ou sans personnages, de portraits et de natures mortes.
Les paysages sont inspirés par la campagne de Worpswede. Les arbres, en particulier les bouleaux et les pins, structurent verticalement la composition. Dans son journal, elle évoque une relation sensuelle avec les arbres :
« Worpswede […] Et tes bouleaux vierges, frêles, élancés, qui réjouissent l’œil ! Avec cette grâce rêveuse, molle comme si leur vie n’était pas encore éclose. Ils sont enjôleurs, il faut se donner à eux sans résister. »
Paula Modersohn-Becker. Bouleau dans un paysage (1899)
Huile sur carton, 55 × 42 cm, Harvard Art Museums.
Les gens (paysans, mères et enfants) constituent une autre facette de l’œuvre. Il ne s’agit jamais d’une peinture sociale cherchant à montrer la condition paysanne ou celle des femmes de l’époque, mais d’une exploration de l’intériorité.
« Je vois les êtres comme de l’intérieur, comme si j’étais en eux »
Ainsi la mère ou l’enfant sont associés à la nature, la présence de la végétation, ne serait-ce qu’une fleur ou un arbre, étant constante. Les visages sérieux, voire tristes, sont traités schématiquement avec des empâtements. Par rapport aux représentations conventionnelles de l’enfance et de la femme qui prévalaient encore à l’époque et utilisaient systématiquement un registre sentimental, les figures de Paula Modersohn-Becker refusent ostensiblement toute concession idéalisante et acquièrent ainsi une puissance expressive nouvelle. Cette peinture sera totalement incomprise, sauf de quelques artistes.
Paula Modersohn-Becker. Portrait de Lee Hoetger avec une fleur (1906)
Huile sur toile, 55 × 33 cm, Paula Modersohn-Becker Museum, Brême.
Les portraits et les nombreux autoportraits présentent les mêmes caractéristiques. L’intensité du regard est un élément essentiel, mais là encore, aucune concession n’est faite à l’idéalisation. Il s’agit de cerner une personnalité en y incorporant tout le tragique de la destinée humaine.
Les natures mortes s’écartent évidemment beaucoup de la représentation objective pour s’orienter vers une exploration des formes et des couleurs, évocatrices du ressenti de l’artiste face aux objets. Paula Modersohn-Becker a découvert Jean Siméon Chardin à Paris, mais l’influence de Cézanne apparaît ici considérable.
Paula Modersohn-Becker. Nature morte aux pommes et bananes (1905)
Tempera sur toile, 67 × 84 cm, Kunsthalle, Brême.
La peinture de Paula Modersohn-Becker ne sera vraiment découverte en Allemagne qu’après sa mort. La publication de son journal et de ses lettres en 1917 par sa famille contribueront à l’émergence publique de cette grande artiste. Mais elle restera longtemps quasiment inconnue en France alors qu’elle n’a cessé, au cours de sa brève existence, de revenir à Paris où elle sentait vibrer la créativité artistique. La première exposition française de ses œuvres a eu lieu en 2016 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris.
Paula Modersohn-Becker. Autoportrait (1906)
Huile sur toile, 62,2 × 48,2 cm, Sammlung Ludwig Roselius, Brême.
Paula Modersohn-Becker. Bouleau dans un paysage (1899). Huile sur carton, 55 × 42 cm, Harvard Art Museums. « Le terrain plat, les bouleaux et le ciel immense représentés dans ces œuvres [Bouleau dans un paysage et Fille à la robe rouge, 1905, ci-après] sont caractéristiques de Worpswede, une petite commune rurale proche de Brême, dans le nord de l’Allemagne. C’est là, dans une colonie d’artistes, que Modersohn-Becker, inspirée par les paysans de la région et l’authenticité du paysage, développe son style "naïf". Suivant les préceptes de la colonie, elle applique la peinture rapidement et directement sur le support. La position centrale du bouleau est un refus d’une approche plus conventionnelle et pittoresque mais crée une impression de profondeur dans un petit paysage. Fille à la robe rouge tire sa puissance expressive du chromatisme réduit et des formes simplifiées. Le style de Modersohn-Becker, en particulier ses touches épaisses, provient de l’influence de peintres postimpressionnistes tels que Cézanne, Gauguin et Van Gogh, dont elle a vu le travail lors de plusieurs longues visites à Paris à partir de 1900. Au cours de sa courte carrière, la recherche de simplification formelle de Modersohn-Becker et l’expressivité de ses thèmes ont fait d’elle l’une des plus grandes peintres expressionnistes d’Allemagne. » (Commentaire Harvard Art Museums)
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Paula Modersohn-Becker. Femme nue assise (v. 1899). Fusain sur papier, 62 × 34 cm, Cleveland Museum of Art, Ohio. « Cet autoportrait probable montre le désir de transmettre non pas l’apparence idéalisée du corps féminin, mais plutôt son essence fondamentale, dépouillée de tous les artifices. Elle a représenté le corps humain avec des formes aplaties – obtenues en effaçant et en mélangeant le fusain – et a stylisé la forme des pieds, des mains et du visage. Le regard perçant du modèle invite le spectateur à dépasser le corps comme chair et sang pour atteindre sa dimension émotionnelle ou spirituelle. » (Commentaire Cleveland Museum of Art)
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Paula Modersohn-Becker. Garçon sous les bouleaux (1900). Huile sur toile, 36 × 50 cm, Paula Modersohn-Becker Museum, Brême. Appuyé contre un bouleau, un jeune garçon attend en observant le chemin. Début 1900, Paula Modersohn-Becker découvre à Paris les tableaux de Cézanne et probablement de certains nabis. Le refus de la convention perspectiviste et les grands aplats de couleurs pures s’inspirent des évolutions de la peinture française de l’époque. Le chromatisme réduit autour des gris, des verts et des noirs se conjugue avec une puissante structuration de l’espace produisant une forte impression d’attente.
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Paula Modersohn-Becker. Paysage de Worpswede (1900). Tempera sur carton, 61 × 68 cm, Museum Ludwig, Cologne. Les bouleaux pliés par le vent structurent verticalement la composition afin d’évoquer le climat des plaines du nord de l’Europe. Le remarquable jeu de couleurs commentaires (vert profond et vieux rose) illumine le tableau tout autant que le ciel tourmenté. On pense évidemment à Van Gogh, mais Paula Modersohn-Becker ne verra ses œuvres qu’en 1905 à Paris.
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Paula Modersohn-Becker. Femme avec enfant (1902). Huile sur carton, 45 × 50 cm, Kunstmuseum, La Haye. « Paula Modersohn-Becker a réalisé d'innombrables peintures de mères et d'enfants. À son époque, ce sont surtout les artistes masculins qui représentaient les femmes avec leurs enfants. Ces œuvres étaient destinées à présenter une image idéale de la mère heureuse et du bébé. Chez Modersohn-Becker, le côté émotionnel de la maternité est central. Par exemple, elle n'hésite pas à montrer l'épuisement physique d'une jeune mère. Elle a également réalisé un portrait d'elle-même nue et enceinte alors qu'elle n'attendait pas encore d'enfant. Elle semble se demander si la maternité est faite pour elle, ce qui est très en avance sur l'époque. Les enfants, seuls ou en groupe, sont également un sujet de prédilection de l’artiste. Comme elle le fait pour leurs mères, elle représente les facettes multiples de l’enfance. Ainsi, dans Femme avec enfant, Modersohn-Becker réussit à rester éloignée de toute idéalisation des enfants. Elle ne se limite pas à leur apparence mais parvient à évoquer leur essence. La force du tableau réside dans les détails, tels que les yeux baissés de la jeune fille et la main de l'enfant sur sa poitrine. Cela rend presque tangible l'affection entre la jeune femme et l'enfant. » (Commentaire Kunstmuseum)
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Paula Modersohn-Becker. Mère et enfant (v. 1903). Huile et tempera sur toile, 69 × 58 cm, Hamburger Kunsthalle, Hambourg. « Cette scène est caractérisée par un lien fort entre la mère allaitante et son enfant. Paula Modersohn-Becker l’a peinte dans la colonie d’artistes de Worpswede, où elle avait étudié chez Fritz Mackensen depuis 1898 et vivait avec son mari Otto Modersohn. À Worpswede, Modersohn-Becker a trouvé le paysage typique des tourbières qui caractérise beaucoup de ses peintures, mais aussi ses modèles – enfants, agricultrices, vieilles femmes – qu’elle représentait sans aucun romantisme ni idéalisation. Même si les mains puissantes de la mère évoquent son travail de paysanne, ce n’est pas l’aspect social qui est privilégié, mais la relation physique et émotionnelle entre la mère et l’enfant. Modersohn-Becker, qui mourut en 1907 quelques jours seulement après la naissance de sa fille, a très souvent traité le thème de la mère allaitante dans ses œuvres. L’artiste ne cherchait pas dans ses peintures une image précise de la nature. Pour elle, c’est précisément dans la simplification picturale et compositionnelle que l’essentiel apparaît. » (Commentaire Hamburger Kunsthalle)
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Paula Modersohn-Becker. Enfant dans une forêt de bouleaux avec un chat (v. 1904). Huile sur toile, 96 × 81 cm, Paula Modersohn-Becker Museum, Brême. La petite fille, immergée dans la nature avec un animal dans les bras représente la pureté originelle mais pas le bonheur, idée nouvelle émergeant timidement au 18e siècle. Le visage grave n’est pas celui des enfants bien élevés des artistes du 19e siècle (par exemple, Auguste Renoir. L’après-midi des enfants à Wargemont, 1884). L’enfant triste se console en serrant le chat contre sa poitrine. Le bonheur n’est pas de ce monde.
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Paula Modersohn-Becker. Fille à la robe rouge (v. 1905). Émulsion (probablement huile, tempera et cire) sur toile, 70 × 56 cm, Harvard University Art Museums. « L’enfant dans la nature, et de la nature, est tout à fait typique pour l’artiste, mais ce tableau refuse la sentimentalité dans la représentation de la jeune fille enracinée dans la terre, pour aboutir à une expressivité monumentale. Modersohn-Becker est à l’origine du modernisme en Allemagne. Son parcours créatif indépendant offre un modèle d’individualité expressionniste (tout comme ses thèmes d’une nature « intacte » et « primitive »), tandis que sa découverte des courants novateurs en France (qu’elle visite à plusieurs reprises) est un contrepoids important à l’académisme artistique. » (Commentaire Harvard University Art Museums)
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Paula Modersohn-Becker. Nature morte aux pommes et bananes (1905). Tempera sur toile, 67 × 84 cm, Kunsthalle, Brême. « Dans ce genre [la nature morte], Modersohn-Becker réfléchit aux principes fondamentaux de composition, se révélant fortement influencée par Paul Cézanne, dont elle avait découvert l'art dès 1900, lors de sa première visite à Paris. Dans sa nature morte, comme Cézanne, elle simplifie les pommes en simples sphères de couleur. En modifiant délibérément la perspective, elle crée un espace pictural dynamique, rompant avec la perception conventionnelle. La table, inclinée vers nous pour que nous la regardions d’en-haut, contraste avec la cruche, qui est plutôt représentée de côté. De même, la cruche contraste avec le bord gauche de la table, qui, de manière déroutante, apparaît presque vertical. La composition maintient son équilibre uniquement par la disposition des fruits. Les objets ont été unis entre eux au moyen de la couleur. Leur matérialité provient de l'application épaisse et légèrement agitée de la peinture. » (Commentaire Google Arts & Culture)
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Paula Modersohn-Becker. Nature morte à la soupe au lait (1905). Huile sur carton, 55 × 72 cm, Paula Modersohn-Becker Museum, Brême. Paula Modersohn-Becker choisit une vue plongeante et très rapprochée sur les objets et utilise une palette restreinte, presque un camaïeu de bleus et de gris. Comme toujours, la vision de l’artiste est puissante et vise à interpeler le spectateur sur la perception visuelle du monde.
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Paula Modersohn-Becker. La sculptrice Clara Rilke-Westhoff (1905). Huile sur toile, 52 × 37 cm, Hamburger Kunsthalle, Hambourg. « La peintre et sculptrice Clara Rilke-Westhoff (1878-1954) avait étudié à Munich, Leipzig et Paris avant de s’installer avec son mari, le poète Rainer Maria Rilke, près du village d’artistes de Worpswede. C’est là qu’elle rencontre Paula Modersohn-Becker et devient son amie. Ce portrait a été réalisé à Worpswede et fait partie d’une série de portraits d’amis datant de 1905 et 1906. Dans une lettre adressée à sa mère le 26 novembre 1905, Modersohn-Becker écrit à propos des séances de pose : " [...] Le matin, je peins Clara Rilke en robe blanche, la tête, une partie de la main et une rose rouge. Elle est très belle ainsi et j’espère pouvoir cerner un peu sa personnalité. Sa petite fille Ruth joue à côté de nous. Je suis heureuse de pouvoir rencontrer Clara Rilke plus souvent de cette manière. Malgré tout, elle est toujours ma préférée [...] ".
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Paula Modersohn-Becker. Otto Modersohn endormi (1906). Huile sur toile, 40 × 46,5 cm, Paula Modersohn-Becker Museum, Brême. Paula Becker épouse le peintre Otto Modersohn en 1901. Il a onze ans de plus qu’elle et réalise surtout des paysages, d’abord inspirés de ceux de l’école de Barbizon puis de l’expressionnisme allemand. Peintre sans forte originalité, Otto ne comprend pas vraiment le génie de Paula et son désir irrépressible de progresser en s’inspirant des courants émergents. Peindre son mari endormi évoque peut-être le ressenti qu’il lui inspirait…
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Paula Modersohn-Becker. Tête de fille (1906). Huile sur toile, 24,5 × 21 cm, Städel Museum, Francfort. « La jeune fille regarde fixement vers le spectateur. Il n’y a pas d’éclat dans ses yeux, pas de sourire sur ses lèvres et son regard latéral se refuse à l’intimité du portrait. Le caractère inaccessible de l’enfant apparaît dans les formes simplifiées : son visage est positionné frontalement comme un cercle dans le cadre rectangulaire. La structure fermée et géométrique de l’image est dépourvue de tout élément narratif, de sorte que la jeune fille reste enfermée dans son profond silence. Au lieu du portrait idéalisé d’un enfant, Modersohn-Becker, dont la formation a été fortement influencée par Cézanne et Gauguin, montre un personnage énigmatique. » (Commentaire Städel Museum)
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Paula Modersohn-Becker. Portrait de Lee Hoetger avec une fleur (1906). Huile sur toile, 55 × 33 cm, Paula Modersohn-Becker Museum, Brême. « La plupart des peintures de Paula Modersohn-Becker concernent des personnes. Cette représentation de Lee Hoetger, amie de la peintre et épouse de l'artiste Bernhard Hoetger, fait partie des portraits les plus novateurs de Modersohn-Becker. Placée devant un arrière-plan sombre dans une image étroitement recadrée, la figure interpelle le spectateur. Anguleux et presque masqué, le visage se caractérise par les yeux étroits en forme d'amande. L'artiste a construit le visage en assemblant quelques formes géométriques.
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Paula Modersohn-Becker. Autoportrait (1906). Huile sur toile, 62,2 × 48,2 cm, Sammlung Ludwig Roselius, Brême. Ce remarquable autoportrait de style primitiviste évoque le rêve occidental d’une nature édénique. Cette façon de penser et d’illustrer le rapport entre l’homme et son milieu naturel est une constante depuis l’Antiquité (le locus amoenus). Gauguin, dont l’influence apparaît nettement ici, avait cherché à concrétiser ce rêve dans les îles du Pacifique et il n’est pas inapproprié d’établir un rapport entre les tahitiennes de l’artiste français (Paul Gauguin. Deux Tahitiennes, 1899) et cet autoportrait de Paula Modersohn-Becker.
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Paula Modersohn-Becker. Autoportrait au 6e anniversaire de mariage (1906). Tempera sur carton, 102 × 70 cm, Paula Modersohn-Becker Museum, Brême. « Premier autoportrait de nu féminin de l'histoire de l'art, cette composition créée à Paris est à la fois exceptionnelle et source d'énigmes. Tout d'abord, ce n'était pas le 6e anniversaire – Otto Modersohn et Paula Becker se sont mariés le 25 mai 1901. De plus, lorsque ce tableau a été créé, l'artiste n'était pas enceinte – comme le suggère le ventre arrondi sur lequel sont posées des mains protectrices. L'inscription en bas à droite (*) ainsi que le regard calme et assuré adressé au spectateur révèlent le véritable caractère du portrait en tant que manifeste artistique et personnel : la peintre a confiance en sa vocation artistique, ses capacités et sa puissance créatrice. Couplée à la taille du tableau, à sa sincérité et à sa simplicité, cette conviction fait de cette œuvre l'un des portraits les plus marquants du 20e siècle. » (Commentaire Google Arts & Culture)
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Paula Modersohn-Becker. Nature morte aux pommes et au verre (1906). Huile sur carton, 33 × 43 cm, Paula Modersohn-Becker Museum, Brême. Il est intéressant de comparer cette nature morte avec un sujet proche traité par Cézanne en 1905 : Paul Cézanne. Nature morte avec pommes et pêches. Comme Cézanne, Paula Modersohn-Becker écarte les lois de la perspective linéaire afin de s’accorder toute liberté. Elle reprend en particulier le plan trop incliné de la table vers le spectateur. Comme Cézanne, elle ne cherche pas à représenter les détails des fruits mais à suggérer par l’image sa perception. A la représentation soignée traditionnelle (par exemple, Clara Peeters. Nature morte avec coupe et panier de fruits, 1612-15), se substitue un traitement brut avec touches de peinture apparentes. L’observateur ne cherche plus à savoir si l’image reflète minutieusement la réalité mais il est confronté à une réflexion comparative entre sa propre perception et celle de l’artiste. L’effet est immédiat : adhésion ou rejet. A l’époque de Paula Modersohn-Becker, la réaction de rejet était dominante et elle ne parvenait pas à vendre ses tableaux.
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Paula Modersohn-Becker. Mère allongée et enfant (1906). Huile sur toile, 82 × 125 cm, Paula Modersohn-Becker Museum, Brême. « Le thème de la mère et de l'enfant a une grande importance dans l'œuvre de l'artiste. Avec Mère allongée et enfant, elle aboutit à une solution compositionnelle et formelle à la fois simple et convaincante : remplir presque totalement le tableau avec les deux corps unifié exprimant le lien fondamental, primal et intemporel, qu'une mère ressent envers son enfant. Le primitivisme monumental de l'image n'a pas d'équivalent dans l'art allemand de l’époque. Cette originalité résulte d'influences françaises et de l'intérêt que portait Modersohn-Becker à l'art antique. Deux autres versions de composition similaire appartenant à Ludwig Roselius ont brûlé lors de bombardements sur la Böttcherstraße. » (Commentaire Google Arts & Culture)
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Paula Modersohn-Becker. L’enfant à la cigogne (1906). Huile et tempera sur toile, 73 × 59 cm, collection particulière. Remarquable composition de type primitiviste, très certainement inspirée par les tableaux de Gauguin vus à Paris. Sans avoir jamais quitté l’Europe, l’élève égale le maître par la puissance évocatrice, la maîtrise chromatique et l’universalisme de l’image. Gauguin disposait du spectacle des îles du pacifique, Paula Modersohn-Becker ne possède que son monde intérieur, transposé sur la toile.
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Paula Modersohn-Becker. Enfant nu avec bocal de poissons rouge (1906-07). Huile sur toile, 105,5 × 54,5 cm, Pinakothek der Moderne, Munich. Paula Modersohn-Becker avait probablement vu des toiles de Gauguin à Paris. L’influence du grand artiste est ici patente. Les peintres cherchent dans l’influence primitiviste la spontanéité créative quelque peu édulcorée par des siècles de conventions artistiques académiques. Le talent de coloriste de Modersohn-Becker se manifeste ici puissamment tout autant que sa force expressive. L’enfant est essentialisé et ne peut être rattaché à aucune civilisation, même si un occidental peut voir dans la composition un certain exotisme.
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Paula Modersohn-Becker. Autoportrait (1907). Huile sur toile, 55 × 25 cm, The Museum of Modern Art, New York. « Dans cet autoportrait emblématique, l’artiste enceinte regarde les spectateurs d’un regard fixe et envoûtant. Une main est levée, tenant deux fleurs stylisées, tandis que l’autre repose sur son ventre bombé. |
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