Tintoret
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Patrick AULNAS
Autoportraits
Tintoret. Autoportrait (1546-48)
Huile sur toile, 45 × 38 cm, Philadelphia Museum of Art.
Tintoret. Autoportrait (1588)
Huile sur toile, 63 × 52 cm, musée du Louvre, Paris
Biographie
1518-1594
Jacopo Robusti est né à Venise en 1518 ou 1519. Son père exerçait dans la ville l’activité de teinturier et son fils fut surnommé il Tintoretto (le petit teinturier), surnom qu’il conserva lorsqu’il devint un peintre célèbre. La traduction Le Tintoret ou simplement Tintoret est couramment utilisée en France et en francophonie, les pays non francophones respectant la dénomination italienne.
L'influence de Titien
Né dans un milieu social où la couleur est omniprésente, Jacopo bénéficie dès l’enfance d’une familiarisation artisanale avec les pigments. Encore enfant, il aurait utilisé les teintures paternelles pour réaliser sur les murs des dessins qui étonnaient son entourage. On ignore pratiquement tout de sa formation, mais ses aptitudes exceptionnelles ont certainement amené son père à le placer comme apprenti chez un peintre vénitien. Les noms de Bonifazio Veronese ou Bonifazio de’ Pitati (1487-1553), Andrea Schiavone (1510-1563) et Paris Bordone (1500-1571) sont en général cités.
Mais il est principalement considéré comme un élève de Titien, le grand maître vénitien de la couleur. Selon Carlo Ridolfi (1594-1658) qui écrivit une première biographie de Tintoret, il ne resta que peu de temps dans l’atelier de Titien car il entra en rivalité avec son maître. Mais rien ne permet de corroborer cette anecdote. Quoiqu’il en soit, l’influence de Titien a été prépondérante du fait même de la domination qu’il exerçait sur la peinture vénitienne de l’époque.
Tintoret. Suzanne et les vieillards (v. 1555)
Huile sur toile, 147 × 194 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne.
Le courant maniériste
Si l’art de la couleur de Titien influença profondément Tintoret, le dessin de Michel-Ange le fascinait également. Ridolfi prétend qu’il avait inscrit sur les murs de son atelier la formule : « Le dessin de Michel-Ange et la couleur de Titien ». Accédant au statut d’artiste peintre dans la décennie 1530, Tintoret devait nécessairement subir l’influence du maniérisme qui, à cette époque, se développait en Italie et dont Michel-Ange fut un précurseur. Son œuvre se situe donc nettement dans la mouvance de ce courant artistique.
La conquête de la renommée
Il ouvre son premier atelier à Venise en 1538, à l’âge de vingt ans. Mais, considéré comme un artisan, il doit accepter des travaux variés et ne peut se consacrer entièrement à ses tableaux. Il décore des meubles ou des lambris pour l’aristocratie et la bourgeoisie locales. Carlo Ridolfi affirme qu’il se consacre également à la création de spectacles en dessinant des maquettes de costumes.
Le portrait était à cette époque un moyen courant de se faire connaître et d’obtenir des commandes. Le talent exceptionnel de Tintoret lui permet de s’attacher une clientèle. Malgré sa virtuosité pour saisir une personnalité, il n’atteint la classe dirigeante vénitienne que plus tard dans le siècle et beaucoup de ses modèles de jeunesse sont inconnus.
Peu à peu, il conquiert une célébrité locale. Dans la décennie 1550, les commandes affluent. Scènes bibliques, mais aussi nus féminins deviennent ses centres d’intérêt, sous couvert, bien entendu, de mythologie antique ou de religion : Vénus, Mars et Vulcain (1551), Suzanne et les vieillards (1555). Il se marie en 1555 avec Faustina Episcopi qui donnera le jour à huit enfants. Trois d’entre eux apprirent le métier de leur père et travaillèrent dans l’atelier paternel : Marietta Ribusti, dite la Tintoretta (1554-1590), Donenico Ribusti ou Domenico Tintoretto (1560-1635) et Marco Robusti ou Marco Tintoretto (1561-1637).
Tintoret. Moïse sauvé des eaux (v. 1555)
Huile sur toile, 56 × 119 cm, musée du Prado, Madrid.
Les grands commanditaires institutionnels
Les commandes les plus prestigieuses lui parviennent à partir de 1560. Il obtient en 1564 la décoration des plafonds et des murs de la Scuola Grande di San Rocco par un stratagème que ses concurrents ne pouvaient lui pardonner. Un concours avait été organisé afin de choisir un peintre. Les plus grands artistes de Venise (Salviati, Véronèse, Zuccari) étaient en compétition et se présentèrent chacun avec un dessin schématisant leur projet. Tintoret se distingua en dévoilant au plafond de l’édifice une peinture déjà achevée. Malgré les protestations, le jury lui attribua la commande, après qu’il eut offert un tableau à la confrérie de San Rocco.
Des incendies s’étant déclaré dans le Palais des Doges entre 1574 et 1577, Tintoret fut chargé, avec Véronèse et quelques autres, de rénover l’intérieur de l’édifice. Son atelier participa beaucoup au travail car des délais doivent être respectés. Mais quatre peintures mythologiques ont été exécutées par Tintoret en personne. La décoration du Palais des Doges se poursuivit au moins jusqu’à la fin de la décennie 1580 avec une participation importante de Domenico Robusti, l’un des fils du peintre.
Un artiste mal accepté par ses contemporains
Le Tintoret avait acquis de son vivant une réputation d’artiste peu scrupuleux, cherchant par tous les moyens à obtenir des commandes prestigieuses. Il exécutait à une vitesse prodigieuse, tant et si bien qu’il fut considéré comme un artiste négligent ne prenant pas vraiment au sérieux son art. C’est ainsi que le voit Giorgio Vasari, son contemporain (voir extrait ci-après). Cette obsession de la quantité produite à vive allure résultait d’une créativité hors du commun. L’avidité productive venait du génie créatif qui ne savait comment réaliser tout ce que son esprit contenait.
Tintoret meurt à Venise, qu’il avait très peu quittée, le 31 mai 1594, à l’âge de soixante-seize ans. Il est inhumé dans l'église de la Madonna dell'Orto.
Giorgio Vasari et Tintoret
Vasari ne consacre pas un chapitre complet à Tintoret. Pourtant, il évoque souvent ce peintre qu’il juge totalement hors norme mais dont il loue les ouvrages au fil des pages. Il semble bien que Tintoret ait à ce point déconcerté Vasari qu’il ne put se résoudre à présenter de façon synthétique sa biographie et ses peintures. Voici l’extrait le plus significatif :
« Jamais la peinture n’a eu un cerveau plus extravagant, plus capricieux, plus prompt, plus résolu et plus terrible que celui-là, comme le témoignent ses ouvrages fantastiques, où il s’est complétement écarté de la voie suivie par las autres artistes. Par la bizarrerie de ses inventions, par l’étrangeté de ses fantaisies, il semble avoir voulu montrer que la peinture n’est pas un art sérieux. Parfois, il a donné pour fini des tableaux à peine ébauchés, où les coups de pinceau paraissent frappés au hasard plutôt qu’avec attention. » (*)
Œuvre
Titien domine la peinture vénitienne depuis le début du 16e siècle. Mais le maniérisme, qui s’était développé à Rome et à Florence, se diffuse à Venise par l’intermédiaire des séjours que vont y faire vers le milieu du siècle des peintres renommés : Francesco Salviati, Giorgio Vasari, Le Parmesan.
La transition entre maniérisme et baroque
Tintoret appartient à une génération de jeunes artistes vénitiens qui cherchent à faire évoluer leur art, aux côtés de Véronèse et de Jocopo Bassano (1510-1592). Ces artistes se rattachent nettement au courant maniériste par le vocabulaire pictural utilisé : accentuation délibérée des postures et des mouvements, couleurs vives rompant avec l’harmonie classique du début du siècle. Mais alors que le maniérisme recherchait le raffinement par l’élégance des formes, les jeunes artistes vénitiens veulent marquer les esprits par l’exacerbation des émotions. Aussi utilisent-ils volontiers le clair-obscur pour produire un effet visuel violent. Ils représentent à cet égard la transition entre le maniérisme et la peinture baroque, qui commencera à se développer à l’extrême fin du 16e siècle.
Tintoret. Saint Roch en prison visité par un ange (1567)
Huile sur toile, 300 × 670 cm, église San Rocco, Venise.
La grande diversité de l’œuvre
Tintoret aborde de nombreux thèmes de la peinture mythologique et religieuse : mésaventures des déesses et dieux antiques, épisodes de l’Ancien Testament, scènes courantes du Nouveau Testament (crucifixion, lamentation sur le Christ, etc.), légendes chrétiennes post-bibliques (Saint Roch par exemple). La mythologie antique et certaines scènes bibliques (Adam et Ève par exemple) sont, comme toujours à cette époque, un prétexte nécessaire pour peindre des nus féminins.
L’artiste réalise également un grand nombre de portraits, principalement masculins, comprenant des modèles non identifiés dans sa jeunesse, puis les grands dignitaires de la vie politique vénitienne lorsqu’il est devenu un peintre célèbre.
Le clair-obscur, la diagonale et le raccourci
Les grandes compositions de Tintoret se caractérisent par une mise en scène théâtrale. Des éléments d’architecture sont souvent présents à l’arrière-plan, faisant fonction de décor. L’éclairage scénique puissant fait alterner les zones d’ombres avec les plages éclairées afin de déclencher un choc visuel chez le spectateur. Tintoret utilisait une technique de modélisation pour étudier les effets de lumière. Il créait de petites statuettes de cire et les plaçaient de diverses façons dans un faisceau lumineux pour observer le résultat.
Il affectionne légalement les diagonales et le raccourci. Dans Lamentation sur le Christ mort (v. 1560), le corps du Christ et celui de la Vierge forment une intersection à angle droit correspondant approximativement aux deux diagonales du tableau.
Tintoret. Lamentation sur le Christ mort (v. 1560)
Huile sur toile, 227 × 294 cm, Galerie de l’Académie, Venise.
Dans Le miracle de l’esclave (1548), le corps du supplicié, allongé sur le sol, doit être représenté en raccourci du fait de sa position. Le système oculaire humain raccourcit en effet un objet placé longitudinalement face à lui. Cette approche empirique d’un élément de perspective est utilisée depuis d’Antiquité grecque.
Tintoret. Le miracle de l’esclave (1548)
Huile sur toile, 415 × 541 cm, Galerie de l’Académie, Venise.
Travail bâclé ou génie prémonitoire ?
Tintoret apparaissait de son vivant comme un artiste excentrique et peu regardant sur les moyens d’obtenir des commandes. Il gênait visiblement ses alter ego par son irrépressible désir des bousculer les conventions picturales et les usages commerciaux. Aussi n’a-t-il reculé devant aucun défi, qu’il s’agisse de toiles absolument gigantesques (Le Paradis, 9,90 × 24,50 mètres), ou d’expériences stylistiques qui apparaissaient à ses contemporains comme du travail bâclé et que nous semblent aujourd’hui relever du génie prémonitoire :
Tintoret. Le Christ sur la mer de Galilée (1575-80)
Huile sur toile, 117 × 169 cm, National Gallery of Art, Washington.
Scènes mythologiques et religieuses
Tintoret. Le souper à Emmaüs (1542-43). Huile sur toile, 156 × 212 cm, Szépművészeti Múzeum, Budapest. Nouveau Testament. Jésus a été crucifié. Après sa résurrection, il apparaît à deux de ses disciples, en route pour Emmaüs, sous d’autres traits. Ne l’ayant pas reconnu, ceux-ci lui proposent de partager leur repas. Au moment où il rompt le pain, ils le reconnaissent. Le tableau représente ce moment. Tintoret cherche à dépeindre la surprise des disciples en multipliant les mouvements autour du Christ trônant paisiblement au centre de l’image. L’effet de clair-obscur (fond sombre, nappe blanche en particulier) anticipe sur les évolutions futures vers le baroque. |
Tintoret. La conversion de saint Paul (v. 1545). Huile sur toile, 153 × 236 cm, National Gallery of Art, Washington. Selon la Bible (actes des Apôtres, chapitre 9), Saul, un pharisien qui persécutait les chrétiens, est enveloppé par une lumière venant du ciel sur le chemin menant à Damas. Il devient aveugle et retourne chez lui. Le Seigneur ordonne alors à un disciple, Ananie, de rencontrer Saul et lui précise que Saul retrouvera la vue et sera « rempli de l’Esprit Saint ». Ananie s’exécute et Saul, le païen, devient Paul, chargé de diffuser la parole du Christ. Tintoret transforme cet épisode biblique assez paisible en une composition complexe qui privilégie l’exacerbation des émotions. L’audace d’un jeune peintre de 27 ans, qui cherche à s’imposer en frappant les esprits de son époque, transparaît dans cet enchevêtrement de corps dans un paysage apocalyptique. Il reste aujourd’hui un tableau d’une surprenante modernité, sans doute par l’universalité qui se dégage à la fois du mouvement (la vie) et du chromatisme (la poésie). |
Tintoret. Le Christ lavant les pieds de ses disciples (v. 1547). Huile sur toile, 210 × 533 cm, musée du Prado, Madrid. Nouveau Testament. La scène aurait pu être réduite au geste d’humilité du Christ (à droite, premier plan). Mais Tintoret la transforme en saisissant de nombreux disciples dans un cadre architectural lui permettant de donner beaucoup de profondeur à l’image. Un moment, a priori très paisible, se transforme ainsi en scène théâtrale très mouvementée aux couleurs somptueuses. |
Tintoret. Le miracle de l’esclave (1548). Huile sur toile, 415 × 541 cm, Galerie de l’Académie, Venise. Cette immense composition ornait à l’origine l’intérieur de la Scuola Grande di San Marco. Elle illustre un épisode relaté par Jacques de Voragine dans La Légende dorée (13e siècle). Saint Marc descend miraculeusement du ciel pour sauver un de ses fidèles, condamné à avoir les jambes cassées et les yeux crevés pour avoir adoré les reliques du saint. Tintoret place la scène dans un cadre architectural antique sur le devant duquel un enchevêtrement de personnages assiste au supplice. On aperçoit au sol et dans les mains du bourreau les instruments de torture brisés. Les couleurs vives, l’accentuation des postures et le clair-obscur rattachent le tableau au maniérisme. |
Tintoret. La tentation d’Adam (1550). Huile sur toile, 130 × 161 cm, Galerie de l’Académie, Venise. Selon la Bible, les premiers humains, Adam et Ève, auraient désobéi aux prescriptions divines en mangeant le fruit défendu de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Les successeurs, c’est-à-dire l’humanité entière, se trouvent ainsi en situation de péché. Tintoret utilise l’épisode biblique, comme d’autres avant lui, pour représenter la nudité féminine. La femme tentatrice des monothéismes tend la pomme à Adam. Elle apparaît au centre de la composition et de face, tandis que l’homme (pauvre victime !) est vu de dos. L’horizontalité de la composition n’interdit pas la profondeur du paysage d’arrière-plan. Les troncs d’arbres, à droite et au centre, viennent structurer verticalement l’espace. |
Tintoret. La naissance de saint Jean-Baptiste (v. 1554). Huile sur toile, 181 × 266 cm, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. Nouveau Testament. L'archange Gabriel annonce à Zacharie que sa femme Élisabeth, considérée comme stérile, lui donnera un fils qu’il devra prénommer Jean. Zacharie, ayant douté des paroles de l'archange, celui-ci lui annonce qu’il sera muet jusqu’à la naissance de son fils. Tintoret illustre cette naissance, avec Zacharie à droite qui recouvre la parole et profère des louanges à son Seigneur. Fidèle à son tempérament, l’artiste transforme cette naissance en une scène complexe et particulièrement animée. La maîtrise du mouvement provient d’un dessin très intuitif. Les étoffes luxueuses sont mises en évidence par la juxtaposition de couleurs chaudes et de couleurs froides et les effets d’ombre et de lumière. |
Tintoret. Moïse sauvé des eaux (v. 1555). Huile sur toile, 56 × 119 cm, musée du Prado, Madrid. Récit biblique. Le pharaon ayant donné l’ordre d’éliminer tous les nouveau-nés mâles du peuple hébreu, la mère de Moïse cache l’enfant durant trois mois puis l’abandonne dans une corbeille sur le Nil, près de la rive. La fille du pharaon, qui se baignait avec des courtisanes, trouve l’enfant et décide de l’adopter. « Cette toile fait partie d’un ensemble de six peintures de facture semblable […] Il n’existe rien de comparable à ces tableaux dans le reste de la production de Tintoret et, par conséquent, il est difficile de les dater avec certitude. La répétition régulière de petites touches calligraphiques dans les glands des robes et des coiffes, les feuilles de la végétation, les frisures des boucles et coiffes féminines, créent un rythme décoratif global qui ne se répètera dans aucune autre œuvre. » (Commentaire musée du Prado) |
Tintoret. Suzanne et les vieillards (v. 1555). Huile sur toile, 147 × 194 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne. Épisode biblique. Une jeune femme, Suzanne, est surprise par deux vieillards alors qu’elle prend son bain. Elle refuse leurs avances et les vieillards l’accusent alors d’adultère. Elle est condamnée à mort. Le prophète Daniel prend sa défense et fait condamner les vieillards. Le thème était choisi pour représenter la nudité féminine. Un demi-siècle plus tard, Artemisia Gentileschi l’illustrera encore en mettant en évidence l’agressivité masculine dont elle avait elle-même été victime. |
Tintoret. Lamentation sur le Christ mort (v. 1560). Huile sur toile, 227 × 294 cm, Galerie de l’Académie, Venise. Thème récurrent de la peinture occidentale illustrant un épisode du Nouveau Testament. Le Christ est mort, allongé, et des personnages le pleurent. La lamentation ou déploration est un élargissement du thème également classique de la Pietà, ou Vierge de Pitié, qui ne comprend que la Vierge supportant le Christ mort. Tintoret renouvelle le thème en le déportant déjà vers le baroque, par l’accentuation dramaturgique et l’utilisation du clair-obscur. Conformément à l’approche maniériste, l’artiste focalise sur les personnages principaux, faisant quasiment disparaître l’arrière-plan, dans une composition structurant l’espace selon les deux diagonales du tableau que suivent le corps du Christ et celui de la Vierge qui s’évanouit. |
Tintoret. Saint Roch en prison visité par un ange (1567). Huile sur toile, 300 × 670 cm, église San Rocco, Venise. Saint Roch (v. 1350-1379), fils d’un riche bourgeois de Montpellier, étudia la médecine. Adulte, il donna tous ses biens aux pauvres et partit pour Rome. La peste noire sévissait à cette époque dans toute l’Europe et elle tua presque la moitié de la population. Saint Roch se consacra aux malades. Ayant contracté la maladie, défiguré, il fut pris pour un espion et jeté dans un cachot. Il mourut dans la misère. Il fut canonisé au début du 15e siècle. Tintoret représente saint Roch dans une prison où s’entasse un grand nombre de personnes. Un ange vient consoler les prisonniers. Cette immense toile ne constitue pas une illustration réaliste du peuplement des prisons de l’époque. La situation était beaucoup plus dégradée, en particulier en ce qui concerne l’état physique des prisonniers. Le tableau évoque plutôt l’éthique dominante en juxtaposant la déchéance terrestre et l’espoir céleste. Remarquer le travail sur le clair-obscur : jaillissement de lumière émanant de l’ange et produisant un effet de sidération sur les prisonniers. |
Tintoret. Saint Roch en prison visité par un ange, détail (1567). Si les conditions de détentions sont exactes (prisonnier enchaîné, voleur à la main coupée dans le cachot), les corps ont été considérablement embellis, avec leur musculature saillante. Le réalisme pictural aurait conduit à représenter des corps affaiblis, malades, décharnés. |
Tintoret. L’origine de la voie lactée (v. 1575). Huile sur toile, 149 × 168 cm, National Gallery, Londres. « La source probable du sujet est un livre de botanique byzantin, Geoponica, dans lequel on raconte comment Jupiter, souhaitant immortaliser l'enfant Hercule (dont la mère était la mortelle Alcmène), le tenait aux seins du Junon endormie. Le lait qui giclait vers le haut formait la Voie Lactée, tandis que des gouttes tombaient vers le bas donnant naissance à des lys. Les lys étaient autrefois présents à la base du tableau, jusqu'à ce qu'une partie de la toile originale soit coupée. » (Commentaire National Gallery) |
Tintoret. Le Christ sur la mer de Galilée (1575-80). Huile sur toile, 117 × 169 cm, National Gallery of Art, Washington. Episode biblique. Le lac de Tibériade ou mer de Galilée n’a que 6 ou 7 km de large mais il est sujet à des tempêtes. Jésus et quelques disciples s’embarquent et subissent une forte tempête. Mais Jésus dort. Les disciples le réveillent et lui reprochent de ne rien faire pour les sauver. Il leur fait comprendre que le suivre n’est pas une solution de facilité ; puis il apaise la tempête. Cette composition, d’une folle originalité pour l’époque, est emblématique ce de ce que la doxa picturale du 16e siècle ne pouvait accepter. |
Tintoret. La résurrection du Christ (1579-81). Huile sur toile, 529 × 485 cm, Scuola Grande di San Rocco, Venise. Nouveau Testament. Jésus-Christ revient à la vie et sort de son tombeau quelques jours après sa crucifixion sur le mont Golgotha. Cette interprétation très maniériste de la résurrection comporte quatre anges qui soulèvent la dalle du tombeau, duquel jaillit la lumière. Le Christ s’élève vers le ciel au milieu d’étoffes moirées. L’enchevêtrement esthétisant des corps et les couleurs vives constituent à cette époque une orientation dominante de la peinture italienne. |
Tintoret. Le Paradis (v. 1588). Huile sur toile, 990 × 2450 cm, Palais ducal, Venise. Ce gigantesque tableau de presque 25 mètres de large fut réalisé pour remplacer Le couronnement de la Vierge de Guariento di Arpo (1365), détruit dans un incendie en 1577. L’œuvre remplit tout le mur situé derrière l’estrade où siégeaient le Doge et ses conseillers, dans la salle du Grand Conseil. Cette prouesse technique nécessitait un atelier pouvant contenir une toile aussi grande. Tintoret utilisa la salle du Chapitre de la Scuola Vecchia della Misericordia. Le paradis de Tintoret n’est pas un endroit où règne la quiétude. Le Christ, au centre, est noyé dans un univers de figures enchevêtrées. Ce paradis, qui s’apparente à une scène de Jugement Dernier, pouvait être un rappel de la précarité de toute vie humaine adressé aux gouvernants. |
Tintoret. Le Paradis, détail (v. 1588). Les figures divines, en couleur, et les anges ailés doivent accueillir les mortels, qui s’entassent au-dessous d’eux. |
Portraits
Tintoret. Portrait d’un gentilhomme, la main sur l’épée (v. 1540). Huile sur toile, 102 × 83 cm, musée du Louvre, Paris. « La pose du modèle, s'appuyant, selon une composition inventée à Florence, sur un élément d'architecture, apparaît à Venise vers 1540 dans l'entourage de Titien. » (Commentaire musée du Louvre). |
Tintoret. Portrait de Jacopo Sansovino (avant 1546). Huile sur toile, 120 × 100 cm, Galerie des Offices, Florence. Jacopo Tatti, dit Jacopo Sansovino, est un architecte et sculpteur italien (1486-1570) |
Tintoret. Portrait d'une jeune dame (1553-55). Huile sur toile, 98 × 75,5 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne. L’un des rares portraits féminins de l’artiste. Le modèle n’est pas identifié. Le rôle de l’artiste consistait davantage à figer par l’image le statut social du modèle qu’à saisir une personnalité. L’insistance sur le luxe des vêtements et des bijoux en témoigne. |
Tintoret. Portrait de Doge Girolamo Priuli (1559). Huile sur toile, 63 × 49 cm, collection particulière. Girolamo Priuli (1486-1567) est le 83e doge de Venise élu en 1559. Son dogat dure jusqu'en 1567. |
Tintoret. Portrait de Sebastiano Venier avec un page (v. 1580). Huile sur toile, 194 × 132 cm, collection particulière. Sebastiano Venier (1496-1578), descendant d'une des plus anciennes familles patriciennes de Venise, fut capitaine général de la flotte vénitienne à la bataille navale de Lépante en 1571. Cette bataille aboutit à la victoire des flottes alliées (Espagne, Venise et Saint-Siège) sur les forces turques. La bataille de Lépante est illustrée à l'arrière-plan du portrait. Sebastiano Venier devint doge de Venise en 1577, un an avant sa mort. |
Tintoret. Portrait de Marco Grimani (1576-83). Huile sur toile, 96 × 60 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne. Les attributs du statut social du sénateur Grimani (mort en 1583) apparaissent nettement, en particulier son vêtement de velours rouge bordé d’hermine. Ni son âge ni ses traits de personnalité ne sont idéalisés. L’artiste s’intéresse surtout au visage, fortement personnalisé, qui se détache sur le fond noir. Il traite très rapidement les mains et le vêtement. |
Tintoret. Portrait de Vittorio Bragadin (1575-1594). Huile sur toile, 115 × 98 cm, musée des Beaux-arts de Grenoble. Vittorio Bragadin est un sénateur vénitien. |
Tintoret. Le cardinal Andrea de Austria (1576-94). Huile sur toile, 112 × 96 cm, musée du Prado, Madrid. Ce cardinal est le fils de l’archiduc Ferdinand II d’Autriche. Il devient cardinal en 1576. |
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(*) Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (première édition 1550, remaniée en 1568, traduction Leclanché, 1841), tome 8, p. 374.
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