Jean-Pierre Péquignot
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Patrick AULNAS
Portrait
Costanzo Angelini. Portrait présumé de Jean-Pierre Péquignot
Biographie
1765-1807
Jean-Pierre Péquignot naît le 11 mai 1765 à Baume-les-Dames, en Franche-Comté, dans l’actuel département du Doubs. Son père y exerce le métier de maréchal-ferrant. Comme il existe à Besançon une Académie de peinture et de sculpture formant les artistes gratuitement, Jean-Pierre et son frère Antoine vont y suivre des leçons à partir de 1775. En 1780, les deux frères poursuivent leurs études à Paris, à l’Institution Pawlet ou École des orphelins militaires. Cette école avait été fondée en 1773 par Fleuri de Pawlet ou Paulet (1731-1809), un ancien militaire, avec l’aide financière du roi Louis XVI. Pourquoi les frères Péquignot, qui ne sont pas orphelins, ont-ils pu s’inscrire dans cette école ? Il faut supposer que leur père était un ancien militaire ou bénéficiait de certains appuis. Jean-Pierre Péquignot fréquente l’Institution Pawlet de 1780 à 1785.
Jean-Pierre Péquignot. Paysage napolitain. Le soir (1800)
Huile sur toile, 67 × 91 cm, collection particulière.
Les frères Péquignot ayant reçu à Besançon une éducation artistique, ils se rapprochent de l’Académie royale de peinture et de sculpture. Celle-ci possède en école de dessin qui accueille les élèves de l’École des orphelins militaires. Il est possible que les frères Péquignot aient rencontré à l’Académie royale Claude Joseph Vernet et Jacques-Louis David et bénéficié de quelques conseils de leur part. Mais ils n’étaient pas leurs élèves.
A Paris, Jean-Pierre vit déjà de son art en peignant pour des maîtres tabletiers (fabricants de petits objets artisanaux comme des tabatières, des cannes, des boites à savon, etc.) des miniatures et des gouaches. Il présente à l’Exposition de la Jeunesse, place Dauphine, en 1785, deux paysages. La critique lui reproche de copier servilement Nicolas Poussin.
Selon certains biographes, c’est sur le conseil de David que Jean-Pierre Péquignot part pour Rome, où il arrive en 1788. A Rome, il continue à vivre de ses productions artisanales. Il rencontre Anne-Louis Girodet (1767-1824), lauréat du Prix de Rome en 1789, qui est accueilli en mai 1790 au Palais Mancini, siège de l’Académie de France. Les deux hommes s’apprécient et Péquignot induit chez Girodet un goût pour la peinture de paysage. Ils peignent tous deux la campagne romaine. Les œuvres posthumes de Girodet, publiées en 1829, comportent un poème dans lequel il place Péquignot au niveau des grands paysagistes :
Vois-tu ces monts lointains dont l’azur peint la cime,
Jeune artiste ? C’est là que des sites montagneux
T’offrent, tout composés, de sublimes tableaux.
C’est Vietri, c’est la Cave et Salerne et Nocère,
Beaux lieux, amours du ciel, délices de la terre,
Où les vieux chantres grecs, dans les siècles anciens,
Eussent voulu placer leurs Champs-Elyséens…
Mais, pour oser les peindre, il faut être un Virgile,
Un Guaspre, un Péquignot, un Saint-Pierre, un Delille
(Cité par Réunion des musées nationaux-Grand Palais)
En 1793, la Révolution française suscite des troubles populaires à Rome. Au palais Mancini, la cocarde tricolore a remplacé les fleurs de lys. Un diplomate, Nicolas-Jean Hugou de Bassville (1743-1793) assure la direction de l’institution pendant la maladie du directeur en titre, le peintre François-Guillaume Ménageot (1744-1816). Les maladresses du diplomate et l’hostilité du pape et de la population italienne aux républicains français conduisent à l’émeute populaire et à l’assassinat de Bassville, qui provoquait la foule en arborant la cocarde tricolore. Le palais Mancini est attaqué à un moment où Péquignot et Girodet s’y trouvent. Ils parviennent à s’échapper et gagnent Naples.
Jean-Pierre Péquignot. Paysage classique avec figures pleurant les cendres d'Ossian (1803)
Huile sur toile, 117 × 170 cm, collection particulière.
A Naples, Péquignot rencontre le fermier général Louis-Adrien Prévost d’Arlincourt (1744-1794) qui l’engage comme professeur de dessin. Toujours en 1793, Péquignot accompagne Arlincourt qui voyage en Sicile et à Malte. Arlincourt devra quitter Naples et sera guillotiné à Paris le 8 mai 1794. Girodet quitte également Naples en 1794 et deviendra par la suite l’un des peintres officiels de l’Empire napoléonien.
Péquignot reste donc seul à Naples mais trouve rapidement un nouveau protecteur, Carl-Ludwig-Sebastian Tschudi (1743-1815), membre d’une famille suisse catholique très ancienne et qui est général au service du Royaume de Naples. Mais la protection de Tschudi ne dure qu’un temps et Péquignot tombe progressivement dans la misère. Il meurt à Sorrente, probablement en 1807. La date exacte de sa mort est inconnue.
Jean-Pierre Péquignot. Paysage classique avec des bâtiments au coucher de soleil (v. 1800)
Huile sur toile, 75 × 100,2 cm, National Trust for Places of Historic Interest or Natural Beauty, Royaume-Uni.
Œuvre
Jean-Pierre Péquignot fait partie des derniers artistes du paysage classique. A la suite de Joseph Vernet, Pierre-Henri de Valenciennes, Jean Joseph Xavier Bidauld, il crée sur la toile une nature rêvée, mais inspirée de l’observation de la réalité. Il n’aura pas le destin glorieux de ses illustres prédécesseurs. Il meurt à Sorrente en 1806 ou 1807, sans parvenir à la reconnaissance. Il sera presque oublié jusqu’à ce qu’une historienne de l’art, Émilie Beck Saiello, lui consacre une étude approfondie en 2005 (*).
Il fut pourtant l’ami d’Anne-Louis Girodet, prix de Rome, peintre d’histoire au talent reconnu, aussi bien sous l’Empire que sous le règne de Louis XVIII. Pour la peinture de paysage, ce n’est pas Girodet qui guide Péquignot, mais Péquignot qui semble bien faire découvrir à Girodet le charme de l’inspiration paysagère en lui faisant parcourir les campagnes romaine et napolitaine pour y saisir des esquisses.
Anne-Louis Girodet et Jean-Pierre Péquignot. Chasseur dans un paysage (1791-94)
Huile sur toile, 62 × 74 cm, musée Girodet, Montargis.
Pierre-Henri de Valenciennes et Jean Joseph Xavier Bidauld, les grands maîtres français du paysage néoclassique, revinrent en France après un long séjour en Italie. Jean-Pierre Péquignot s’attarda dans la péninsule après le déclenchement de la Révolution française et y mourut dans la misère. Il semble, pour des raisons sans doute complexes, qu’il ne parvint pas à s’adapter à la nouvelle situation politique alors que ses aînés, déjà célèbres avant 1789, poursuivirent une brillante carrière pendant l’Empire et la Restauration.
Le paysage néoclassique est l’héritier direct du paysage classique du 17e siècle, dont Domenico Zampieri dit Le Dominiquin, Nicolas Poussin, Claude Lorrain sont les peintres emblématiques. Leur ambition, comme celle de Péquignot, se situe dans la subtile alliance de la raison et de l’émotion. La composition doit être minutieusement pensée car le paysage est composé en atelier à partir de dessins multiples pris sur le vif. Mais l’objectif consiste à transcender le réel pour produire un paysage intemporel, qui comporte souvent des personnages mythologiques destinés précisément à accentuer l’idéalisation.
La sensibilité paysagère aigüe de Péquignot, conjuguée à un savoir-faire construit depuis l’enfance, place ses œuvres les plus abouties au niveau des plus grands artistes du genre.
Jean-Pierre Péquignot. Paysage des environs de Cava dei Tirreni (1803)
Huile sur papier, collé sur toile, 55 × 80 cm, musée des Beaux-Arts de Besançon.
Jean-Pierre Péquignot. Bergers près d'un lac dans un paysage de montagne (1785-1807). Huile sur toile, 52 × 71 cm, collection particulière. Attribué à Jean-Pierre Péquignot sur des critères stylistiques lors de la vente de 2017 par Artcurial, le tableau n’est pas daté. La composition est proche de celle du Paysage des environs de Cava dei Tirreni (ci-après).
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Anne-Louis Girodet et Jean-Pierre Péquignot. Chasseur dans un paysage (1791-94). Huile sur toile, 62 × 74 cm, musée Girodet, Montargis. Girodet (1767-1824) et Péquignot ont étudié en ensemble la peinture de paysage et leur style est très proche. L’attribution reste discutée, mais les spécialistes penchent pour une exécution conjointe.
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Jean-Pierre Péquignot. Paysage avec fabriques et deux personnages féminins sur un chemin (1795-1800). Huile sur toile, 65 × 75 cm, collection particulière. Ce paysage composé comporte des plans très délimités : personnages sur la berge au premier plan, ensemble architectural ensuite, massif rocheux puis arrière-plan formé par le ciel, les montagnes lointaines et la ligne d’horizon. Le caractère très géométrique des constructions rappelle la manière de Sébastien Bourdon (par exemple, Moïse sauvé des eaux, 1655-60).
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Jean-Pierre Péquignot. Paysage fluvial avec château fortifié (1795-1800). Huile sur papier marouflé sur bois, 16 × 24 cm, collection particulière. Les plans horizontaux (berge, fleuve, château, montagne, ciel) se succèdent pour parvenir, sur ce petit format à créer un paysage profond. L’artiste utilise la perspective atmosphérique, connue dès le début du 16e siècle : le ciel et la terre se rejoignent sur une ligne d’horizon floutée par des nuances de gris s’éclaircissant.
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Jean-Pierre Péquignot. Paysage avec Diane et Endymion (1796). Huile sur toile, 95 × 76 cm, musée Capodimonte. Naples. Également intitulé Paysage avec Diane et une nymphe endormie. Diane (Artémis pour les grecs) est la déesse de la chasse et de la lune. Elle est la fille de Jupiter (Zeus) et de Latone (Léto) et la sœur jumelle d’Apollon. Son père Jupiter l’arma d’un arc et de flèches. Venue au monde peu avant son frère, elle assista à sa naissance et demanda à son père une virginité éternelle pour échapper aux douleurs de l’enfantement. Les nymphes qui l’accompagnent sont elles-mêmes d’une totale chasteté.
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Jean-Pierre Péquignot. Paysage napolitain. Le soir (1800). Huile sur toile, 67 × 91 cm, collection particulière. Le traitement de la lumière vespérale constitue l’élément essentiel du tableau. En associant quelques personnages au premier plan, le milieu aquatique au second plan et les massifs montagneux lointains baignés dans une brume tirant sur le rose, Péquignot parvient à évoquer par une simple construction chromatique la sérénité parfaite dont rêvaient les paysagistes classiques depuis Nicolas Poussin.
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Jean-Pierre Péquignot. Paysage classique avec des bâtiments au coucher de soleil (v. 1800). Huile sur toile, 75 × 100,2 cm, National Trust for Places of Historic Interest or Natural Beauty, Royaume-Uni. Ce paysage privilégie l’architecture et ne laisse qu’un arrière-plan brumeux à la nature. Il se caractérise par la luminosité vespérale et la présence de figures habillées à l’antique. Paysage intemporel et idéal, il ne faut pas le considérer comme une représentation de la vie des romains de l’Antiquité, mais comme le produit de l’imaginaire de l’artiste, qui rêve d’une cité parfaite.
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Jean-Pierre Péquignot. Vue du tombeau de Jean-Jacques Rousseau à Ermenonville (1803). Huile sur toile, 117 × 170 cm, collection particulière. Le marquis de Girardin avait accueilli Rousseau (1712-1778) au château d’Ermenonville. Le philosophe fut enterré dans le parc, sur l'île des Cygnes, et sa dépouille fut transférée en 1794 au Panthéon. C’est Hubert Robert qui conçut l’aménagement du parc d’Ermenonville. Il réalisa également un tableau du tombeau de Rousseau en 1802.
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Jean-Pierre Péquignot. Paysage classique avec figures pleurant les cendres d'Ossian (1803). Huile sur toile, 117 × 170 cm, collection particulière. Le thème est inspiré d’un poème des Chants d'Ossian (1773) du poète écossais James Macpherson (1736-1796). Une jeune femme pleure la mort de son bien-aimé en s’allongeant sur son tombeau. Elle est accompagnée de trois autres femmes. L’une d’elles tente de la relever.
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Jean-Pierre Péquignot. Paysage des environs de Cava dei Tirreni (1803). Huile sur papier, collé sur toile, 55 × 80 cm, musée des Beaux-Arts de Besançon. Cava de’ Tireni est une petite ville de l’actuelle province de Salerne, rattachée au 18e siècle au royaume de Naples. Le magnifique panorama montagneux qui l’entoure présente les caractéristiques recherchées par les néoclassiques : une nature généreuse accueillant les réalisations humaines dans une parfaite harmonie. Jean-Joseph-Xavier Bidauld avait réalisé vers 1790 une Vue du pont et de la ville de Cava en restant fidèle au paysage local. Péquignot s’en inspire, mais laisse libre court à son imagination. La lumière tamisée par la brume venant éclairer la composition en contre-jour constitue une réussite remarquable. Pour animer son paysage avec une figure humaine, Péquignot reprend le thème du chasseur déjà utilisé en 1791-94 pour Chasseur dans un paysage (ci-dessus). |
Pour une analyse plus approfondie de la vie et de l’œuvre de Jean-Pierre Péquignot :
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(*) Émilie Beck Saiello, Jean-Pierre Pequignot (2005), éditions Artema.
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