Simon Mathurin Lantara
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Patrick AULNAS
Portraits
Claude-Joseph Vernet. Portrait de Simon Mathurin Lantara (avant 1757)
Huile sur bois, 15,9 × 11,4 cm, collection particulière.
Simon Mathurin Lantara. Autoportrait (1750-78)
Huile sur toile, 34 × 26,5 cm, collection particulière.
Biographie
1729-1778
Simon Lantara est un marginal dont on connaît mal la vie. Sans aucune formation académique, il possède un talent exceptionnel pour la peinture de paysage, mais refuse toute forme d’intégration. Sa vie de bohème le conduira à mourir dans la misère à l’hôpital de la Charité de Paris. Son parcours en marge de la société, conjugué à un talent inné de dessinateur et de peintre, fera naître après sa mort des légendes apocryphes. Dans les éléments de biographie ci-dessous, le conditionnel est donc employé lorsque la description ne repose sur aucune source fiable.
Simon Mathurin Lantara est né le 23 mars 1729 à Oncy-sur-École, petite commune de l’actuel département de l’Essonne située à 65 km au sud de Paris. Il est le fils de Françoise Malvilain (1699-1737) et de Simon Mathurin Lantara (1701-1773) qui fut vigneron, tisserand et concierge du château de Nanteau-sur-Essonne. Dès l’âge de huit ans, Simon est orphelin de mère et il est placé comme berger au service du châtelain de La Renommière, Pierre Gillet, échevin de la ville de Paris.
Les descriptions qui sont fournies ensuite de l’enfance de Lantara rappellent de façon troublante celle de Vasari à propos de Giotto. Il s’agit donc de pures descriptions littéraires. Ainsi, Ferdinand Hoefer (1811-1878) écrit-il dans sa Nouvelle Biographie générale (tome 29) :
« Ce fut dans cette fraîche campagne, au milieu de sites pittoresques et gracieux, que le jeune pâtre sentit se révéler en lui ce goût de la représentation de la nature qui devait le placer au rang des premiers paysagistes. Bientôt la passion du peintre s’empara de Lantara : il traçait avec un bout de branche, sur le sable ou sur les rochers, le plan de ses tableaux agrestes qu’il nuançait ensuite avec des couleurs naturelles, des feuilles vertes, des brins de mousse, des petits cailloux. »
Rien d’impossible dans tout cela puisque les enfants s’amusent spontanément à dessiner, mais rien d’historique non plus.
A une date indéterminée, Simon Lantara s’installe à Paris. Selon son biographe du 19e siècle, Émile Bellier de la Chavignerie, le fils du châtelain de la Renommière aurait remarqué le talent du jeune Simon et l’aurait emmené à Paris chez « un peintre de Versailles » dont le nom n’est pas indiqué. A Paris, Lantara mène une vie instable, changeant constamment de domicile, comme le souligne son biographe sur la base de documents d’archives :
« Lantara fut un locataire très inconstant, fut-ce par goût, fut-ce par nécessité ? C'est ce que nous ne saurions décider ; mais après avoir habité la rue du Chantre et celle de la Monnaie, nous le retrouvons en 1756 à la barrière du Temple, non loin de la fameuse foire Saint-Laurent ; en 1757, dans la rue de la Vieille-Draperie au coin de laquelle était jadis la maison du père de Jean Châtel ; en 1773, à l'hôtel de Genève, rue de Beauvais, — le vicus de Biauvoir de 1372 ; enfin, nous verrons plus tard qu'il habitait, dans l'année de sa mort, 1778, la rue des Déchargeurs. » (*)
Simon Mathurin Lantara. Paysage au soleil couchant (1750-78)
Huile sur toile, 59 × 38 cm, musée d’Art et d’Histoire, Narbonne.
Lantara aurait subi à Paris l’influence de Joseph Vernet, l’un des plus grands paysagistes français du 18e siècle. Vernet l’aurait utilisé comme assistant et aurait peint les figures sur les toiles de Lantara car celui-ci en était incapable. Il est bien vrai qu’un parallèle stylistique peut facilement être établi entre Vernet et Lantara. Ils sont les descendants directs de Claude Lorrain par la profondeur de l’espace et l’utilisation du contre-jour. Lantara, comme Vernet, a peint des clairs de lune et des soleils couchants venant éclairer le paysage depuis l’horizon lointain.
Simon Mathurin Lantara. Paysage au clair de lune (1750-78)
Huile sur bois, 16 × 19 cm, musée du Louvre, Paris.
Lantara fréquentait assidûment les cabarets parisiens et fut décrit comme un ivrogne par certains commentateurs. Il resta célibataire mais rencontra une fruitière des halles prénommée Jacqueline qui devint sa maîtresse. Elle mourut prématurément et le peintre ne put s’en consoler, si l’on en croit Bellier de la Chavignerie.
« Jacqueline, la joyeuse fruitière de la rue Saint-Denis, qui chantait sans cesse, aurait réussi à fermer pour toujours à son amant la porte du cabaret, si elle eût vécu plus longtemps ; elle exerçait un si grand ascendant sur ce caractère d'enfant qui avait besoin d'un guide !
Plus généreux et plus délicat que J.-J. Rousseau à l'égard de Mme de Warrens, Lantara n'oublia jamais les bienfaits de son aimable maîtresse ; il respecta sa mémoire et, dans sa plus grande détresse, il refusa de vendre un paysage qu'il avait composé au temps où Jacqueline chantait.
A ceux qui s'étonnaient qu'il ne voulût pas se dessaisir de ce tableau pour un bon prix, quand tout lui manquait, il répondait avec naïveté : "Vous n'entendez donc pas chanter Jacqueline dans ce paysage ?" » (*)
Simon Mathurin Lantara. Paysage avec deux hommes au bord d'une rivière et trois cerfs (1750-78)
Pierre noire, blanc (rehaut) sur papier, 35 × 53 cm, musée du Louvre, Paris.
Bien qu’à la fin de sa vie son talent fut reconnu par les amateurs d’art parisiens, Simon Lantara resta un artiste bohème ne se souciant jamais de célébrité et encore moins de fortune. Il payait en nature en remettant ses peintures, sans tenir compte de leur prix.
« M. de la Renommière reçut du pauvre peintre ces beaux tableaux, si fort à propos qualifiés Tableaux de la reconnaissance, et le célèbre avocat Gerbier, pour avoir défendu gratis l'artiste pauvre, peu de temps avant sa mort, dans le procès qu'il avait à la grand-chambre contre un fermier général d'alors, accepta quelques toiles, d'autant plus précieuses, que le talent de Lantara était alors à son apogée. » (*)
Simon Mathrin Lantara meurt à Paris le 22 décembre 1778 à l’hôpital de la Charité, à l'âge de 49 ans. Son biographe rapporte ses dernières paroles, qui ressemblent beaucoup trop aux traits d’esprit qu’affectionnait le 18e siècle pour être authentiques.
« Un confesseur s'étant approché de son lit de douleur, lui dit :
– Vous êtes heureux, mon fils, vous allez passer à l'éternité et vous verrez Dieu face à face.
– Quoi ! Mon père, reprit le moribond qui, jusqu'à sa dernière heure, conserva son caractère insouciant, toujours de face et jamais de profil. » (*)
Un vaudeville intitulé Lantara ou le peintre au cabaret fut représenté à Paris en 1809 au Théâtre du Vaudeville et fit naître le personnage du peintre alcoolique passant l’essentiel de son temps dans les cabarets parisiens.
Œuvre
Simon Mathurin Lantara possédait un sens inné du paysage et voulait représenter la perception qu’il en avait. On doit le rattacher au néoclassicisme, qui commence à apparaître en France dans la seconde moitié du 18e siècle. Il adopte donc la conception idéalisée du paysage qui était celle de Claude Lorrain ou de Nicolas Poussin. La représentation doit être pensée, méditée pour être plus belle que la réalité de la nature. Particulièrement sensible aux effets de lumière, il réussit comme peu d’artistes à capter les atmosphères nocturnes, clair de lune et soleil couchant. La perspective aérienne ou atmosphérique, connue des peintres depuis le début du 16e siècle, apparaît fréquemment. Elle lui permet de simuler une profondeur infinie du paysage sur la ligne d’horizon par un dégradé de plus en plus clair. Brillant dessinateur, Lantara laisse également un certain nombre de dessins et aquarelles.
Simon Mathurin Lantara. Le Château de Chambord vu du Sud-Ouest (1750-78)
Encre grise, aquarelle, traces de graphite sur papier 23,4 × 36,5 cm, Metropolitan Museum of Art, New York.
Les tableaux de Lantara sont tous de petite taille. Sans doute manquait-il de moyens pour se procurer de grandes toiles et des couleurs en abondance. La plupart de ses œuvres ne sont ni signées ni datées. Les attributions restent donc incertaines, surtout pour les œuvres des collections particulières.
Simon Mathurin Lantara. L’Esprit de Dieu planant sur les eaux (1752)
Huile sur toile, 52,5 × 63 cm, musée de Grenoble.
Malgré une production limitée, l’œuvre de Lantara s’inscrit dans l’histoire de la peinture de paysage comme le legs particulièrement émouvant d’un homme sans ambition autre qu’artistique, n’éprouvant aucune attirance pour la fortune ni même la célébrité, menant sa vie en toute liberté car seule la création le motivait vraiment.
Huiles sur bois ou toile
Simon Mathurin Lantara. L’Esprit de Dieu planant sur les eaux (1752). Huile sur toile, 52,5 × 63 cm, musée de Grenoble. Le titre du tableau est inspiré de la Bible (Genèse 1:2) : « Or, la terre était chaotique et vide. Les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux. » Lantara a 23 ans et il peint le commencement du monde. Il faut n’avoir aucun souci de commercialisation pour créer une telle œuvre à cette époque. Mais l’absence totale de formation artistique du peintre, et donc sa technicité insuffisante, ne lui permettait sans doute pas d’aborder à cette date le paysage classique composé en atelier. L’œuvre préfigure Turner et le Claude Monet de la vieillesse, voire l’abstraction.
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Simon Mathurin Lantara. Paysage au clair de lune (1750-78). Huile sur bois, 16 × 19 cm, musée du Louvre, Paris. Les paysages nocturnes éclairés par la pleine lune reviennent souvent dans l’œuvre de Lantara. Le ciel aux nuages menaçants couvre plus de la moitié de la surface. Les arbres étiques suscitent une certaine anxiété. La nature magnifiée et envoûtante de l’artiste rejoint le préromantisme de Jean-Jacques Rousseau qui exaltait la vie simple permettant de retrouver la pureté des origines, perdue par l’homme perverti par la société.
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Simon Mathurin Lantara. Coucher de soleil (1750-78). Huile sur toile, 33 × 41 cm, Museu Histórico e Diplomático, Rio de Janeiro. Le goût des paysages avec ruines s’était développé dans la seconde partie du 18e siècle. Hubert Robert en était le spécialiste reconnu. Lantara ajoute au sentiment nostalgique émanant des vieilles pierres le romantisme du soleil couchant.
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Simon Mathurin Lantara. Bergers et troupeau au clair de lune (1750-78). Huile sur toile, 41 × 62 cm, musée des Beaux-Arts, Dole. L’état de conservation de ce tableau figurant dans la base Joconde ne permet pas d’en avoir une vue satisfaisante. Le peintre se souvient du jeune pâtre qu’il fut dans sa jeunesse.
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Simon Mathurin Lantara. Paysage (1750-78). Huile sur toile, 35 × 45 cm, musée des Beaux-Arts, Bordeaux. Ce paysage composé conjugue comme savaient le faire les classiques les éléments naturels (rivière et sa berge avec figures) et architecturaux (aqueduc, village, château).
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Simon Mathurin Lantara. Paysage au soleil couchant (1750-78). Huile sur toile, 59 × 38 cm, musée d’Art et d’Histoire, Narbonne. Cette composition classique renvoie aux chefs-d’œuvre de Claude Lorrain qui n’ont jamais cessé d’influencer les artistes. Le paysage lointain est encadré par un massif arbustif à gauche et par un ensemble architectural à droite. L’éclairage en contre-jour provient de l’horizon où le soleil disparaît en jetant sur l’eau ses dernières lueurs.
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Simon Mathurin Lantara. La Lune sur l'eau (1750-78). Huile sur toile, 35 × 27 cm, musée national Magnin, Dijon. Cette composition pourrait avoir été peinte plusieurs décennies plus tard, en plein romantisme. Barques et voiliers naviguent au clair de lune pendant que des femmes les observent à partir du rivage. Ces figures féminines apparaissent nettement, ce qui est rare chez Lantara. Selon certains commentateurs, il était incapable de les peindre et Vernet le faisait pour lui. Peut-être…
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Simon Mathurin Lantara. Le repos des bergers (1750-78). Huile sur toile, 19 × 23,5 cm, collection particulière. Ce tableau attribué à Lantara ne comporte pas le traitement de la lumière caractérisant en général des huiles de l’artiste, mais sa composition se rapproche de certains de ses dessins, comme par exemple Le coude de la rivière (1767) figurant ci-dessous.
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Simon Mathurin Lantara. L’embarquement des marchandises (1750-78). Huile sur bois, 18 × 24 cm, collection particulière. Tableau attribué à Lantara malgré une thématique utilitariste peu présente dans son œuvre.
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Simon Mathurin Lantara. Paysage avec vue lointaine du Vésuve (1750-78). Huile sur toile, 25,5 × 32 cm, collection particulière. L’attribution à Lantara de ce paysage italien peut surprendre puisque l’artiste n’a jamais quitté la région parisienne. La ville de Naples apparaît dans les lointains et au-delà, sur la ligne d’horizon, le Vésuve. La perspective atmosphérique permet de simuler une profondeur infinie. |
Aquarelles
Simon Mathurin Lantara. Paysage de la vallée de la Loire (1770). Aquarelle gouachée sur papier, 26 × 37,5 cm, collection particulière. Ce paysage composé est très éloigné des tableaux à l’huile de Lantara. Il ne s’agit plus du paysage idéalisé des classiques et néoclassiques, mais d’une représentation de la réalité contemporaine, comme la peignaient les peintres flamands ou néerlandais. Il ne faut cependant pas y voir un paysage topographique mais une reconstitution en atelier avec maisons, village, église placés selon la fantaisie de l’artiste. La perspective atmosphérique sur la ligne d’horizon (dégradé bleuté) rappelle les paysages des flamands du 16e siècle (par exemple Joachim Patinir, Paysage avec saint Jérôme,1515-19)
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Simon Mathurin Lantara. Le Château de Chambord vu du Sud-Ouest (1750-78). Encre grise, aquarelle, sur des traces de graphite, 23,4 × 36,5 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. Cette aquarelle permet d’apprécier les qualités de dessinateur de Lantara. Il s’est probablement inspiré de gravures et a imaginé les abords. A cette époque le château était habité par les gouverneurs du domaine, désignés par le roi. |
Dessins, Estampes
Simon Mathurin Lantara. Paysage avec deux hommes au bord d'une rivière et trois cerfs (1750-78)
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Simon Mathurin Lantara. Paysage sauvage imaginaire avec un château (1750-78)
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Simon Mathurin Lantara. Le coude de la rivière (1767)
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Simon Mathurin Lantara. Eclipse de soleil du 24 juin 1778 (1778) |
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(*) Émile Bellier de la Chavignerie (1821-1871), Recherches historiques, biographiques et littéraires sur le peintre Lantara (1852). Disponible sur Gallica.
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