L'impressionnisme

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Patrick AULNAS 

ENVIRON 1860-1900

 

1. Comprendre l’impressionnisme

Pour comprendre d’emblée le bouleversement qu’a représenté la naissance de l’impressionnisme pour les contemporains, il suffit de juxtaposer un tableau impressionniste (Impression soleil levant de Claude Monet, 1872) et un tableau académique de la même époque (Naissance de Vénus de William Bouguereau, 1879) :

 

Claude Monet. Impression soleil levant (1872)

Monet. Impression soleil levant (1872)
Huile sur toile, 49,5 × 65 cm, musée Marmottan Monet, Paris.

 

Bouguereau. La naissance de Vénus (1879)

Bouguereau. La naissance de Vénus (1879)
Huile sur toile, 300 × 215 cm, Musée d'Orsay, Paris.

 

William Bouguereau peint magnifiquement une beauté idéalisée mais éloignée de toute réalité. Il utilise la mythologie antique, considérée comme une source d’inspiration noble. Les touches de peinture ne sont pas visibles ; il faut donner un aspect lisse à la représentation. Le dessin est apparent, les contours sont nets. Bouguereau est un grand artiste qui maîtrise parfaitement son langage.

Claude Monet cherche précisément à renouveler ce langage tant sur le fond que sur la forme. Il veut saisir l’instant présent, c’est-à-dire une réalité fugace qui aura déjà changé une heure plus tard. La lumière joue un rôle essentiel. Il s’agit de suggérer une impression ou une émotion captée par l’œil humain. Les touches de peinture sont visibles, l’utilisation du flou est systématique, le dessin n’est pas primordial (les barques sont stylisées, réduites à quelques taches sombres). Monet n’a que 32 ans en 1872 et il bouscule toutes les conventions en vigueur.

L’impressionnisme est donc d’abord une peinture réaliste. Ce n’est pas un hasard si le mouvement réaliste, et en particulier l’école de Barbizon, précède historiquement l’impressionnisme. L’une des rares femmes impressionnistes de la fin du 19e siècle, Berthe Morisot, a parfaitement exprimé ce souci de représentation du réel dans ce qu’il a d’éphémère : « Fixer quelque chose de ce qui passe, oh ! quelque chose, la moindre des choses, un sourire, une fleur, un fruit, une branche d'arbre [...]. Cette ambition-là est encore démesurée. »

Mais l’impressionnisme a une ambition plus haute que de restituer le réel. Marcel Proust, à propos d’Elstir, le peintre de la Recherche du temps perdu, s’exprime ainsi : « Ses peintures étaient des sortes de métaphores … mais de ces métaphores qui expriment l’essence de l’impression qu’une chose produit, essence qui reste impénétrable pour nous tant que le génie ne nous l’a pas dévoilée. » (1) Ainsi, il ne suffit pas de reproduire sur la toile un instant du réel en utilisant une technique picturale, il faut capter « l’essence de l’impression » pour aboutir à une œuvre d’art. Il en va de même pour la photographie.

L’impressionnisme a été totalement rejeté dans un premier temps. A propos d’Impression soleil levant, le critique d’art Louis Leroy écrit dans le quotidien Le Charivari du 25 avril 1874 : « Impression… un motif de papier peint, même à son état le plus embryonnaire, est plus achevé que cette marine. » Son article était intitulé : « L’Exposition des impressionnistes ». L’appellation de ce courant pictural était née et sera reprise par les peintres impressionnistes eux-mêmes. Mais il faudra une trentaine d’années pour que l’impressionnisme soit compris et beaucoup plus pour qu’il devienne populaire. Monet est aujourd’hui l’un des peintres les plus appréciés du grand public.

 

2. Principaux peintres impressionnistes

Frédéric Bazille (1841–1870) Édouard Manet (1832–1883)
Claude Monet (1840–1926)   Eugène Boudin (1824-1898)
Berthe Morisot (1841–1895) Gustave Caillebotte (1848–1894)
Camille Pissarro (1830–1903) Mary Cassatt (1844–1926)
Pierre-Auguste Renoir (1841–1919) Paul Cézanne (1839–1906)
Edgar Degas (1834–1917) Georges Seurat (1859-1891)
Max Liebermann (1847–1935) Alfred Sisley (1839-1899)

 

3. Les thèmes des impressionnistes

A la suite du réalisme et du préraphaélisme, les impressionnistes privilégiaient la peinture en plein air. Les thèmes concernant les intérieurs ne sont cependant pas absents. Les femmes impressionnistes (en particulier Berthe Morisot et Mary Cassatt) ne pouvaient pas, du fait des conventions morales de l’époque, peindre à l’extérieur avec la même liberté que les hommes. Elles ont donc choisi des scènes d’intérieur.

Le bord de l’eau, les paysages

Claude Monet. La Grenouillère (1869)

Monet. La Grenouillère, 1869. Huile sur toile, 75 × 100 cm, Metropolitan Museum of Art, New York.  Le bord de l'eau, qu'il s'agisse d'une rivière ou de la mer, constitue un thème récurrent. Certains sites sont restés célèbres comme la Grenouillère, établissement de canotage, de bain, de bal et de restauration installé sur l'île de la Chaussée à Croissy-sur-Seine. Monet et Renoir y ont travaillé régulièrement en 1869. Les deux peintres représentent l'animation et la lumière du lieu avec ses chatoiements sur le fleuve.

 

Renoir. La Grenouillère (1869)

Renoir. La Grenouillère, 1869. Huile sur toile, 66,5 × 81 cm, Nationalmuseum, Stockholm.

 

Claude Monet. Terrasse à Sainte-Adresse (1867)

Monet. Terrasse à Sainte-Adresse, 1867. Huile sur toile, 98 × 130 cm, Metropolitan Museum of Art, New York

 

Alfred Sisley. Pont de Villeneuve-la-Garenne (1872)

Sisley. Pont de Villeneuve-la-Garenne, 1872. Huile sur toile, 49,5 × 65,4 cm, Metropolitan Museum of Art, New York.
L'étude de la lumière est également essentielle chez Sisley.

 

Claude Monet. Pruniers en fleurs (1879)

Monet. Pruniers en fleurs, 1879. Huile sur toile, Huile sur toile 73 cm × 94 cm, Szepmuveszeti Museum, Budapest. Les paysages des impressionnistes sont très novateurs. Les paysagistes classiques cherchaient à embellir la nature alors que les impressionnistes veulent saisir un instant d'épanouissement.

 

Camille Pissarro. Printemps. Pruniers en fleurs (1877)

Pissarro. Pruniers en fleurs, 1877. Huile sur toile, 65,5 × 81 cm, Musée d'Orsay, Paris.

 

Edouard Manet. Claude Monet peignant dans son atelier (1874)

Manet. Monet peignant dans son atelier, 1874. Huile sur toile, 83 × 105 cm, Neue Pinakothek, Munich. Manet, un des initiateurs de réalisme, aura également sa période impressionniste, sous l'influence de Monet principalement.

 

Les spectacles et les plaisirs

Renoir. Bal du Moulin de la Galette, 1876

Renoir. Bal du Moulin de la Galette, 1876. Huile sur toile, 131 × 175 cm, Musée d'Orsay, Paris.
Renoir s'intéresse aux bals de Montmartre.

 

Renoir. Déjeuner des canotiers, 1881

Renoir. Déjeuner des canotiers, 1881. Huile sur toile, 130 × 173 cm, Phillips Collection, Washington.
Réunion entre amis : la scène se situe à la maison Fournaise, restaurant de Chatou fréquenté par les impressionnistes.

 

Degas. L'Ecole de danse, 1879-80

Degas. L'Ecole de danse, 1879-80. Huile sur toile, 42 × 49 cm, Corcoran Gallery of Art, Washington.
Degas, grand bourgeois parisien, peint l'opéra et les répétitions de danse.

 

Mary Cassatt. Femme au collier de perles dans une loge (1879)

Mary Cassatt. Femme au collier de perles dans une loge (1879). Huile sur toile, 81 × 60 cm, Museum of Art, Philadelphia.
Mary Cassatt, peintre américaine installée en France, réalise quelques tableaux inspirés du spectacle.

 

La vie urbaine

Les rues et les travaux des villes sont aussi une source d'inspiration : voici quelques exemples.

Liebermann. Ecole de couture en Hollande, 1876

Liebermann. Ecole de couture en Hollande, 1876.
Huile sur toile, Von-der-Heydt-Museum, Wuppertal.

 

 
 
Gustave Caillebotte. Rue de Paris, temps de pluie (1877)

Caillebotte. Rue de Paris, temps de pluie, 1877
Huile sur toile, 212 × 276 cm, Art Institute, Chicago.

 

 
Monet. La rue Montorgueil, 1878

Monet. La rue Montorgueil, 1878
Huile sur toile, 81 × 51 cm, Musée d'Orsay, Paris.

 

 
Camille Pissarro. Boulevard Montmartre, matinée de printemps (1897)

Pissarro. Boulevard Montmartre, printemps, 1897
Huile sur toile, 65 × 81 cm, collection particulière.

 

Les scènes d’intérieur

Elles sont fréquentes chez Berthe Morisot et Mary Cassatt, mais aussi chez Caillebotte.

Morisot. La lecture, 1869-70

Morisot. La lecture, 1869-70
Huile sur toile, 101 × 82 cm, National Gallery of Art, Washington.

 

 

Berthe Morisot. Dans la salle à manger (1875)

Morisot. Dans la salle à manger, 1875
Huile sur toile, 61 × 50 cm, National Gallery of Art, Washington.

 

 

Mary Cassatt. Petite fille dans un fauteuil bleu (1878)

Cassatt. Petite fille dans un fauteuil bleu, 1878
Huile sur toile, 89,5 × 129,8 cm, National Gallery of Art, Washington.

 

 

Mary Cassatt. La toilette de l'enfant (1893)

Cassatt. La toilette de l'enfant, 1893
Huile sur toile, 100 × 66 cm, Art Institute, Chicago.

 

 

Gustave Caillebotte. Jeune homme à la fenêtre (1875)

Caillebotte. Jeune homme à la fenêtre, 1875
Huile sur toile, 117 × 82 cm, collection particulière.

 

 

Gustave Caillebotte. Le déjeuner (1876)

Caillebotte. Le déjeuner, 1876
Huile sur toile, 52 × 75 cm, collection particulière.

 

4. Le devenir de l’impressionnisme

L'impressionnisme ouvre la porte aux innovations artistiques du 20e siècle. La plupart des peintres impressionnistes des années 1860-70 vont évoluer de façon très personnelle.

 

Claude Monet. Bassins aux nymphéas, harmonie rose (1900)

Monet. Bassin aux Nymphéas, harmonie rose, 1900. Huile sur toile, 90 × 100,5 cm, Musée d'Orsay, Paris. Monet accordera une importance croissante à la couleur et à la lumière qui deviennent le véritable sujet de son œuvre. Il est alors aux limites de l'abstraction.

 

Cézanne. Montagne Sainte Victoire, 1904

Cézanne. Montagne Sainte Victoire, 1904. Huile sur toile, 70 × 92 cm, Philadelphia Museum of Art. Cézanne s'intéressera surtout à la structure et peindra des tableaux pratiquement cubistes à la fin de sa vie. L'impressionnisme est ainsi le fondement de l'art moderne.

  

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(1) Esquisse pour A l’ombre des jeunes filles en fleurs, édition La Pléiade, II, page 974.

Commentaires

  • Naguère
    De grands tableaux impressionnistes au musée de l'Hermitage à Saint-Petersbourg. Tableaux achetés pour une bouchée de pain à la fin du XIXe par les aristocrates russes qui, eux, s'y connaissaient en peinture !
    • rivagedeboheme
      • rivagedebohemeLe 18/02/2013
      Oui, bien sûr. C'est un peu le délit d'initié dans le domaine de la peinture. Mais l'aléa est important. Combien se sont trompés dont on ne parle pas ?

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