Marie-Anne Loir
Patrick AULNAS
Marie-Anne Loir. Portrait de la marquise du Châtelet (v. 1745)
Huile sur toile, 118 × 96 cm, musée des Beaux-arts de Bordeaux.
Analyse détaillée
Biographie
1705-1783
La biographie de Marie-Anne Loir (ou Marianne Loir) est mal connue. Elle est née en 1705 à Paris. Son père, Nicolas Loir, ancien marchand orfèvre, était à la naissance de sa fille officier du roi, capitaine des gardes de la prévôté.
Elle est issue d’une famille d’artistes depuis plusieurs générations. Petite-fille du peintre et graveur parisien Nicolas Loir (1624-1679), son frère Alexis III Loir (1712-1785) était un sculpteur célèbre. De 1739 à 1745, elle séjourne à Rome, accompagnant son frère Alexis qui est pensionnaire de l’Académie de France (*). Jean-François de Troy (1679-1752) étant alors directeur de l’Académie, la jeune artiste aurait pu bénéficier de ses conseils. Le rôle de Jean-François de Troy dans sa formation reste conjectural, mais celui du portraitiste Hubert Drouais (1699-1767), élève de Jean-François de Troy, est attesté. Les historiens spécialisés notent l’influence de Drouais dont l’art « n’est pas sans parenté avec celui pratiqué un peu plus tard par la jeune femme, au point d’ailleurs que l’on a pu récemment hésiter pour l’attribution de certains tableaux entre ces deux artistes » (**)
Après son séjour à Rome, Marie-Anne Loir s’installe à Paris où elle reste jusqu’à 1755. A cette date, elle part pour la province et mène une vie itinérante liée aux commandes de portraits de la noblesse de province, dont elle se fait une spécialité. Elle a travaillé à Pau, à Toulouse et à Marseille et elle devient membre de l’Académie des Beaux-arts de cette ville en 1762. En 1763, on sait qu’elle est à nouveau à Paris pour la réalisation d’un portrait du jeune Antoine Duplàa.
Marie-Anne Loir. Portrait d’Antoine Duplàa à l’âge de neuf ans (1763)
Huile sur toile, 75 × 59 cm, musée des Beaux-arts de Tours.
Marie-Anne Loir quitte Paris en 1765 et s’installe à nouveau en Provence. Revenue à Paris, elle meurt dans cette ville en 1783 à l’âge de soixante-dix-huit ans.
Œuvre
Dix portraits de Marie-Anne Loir sont signés et datés de la période 1745-1769. D’autres portraits lui sont attribués sur des caractéristiques stylistiques, sans véritable certitude. Son œuvre comporte quelques figures de la haute aristocratie comme la marquise du Châtelet ou le maréchal de Saxe, ou de la bourgeoisie cultivée comme Madame Geoffrin. Mais l’artiste n’ayant pas le renom de Quentin de la Tour, Jean-Marc Nattier ou François Boucher, elle s’est surtout spécialisée dans les portraits de la noblesse et de la bourgeoisie de province, ce qui explique sa vie itinérante.
Marie-Anne Loir. Portrait présumé de Mme Geoffrin (v. 1750-60)
Huile sur toile, 82 × 100 cm, National Museum of Women in the Arts, Washington.
Les portraits de Marie-Anne Loir sont typiques de la mode du portrait rococo au milieu du 18e siècle. Le statut social doit rester très apparent, d’où une description minutieuse des luxueux vêtements et, parfois, la mise en exergue de la dimension culturelle avec la présence de livres en particulier. Les visages restent conventionnels et idéalisés, ce qui leur donne un caractère assez répétitif car la psychologie individuelle n’est pas explorée. A la solennité du portrait du siècle précédent s’est substituée la douceur omniprésente du regard tourné vers le spectateur, afin d’établir un dialogue immédiat. Les personnes cultivées de cette époque valorisent l’émotion, l’intelligence et souvent l’esprit, d’où cette volonté de marquer le rapport apaisé à l’autre.
Marie-Anne Loir. Portrait d’un homme assis à son bureau (v. 1750)
Huile sur toile, 102 × 80 cm, Portland Art Museum.
Toutes ces caractéristiques se retrouvent chez des artistes comme Jean-Marc Nattier, Pierre Gobert ou encore Hubert Drouais, qui fut le maître de Marie-Anne Loir, d’où des attributions anciennes qui ont dû être modifiées. Le style de Marie-Anne Loir a toute la suavité de celui de Nattier et elle excelle également à représenter les étoffes moirées et les dentelles.
Marie-Anne Loir. Portrait de Marie de Rey, première duchesse de Fleury (v. 1750)
Huile sur toile, 102 × 87 cm, château de Castries, Hérault.
Marie-Anne Loir. Marie-Charles-Auguste de Grimaldi, Comte de Matignon (1739). Huile sur toile, 105,5 × 88,4 cm, musée des Beaux-Arts de Saint-Lô. « Portrait d'un jeune homme jouant de la musette de cour. Le modèle porte un élégant costume de satin blanc avec col et manche de dentelle, un chapeau orné d'un nœud et sur son épaule gauche un manteau cape en satin gris bordé de dentelle couleur or. A l'arrière-plan à gauche se détache un décor de paysage. |
Marie-Anne Loir. Portrait du maréchal de Saxe (1745-50). Huile sur toile, 107 × 105 cm, Domaine national de Chambord. Maurice de Saxe (1696-1750) est le fils adultérin de Marie-Aurore, comtesse de Königsmarck et de l’électeur de Saxe Frédéric-Auguste 1er. Il apprend très jeune le métier des armes. Après une vie mouvementée, il rallie l’armée française et est nommé lieutenant général par Louis XV en 1734. En 1741, il devient maréchal de France, la plus haute distinction militaire française. Il se distingue au service de la France lors de la guerre de succession d’Autriche (1740-1748) : dirigeant l’armée française, il la conduit vers les victoires de Fontenoy (1745) et de Rocourt (1746). Parmi ses descendants on trouve Aurore Dupin dite George Sand.
|
Marie-Anne Loir. Portrait d’un homme assis à son bureau (v. 1750). Huile sur toile, 102 × 80 cm, Portland Art Museum. « Bien que l'identité du modèle reste un mystère, il est clair qu'il s’agit d’un homme cultivé et à la mode. Assis à un bureau, il lève les yeux de son livre pour engager un dialogue avec le spectateur. Ses grands yeux et son doux sourire projettent une chaleur et une empathie inhabituelles à une époque où les hommes étaient généralement représentés avec un sobre détachement. Il porte un somptueux manteau de velours doublé de fourrure de guépard et un gilet de soie richement brodé sur lequel est suspendu un fin jabot de dentelle. » (Commentaire Portland Art Museum)
|
Marie-Anne Loir. Portrait présumé de Mme Geoffrin (v. 1750-60). Huile sur toile, 82 × 100 cm, National Museum of Women in the Arts, Washington. « Marie Thérèse Rodet Geoffrin (1699-1777) était célèbre dans la société parisienne pour la tenue de salons hebdomadaires réunissant des artistes, des écrivains et des hommes politiques remarquables […]
|
Marie-Anne Loir. Portrait d’Antoine Duplàa à l’âge de neuf ans (1763). Huile sur toile, 75 × 59 cm, musée des Beaux-arts de Tours. Antoine Daplàa est le fils d’un noble Béarnais, le baron de Daplàa, seigneur d’Escou. « Cette œuvre a été réalisée par Marianne Loir l’année suivant sa réception à l’Académie de Marseille. Le minois attendrissant du petit garçon, aux joues rebondies et rosies par le bon air de la campagne, fait oublier l’aspect artificiel de ce type de portrait. La position très figée de l’enfant, la mise en scène organisée pour valoriser ce petit jardinier de théâtre sont représentatives de l’art de Marianne Loir, mais également de cette production de la deuxième moitié du XVIIIe siècle prônant les plaisirs bucoliques et les vertus campagnardes […] Dans ce portrait d’Antoine Duplàa, dominé par le beau rouge de la veste et de la culotte portées par l’enfant, l’artiste décline toute une gamme de couleurs fraîches en harmonie avec le sujet. Ce tableau peut être rapproché d’un autre portrait de Marianne Loir, Portrait de fillette tenant une guirlande de fleurs, qui partage une même douceur avec l’œuvre de Tours. » (Commentaire musée des Beaux-arts de Tours)
|
Marie-Anne Loir. Portrait de femme en divinité aquatique (1750-69). Huile sur toile, 54,5 × 46,5 cm, musée de Picardie, Amiens. « Ce portrait d'une femme inconnue (qui ne saurait être celui de l'une des filles de Louis XV, comme a pu le proposer le catalogue de 1894), âgée semble-t-il d'une trentaine d'années, nous présente le modèle en buste, la tête légèrement tournée vers la gauche, les yeux fixant le spectateur et les lèvres esquissant un léger sourire. Des algues garnissent ses cheveux et un double rang de perles s'enroule dans sa coiffure pour descendre en tresse sur son épaule droite. Le nœud de sa ceinture s'orne de feuilles de roseaux. Cette même végétation compose l'unique décor qui apparaît derrière le personnage. L'utilisation des perles et des roseaux comme ornements de la figure fonctionne comme un attribut et incite à penser que l'artiste a voulu conférer à son sujet la tournure d'une divinité aquatique. On sait la fortune de ces portraits où le modèle se travestit en une figure mythologique : Largillière, puis surtout Nattier ont beaucoup pratiqué ce genre. » (Commentaire Base Joconde).
|
Marie-Anne Loir. Portrait de la marquise du Châtelet (1745-69). Huile sur toile, 118 × 96 cm, musée des Beaux-arts de Bordeaux. Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet (1706-1749), est une personnalité exceptionnelle du 18e siècle. Femme de lettres, mathématicienne, physicienne, elle traduit Newton en Français et popularise l’œuvre de Leibnitz. Elle réalise elle-même des expériences de physique et devient l’amie de Voltaire qu’elle accueille dans son château lorsqu’il est en disgrâce. Ce portrait est le plus célèbre de Marie-Anne Loir, qui a surtout peint une noblesse moins prestigieuse.
|
Marie-Anne Loir. Portrait de Madame du Boccage (1745-69). Huile sur toile, 93 × 75,4 cm, musée d’Art et d’Histoire, Auxerre. Ou Portrait de dame en Flore. Flore (Flora en latin) est une divinité de l’antiquité romaine qui favorisait les récoltes. Elle fut par la suite associée aux fleurs et à la floraison. Il était à la mode sous le règne de Louis XV de représenter les dames en déesse antique. Anne-Marie Fiquet du Boccage (1710-1802) est une femme de lettres originaire de Rouen, qui créa un salon littéraire à Paris.
|
Marie-Anne Loir. Portrait de Marie de Rey, première duchesse de Fleury (v.1750). Huile sur toile, 102 × 87 cm, château de Castries, Hérault. Il s’agit de Marie de Rey (1693-1778), née à Montpellier et devenue duchesse de Fleury par son mariage en 1714 avec Jean Hercule, duc de Fleury de Rosset (1683-1748). Marie-Anne Loir la peint avec son voile de veuvage, ce qui constitue un indice pour dater le tableau d’environ 1750. Marie-Anne Loir. Portrait de Marie de Rey, première duchesse de Fleury, réplique (v.1750). Ce tableau est une réplique faisant partie d’une collection particulière. La position du livre est un peu plus inclinée.
|
Marie-Anne Loir. Portrait d’un écuyer portant livrée de la reine (1745-69). Huile sur toile, 75 × 59 cm, château de Versailles. Attribué désormais à Marianne Loir ce portrait était auparavant considéré comme une œuvre d’Antoine Pesne (1683-1757). Le modèle non identifié pose en livrée de la maison de la reine : manteau de drap rouge à galons bleus et blancs.
|
Marie-Anne Loir. Portrait présumé de la comtesse de Blois (1745-69)
|
Marie-Anne Loir. Portrait de jeune femme en robe bleue tenant une couronne de fleurs (1745-69)
|
Marie-Anne Loir. Portrait d'homme consultant un traité historique de numismatique (1745-69)
|
Marie-Anne Loir. Portrait présumé de Charles de Montaignac en pâtre (1745-69)
|
Marie-Anne Loir. Portrait d’une dame tenant un panier de fleurs (1745-69)
|
Marie-Anne Loir. Portrait de gentilhomme accoudé à son bureau et tenant un livre (1745-69)
|
Marie-Anne Loir. Portrait de Monsieur de Fontaine (1745-69) |
Pour visionner d'autres œuvres sur GOOGLE ARTS & CULTURE, cliquer sur le nom du peintre :
_____________________________________
(*) Cette version est cependant contestée par certains historiens qui considèrent, sur des bases documentaires, que Marie-Anne Loir n’a pas voyagé à Rome mais qu’elle était à Paris à cette époque.
(**) Guillaune Faroult, conservateur au département des peintures du musée du Louvre, cité par le musée des Beaux-arts de Tour.
Commentaires
-
- 1. JEAN CATHERINE Le 20/04/2021
bonjour, la photo que vous présentez comme le portrait de la duchesse de Fleury n'est pas le tableau du château de Castries mais une copie tardive passée en vente publique. La personne représentée est la première duchesse de Fleury, marie de Rey née en 1693 à Montpellier. Votre fiche reprend le descriptif erroné de la base Palissy identifiant Madeleine de Monceaux d'aulxy sa bru 2e duchesse de Fleury. -
- 2. Julie Anne Sadie Goode Le 14/01/2021
Monsieur,
Je partage votre intérêt pour le portrait du comte de Matignon au Musée de Saint-Lô et je viens de publier un article à son sujet dans les Annales monégasques (n ° 44, 2020, p. 7-45) : « Les portraits de la famille de Monaco peints par Marie-Anne Loir (1705-1783) ». Je serais heureuse de vous envoyer un pdf; il est également disponible sur le site du Palais princier de Monaco.
Avec tous mes meilleurs vœux,
Julie Anne-
- rivagedebohemeLe 14/01/2021
Meilleurs vœux, madame. Je serais très heureux de vous lire. Vous pouvez adresser ce PDF à :
rivagedeboheme@hotmail.com
Bien cordialement.
P. Aulnas
-
- 3. LEFEBVRE Philippe Le 10/12/2020
Bonjour,
Suite à la préparation d'une analyse du tableau "Marie-Charles-Auguste de Grimaldi, comte de Matignon" de Marie-Anne LOIR pour conférences, cours et publication, j'ai consulté la page de votre site. Cet article est manifestement le plus conséquent et détaillé quant aux références artistiques et biographiques de la peintre.
Merci donc pour ces excellentes sources.
Il serait peut-être possible d'y adjoindre tableau, référence (et analyse que je tiens à votre disposition - prochaine publication sur "Philippe LEFEBVRE - FFPUNESCO - Laboratoire Genre - 2020") de la toile "Marie-Charles-Auguste de Grimaldi, comte de Matignon" conservé au Musée des Beaux-arts de Saint-Lô et brièvement présenté sur le site des musées normands https://collections.musees-normandie.fr/accueil https://collections.musees-normandie.fr/ark:/16418/msl1045018 https://collections.musees-normandie.fr/ark:/16418/msl1045018/v0001.simple.selectedTab=record.
Restant à votre disposition.
Bien cordialement.
Philippe Lefebvre.-
- rivagedebohemeLe 10/12/2020
Merci beaucoup pour les précisions concernant cette œuvre de jeunesse qui a été ajoutée à la page. Bien cordialement. P. AULNAS
Ajouter un commentaire