Marie Bashkirtseff
Cliquer sur les images ci-dessus
PARTENAIRE AMAZON ► En tant que partenaire d'Amazon, le site est rémunéré pour les achats éligibles.
Patrick AULNAS
Portrait et autoportrait
Marie Bashkirtseff en 1878
Photographie.
Marie Bashkirtseff. Autoportrait à la palette (1883)
Huile sur toile, 114 × 95 cm, Musée des Beaux-Arts Jules-Chéret, Nice.
Biographie
1858-1884
Maria Konstantinovna Bashkirtseva, connue en France sous le nom de Marie Bashkirtseff, naît le 24 novembre 1858 à Gavrontsi, à proximité de la ville ukrainienne de Poltava. Elle est la fille de Konstantin Pavlovitch Bachkitsev et de Maria Stepanovna Babanina, appartenant tous deux à la noblesse fortunée de province. Le milieu familial est perturbé par des scandales (jeu, alcoolisme, brutalités) et des dissensions entre les parents. Aussi la jeune Marie passe-t-elle son enfance et son adolescence en voyages à travers l’Europe avec sa mère, qui vit séparée de son mari. Elle séjourne d’abord à Vienne en Autriche, puis à Baden-Baden. L’argent étant disponible en abondance, la vie est faite de mondanités, de fréquentation des théâtres et des salles de concert, d’achats dans les magasins de luxe. La famille s’installe ensuite à Nice en 1870 puis enfin à Paris.
Marie Bashkirtseff reçoit une éducation orientée vers les langues, les lettres et les arts. Outre l’ukrainien, elle parle couramment le français, l'anglais, l'italien et le russe. Elle aurait souhaité devenir chanteuse d’opéra, mais la tuberculose altère rapidement sa voix de mezzo-soprano. Elle s’oriente alors vers la littérature et la peinture. A l’âge de quinze ans, elle commence la rédaction d’un journal en français qui constitue aujourd’hui un aspect essentiel de son œuvre. Elle reçoit des leçons de dessin de François Bensa (1811-1895) et de Charles Nègre (1820-1880) puis entre en 1877 à l’Académie Julian à Paris comme élève de Tony Robert-Fleury (1837-1911). Cette école de dessin et de peinture venait en effet d’ouvrir en 1876 un cours réservé aux femmes, chose rarissime à l’époque. A l’Académie, elle côtoie Louise Catherine Breslau (1856-1927), dont elle reconnaît le talent et qui sera la seule à exposer au Salon officiel en 1879. Quant à Marie Bashkirtseff, elle sera admise au Salon en 1880 et continuera les années suivantes à y exposer.
Marie Bashkirtseff. Dans l’atelier (1881)
Huile sur toile, 188 × 154 cm, Musée d'Art de Dnipro.
Marie Bashkirtseff est plus connue pour son journal et son engagement féministe que pour sa peinture. Sous le pseudonyme de Pauline Orrel elle contribue en 1881 au périodique féministe La Citoyenne pour réclamer l’ouverture de l’École des Beaux-arts aux femmes. Le journal de Marie Bashkirtseff comporte des passages d’une grande liberté de ton, qui reflètent l’ambition d’une femme privilégiée du 19e siècle se sachant intelligente et talentueuse dans beaucoup de domaines. En 1884, elle sent que la tuberculose l’emporte mais elle continue à peindre. Ce journal peut être consulté sur Gallica, le site de la BNF (tome 1, tome 2). En voici quelques extraits :
« À quoi bon mentir et poser ? Oui, il est évident que j'ai le désir, sinon l'espoir, de rester sur cette terre, par quelque moyen que ce soit. Si je ne meurs pas jeune, j'espère rester comme une grande artiste ; mais si je meurs jeune, je veux laisser publier mon journal qui ne peut pas être autre chose qu'intéressant. » (Tome 1, préface)
« Ce pauvre journal qui contient toutes ces aspirations vers la lumière, tous ces élans qui seraient estimés comme des élans d’un génie emprisonné, si la fin était couronnée par le succès, et qui seront regardés comme le délire vaniteux d’une créature banale, si je moisis éternellement !
Me marier et avoir des enfants ! Mais chaque blanchisseuse peut en faire autant.
A moins de trouver un homme civilisé et éclairé ou faible et amoureux.
Mais qu’est-ce que je veux ? Oh ! vous le savez bien. Je veux la gloire !
Ce n’est pas ce journal qui me la donnera. Ce journal ne sera publié qu’après ma mort, car j’y suis trop nue pour me montrer de mon vivant. D’ailleurs, il ne serait que le complément d’une vie illustre. » (Lundi 3 juillet 1876)
« Je voudrais bien que ma phtisie fût imaginaire.
Il paraît qu’à une certaine époque il a été de mode d’âtre poitrinaire, et chacun s’efforçait de le paraître et croyait l’être. Ah ! si ça pouvait être l’imagination seule ! Je veux vivre, moi, quand même et malgré tout, je n’ai pas de chagrin d’amour, je n’ai ni manie, ni sensiblerie, ni rien. Je voudrais être célèbre et jouir de ce qu’il y a de bon sur terre… c’est si simple. » (Lundi 22 octobre 1883)
« Choses sérieuses. Je ne fais rien…Depuis que le tableau de Sèvres est fini, je n’ai rien fait. Rien, sauf deux misérables panneaux.
Je dors des heures entières en plein jour… J’ai bien fait ma petite étude en fiacre, mais cela fait rire.
Le tableau est installé, tout est là, il n’y a que moi qui manque.
Si je disais tout ! Les craintes affreuses…
Voici septembre, le mauvais temps n’est pas loin.
Le moindre refroidissement peut me flanquer au lit pour deux mois, puis la convalescence…
Et le tableau !! Ainsi j’aurais tout sacrifié et…
Ah ! voici le moment de croire en Dieu et de le prier…
Oui, c’est la peur de tomber malade ; au point où j’en suis, je puis en finir en six semaines avec une pleurésie quelconque.
C’est ainsi que je partirai, du reste.
Comme je travaillerai quand même au tableau… et qu’il fera froid… Et si ce n’est pas en travaillant, ce sera en me promenant ; ceux qui ne font pas de peinture et qui meurent tout de même… Enfin !
La voilà donc la fin de toutes mes misères ! Tant d’aspirations, tant de désirs, de projets, tant de… pour mourir à vingt-quatre ans, au seuil de tout !
Je l’avais prévu, Dieu ne pouvant se montrer partial, me donner ce qui est nécessaire à ma vie, me fera mourir. Il y a tant d’années… tant d’années ! si peu ; et rien ! » (Samedi 30 août 1884)
Marie Bashkirtseff meurt le 31 octobre 1884 de la tuberculose pulmonaire. Elle est inhumée au cimetière de Passy, à Paris. Son mausolée, un studio d'artiste en taille réelle, a été déclaré monument historique.
Mausolée de Marie Bashkirtseff au cimetière de Passy
Œuvre
La créativité de Marie Baskirtseff prend naissance dans une noblesse fortunée mais bohème. Sa vie est faite de voyages, de rencontres, d’échanges avec des écrivains ou des peintres. Dans sa famille, elle est la seule véritable créative dans les domaines artistique et littéraire. A ce titre, et sans doute aussi du fait de sa maladie, elle est adulée et dispose d’une certaine liberté, contrairement aux femmes de son époque. Elle laisse une peinture attachante dont l’élaboration se concentre sur à peine une dizaine d’années.
Marie Bashkirtseff. Un meeting (1884)
Huile sur toile, 195 × 177 cm, musée d’Orsay, Paris.
Outre son journal, l’œuvre de Marie Bashkirtseff comporte des dessins, des pastels, des aquarelles et des huiles, ainsi qu’une statue de bronze. Admiratrice de Diego Vélasquez (1599-1660), elle peut être rattachée au courant réaliste ou naturaliste dont l’un des principaux représentants est Édouard Manet (1832-1883) dont elle subit l’influence. Elle voue une admiration profonde au peintre naturaliste Jules Bastien-Lepage (1848-1884), qui obtenait un grand succès à son époque. Marie Bashkirtseff indique d’ailleurs dans son journal que puisque Bastien-Lepage règne en maître sur le monde rural, elle se consacrera à la ville.
Marie Bashkirtseff. Dans le brouillard (1882)
Huile sur toile, 47 × 55 cm, Österreichische Galerie Belvedere, Vienne.
Dans ses portraits, elle ne s’intéresse pas au statut social mais à sa perception affective du modèle. Il s’en dégage toujours une certaine mélancolie apparaissant également dans les autoportraits. Il n’est pas surprenant que Marie Bashkirtseff porte sur les autres et sur elle-même un regard qui semble toujours être un adieu.
Marie Bashkirtseff. Portrait de Madame X (1884)
Pastel et fusain sur papier collé sur châssis entoilé, 56 × 46,5 cm, musée d’Orsay, Paris.
Marie Bashkirtseff. Portrait de femme (1860-1884). Dessin sur papier, musée d’Orsay, Paris. Dessin non daté mais probablement réalisé dans la décennie 1870. |
Marie Bashkirtseff. Paul Bashkirtseff (1876). Huile sur toile, Musée des Beaux-Arts Jules-Chéret, Nice. Paul Bashkirtseff (1859-1899) est le frère de l’artiste. |
Marie Bashkirtseff. La belle-sœur de l’artiste (1881). Huile sur toile, 92,5 × 73 cm, Rijksmuseum, Amsterdam. Il s’agit d’Alexandrine Patchenko, épouse de Paul Bashkirtseff, le frère de l’artiste. |
Marie Bashkirtseff. Dans l’atelier (1881). Huile sur toile, 188 × 154 cm, Musée d'Art de Dnipro. Le tableau représente un cours donné à un public féminin à l’Académie Julian à Paris. Crée en 1866 par le peintre Rodolphe Julian, cette école de peinture ouvre en 1876 un cours réservé aux femmes. Comme on le voit sur le tableau de Marie Beshkirtseff, les hommes (ici un jeune garçon) pouvaient poser à demi-nu, ce qui, pour la mentalité de l’époque était d’une audace folle… L’artiste s’est représentée au premier plan à gauche, de dos. |
Marie Bashkirtseff. A la lecture (v. 1882). Huile sur toile, 63 × 60,5 cm, Musée d’art de Kharkiv. Le thème de la lecture permet une intrusion dans l’intimité du personnage, qui l’on observe à son insu. Telle est du moins la convention artistique. Le modèle est proche de l’autoportrait. |
Marie Bashkirtseff. Dans le brouillard (1882). Huile sur toile, 47 × 55 cm, Österreichische Galerie Belvedere, Vienne. Avec cette vue de Paris dans le brouillard, Marie Bashkirtseff réalise un paysage impressionniste, tentation irrésistible pour une artiste douée de cette époque. |
Marie Bashkirtseff. La parisienne (1882). Huile sur toile, 55,5 × 46 cm, Petit Palais, musée des Beaux-arts de la Ville de Paris. La toile est sous-titrée Portrait d'Irma, modèle à l'Académie Julian. |
Marie Bashkirtseff. Portrait de la comtesse Dina de Toulouse-Lautrec (1883). Pastel et fusain sur papier, 61 × 50 cm, musée d’Orsay, Paris. Au verso, figure l’inscription à la plume et à l’encre brune : « Portrait de la comtesse Dina de Toulouse-Lautrec fait par Marie Bashkirtseff sa cousine en 1883 / Paris 34 avenue Montaigne ». Ce pastel a été exposé au Salon de 1883. |
Marie Bashkirtseff. Le parapluie (1883). Huile sur toile, 93 × 74 cm, Musée russe, Saint-Pétersbourg. D’après son journal, Marie Bashkirtseff a choisi comme modèle une petite fille d’un orphelinat dont elle connaissait le directeur. Le regard fixe et mélancolique est associé à un choix de couleurs où dominent le noir et le gris. Le tableau aurait pu s’intituler L’orpheline, mais l’artiste de 24 ans, sans expérience autre que la vie mondaine, ne cherche pas à situer socialement ses peintures. Son approche est purement émotionnelle. |
Marie Bashkirtseff. Automne (1883). Huile sur toile, Musée russe, Saint-Pétersbourg. A cette date, l’impressionnisme s’imposait dans les milieux les plus cultivés et Marie Bashkirtseff utilise ici une approche impressionniste du paysage. |
Marie Bashkirtseff. Un meeting (1884). Huile sur toile, 195 × 177 cm, musée d’Orsay, Paris. « Marie Bashkirtseff se coule ici dans la veine naturaliste de Bastien-Lepage (1848-1884), qu'elle admire, mais transpose sur le plan urbain, comme leur contemporain Fernand Pelez (1848-1913), les thèmes de son mentor. Elle ne néglige aucun détail dans ce qui s'apparente à une scène de genre. Six jeunes garçons, aux mimiques et aux gestes saisis avec acuité, font cercle autour d'un objet difficile à identifier, probable sujet de leur confrontation. Leurs habits usagés indiquent qu'ils sont issus des classes populaires – la palissade de bois, les graffitis et les affiches déchirées renforcent cette impression –. Leurs blouses montrent qu'il s’agit d'écoliers ; nous sommes au début des années 1880 et les lois Ferry ont instauré l'enseignement laïc, gratuit et obligatoire. |
Marie Bashkirtseff. Portrait de Madame X (1884). Pastel et fusain sur papier collé sur châssis entoilé, 56 × 46,5 cm, musée d’Orsay, Paris. Modèle non identifié. |
Marie Bashkirtseff. Douleur de Nausicaa (1884)
Marie Bashkirtseff. Douleur de Nausicaa, détail
Nausicaa, fille du roi des Phéaciens et figure de la mythologie grecque, apparaît aussi dans l’Odyssée d’Homère. Avec ses suivantes, elle découvre Ulysse, échoué sur le rivage, sale, nu et affamé. Elle le recueille et en tombe amoureuse. Mais Ulysse doit retourner dans sa patrie d’Ithaque. Malgré sa douleur, Nausicaa lui adresse les mots suivants : « Plaise aux Dieux, quand tu seras dans ta patrie, que tu te souviennes de moi à qui tu dois la vie. » |
Pour visionner d'autres œuvres sur GOOGLE ARTS & CULTURE, cliquer sur le nom du peintre :
Ajouter un commentaire