Robert Campin, le Maître de Flémalle
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Patrick AULNAS
Vers 1375-1444
Le premier grand artiste qui imprime sa marque au renouveau de la peinture en Flandre est appelé le Maître de Flémalle (petite ville de la Belgique wallonne). Le titre provient d'un fragment d'un grand autel de Flémalle décoré par ce peintre et dont deux panneaux nous sont parvenus. Qui était le Maître de Flémalle ? Le sujet a donné lieu à des controverses entre historiens. Trois noms ont été cités : Jacques Daret (1404-1470), Rogier Van der Weyden (1399-1464) et Robert Campin. Le choix de la quasi-unanimité des spécialistes s'est en définitive porté sur Robert Campin. La vie de ce peintre est mal connue, mais il est né à Tournai (Belgique) ou à Valenciennes (France) vers 1375. Sa carrière de peintre se déroule essentiellement à Tournai et l'on sait qu'en 1415 il acquiert le statut de bourgeois de Tournai. Il crée un atelier dans cette ville et emploie comme assistants Jacques Daret et Rogier Van der Weyden. Certains documents attestent également de son accès à des fonctions publiques (magistrat de la ville, doyen de la guilde des orfèvres).
Une quarantaine d'œuvres peuvent lui être attribuées, mais aucune n'est signée. La caractéristique essentielle de certaines de ces œuvres est la volonté de se rapprocher d'un réalisme inconnu du gothique international des siècles précédents. La représentation picturale consistait en effet à poétiser et même à enchanter le réel. La limite entre le conte de fées, le domaine divin et les réalités humaines n'était pas définie, ce qui autorisait toutes les fantaisies formelles en ce qui concerne l'échelle de la représentation et les rapports entre les éléments du tableau. L'absence de maîtrise de la perspective et la technique de la tempera sur bois maintenaient d'ailleurs la peinture à un niveau de technicité que nous pourrions juger aujourd'hui proche de la peinture enfantine (avec tout son charme). Le Maître de Flémalle va, pour la première fois, produire des œuvres cherchant à reproduire au plus près ce que l'œil humain peut capter de la réalité du monde qui l'entoure. La perspective (pas toujours bien maîtrisée) permet la profondeur, la tridimensionnalité, l'huile permet de traiter en finesse la texture des surfaces, la rigidité ou la souplesse, les nuances de la lumière reflétée par les objets.
Les recherches les plus récentes tendent à prouver que, dans l'atelier de Campin, le travail était collectif. Rattacher telle œuvre au seul Robert Campin ou l'attribuer plutôt à un travail collectif est une tâche bien difficile relevant de spécialistes. Mais bien évidemment, Campin ne fut pas le seul à s'orienter vers une peinture plus réaliste en ce début du 15e siècle. Les frères Van Eyck et Rogier Van der Weyden produisaient à la même époque des œuvres similaires. L'influence du Maître de Flémalle fut cependant considérable tant en Flandre qu'en Allemagne ou même en France.
Campin. Le Christ et la Vierge en prière, détail (1424)
Les œuvres reproduites ci-dessous sont des huiles sur bois de dimensions modestes. Le triptyque de Mérode, l'une des plus grandes pièces, mesure 64,1 × 117,8 cm. Le portrait de l'homme au turban ne dépasse pas 40,7 × 28 cm. Le triptyque est un ensemble comportant trois panneaux, les deux volets extérieurs se refermant sur le panneau central. Il peut s'agir de peinture ou de sculpture. Le triptyque est en général commandé à un peintre par un personnage influent qui en fait don à un établissement religieux. Il était d'usage de représenter le donateur, faisant acte de dévotion, sur l'un des volets latéraux du triptyque. Le triptyque, s'il était installé dans une église, faisait souvent office de retable. Un retable est une construction décorative verticale posée derrière l'autel (derrière la table de l'autel). Le retable comprend en général plusieurs panneaux : deux pour un diptyque, trois pour un triptyque, un nombre plus élevé pour un polyptyque.
Triptyque de Seilern (1410-20). Huile sur bois, 65,2 × 53,6 cm (centre), 64,9 × 26,8 cm (chaque aile), Courtauld Institute, Londres. Cette œuvre reste encore très éloignée du réalisme qui dominera plus tard chez Campin (voir le triptyque de Mérode et le triptyque de Werl). Le panneau central représente la mise au tombeau du Christ entouré de divers personnages bibliques. Le volet de gauche représente le donateur agenouillé et, à l'arrière-plan, le Golgotha avec la croix centrale vide (nous sommes après la descente de croix). Le panneau de droite représente la résurrection du Christ que l'on voit sortir de son tombeau, suscitant l'effroi des humains assistant à la scène |
Saint-Jean-Baptiste (1415). Huile sur bois, 17,2 × 12,2 cm, Cleveland Museum of Art, Cleveland. Jean le Baptiste ou Saint Jean-Baptiste est le prophète qui, selon la tradition chrétienne, aurait annoncé la naissance du Christ. |
La nativité (1420-25). Huile sur bois, 84,1 × 69,9 cm, Musée des beaux-arts, Dijon. Il s'agit de la naissance de Jésus-Christ. Au premier plan, en blanc, la Vierge Marie, à sa droite Joseph en vénérable vieillard. L'enfant Jésus est nu sur le sol. A la droite du tableau, au premier plan, les accoucheuses Zelemi (de dos) et Salomé (de face). Derrière la Vierge, les trois bergers. Au-dessus, planant au niveau du toit de la grange, les anges. La représentation de la grange délabrée permet d'insister sur la pauvreté et de donner un effet de perspective. Le paysage en arrière-plan, très soigné, et atteste des qualités de paysagiste de Campin. |
Le Christ et la Vierge en prière (1424). Huile et or sur bois, 29 × 46 cm, Philadelphia Museum of Art, Philadelphie. Portrait religieux intermédiaire entre celui de Saint-Jean-Baptiste (1415) et ceux, plus réalistes de 1430. Le fond d'or reste archaïsant mais s'impose à l'époque pour des figures divines. Les visages sont dominés par le regard que chacun interprètera à sa façon. Humain, divin ? |
Le Christ et la Vierge en prière, détail (1424). La Vierge n'est pas plus âgée que son fils. Le passage du temps concerne les humains. |
Panneaux de Flémalle, Sainte Véronique (v. 1430). Huile sur bois, 148,2 × 57,7 cm, Städel, Francfort-sur-le-Main. Légende chrétienne. Lorsque Jésus-Christ portait sa croix vers le Golgotha, une femme de Jérusalem, Véronique, lui donna son voile afin qu'il puisse s'essuyer le front. Lorsque Jésus rendit le voile, son image s'y était miraculeusement imprimée. |
Panneaux de Flémalle, Vierge à l'enfant (v. 1430). Huile sur bois, 149,1 × 58,3 cm, Städel, Francfort-sur-le-Main. Seuls deux panneaux nous sont parvenus. Cette Vierge qui allaite son enfant constitue une innovation par l’humanisation du personnage. Elle s’oppose aux Vierges hiératiques du Moyen Âge, inspirées de l’art byzantin. |
Triptyque de Mérode (1425-30). Huile sur bois, 64,1 × 117,8 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. Voici le moment précis (s'il existe !) où l'on quitte vraiment le monde enchanté du gothique international pour observer le quotidien de la bourgeoisie aisée de la Flandre du 15e siècle. Bien entendu, le prétexte religieux ne peut être évacué : les anges et les prières devront bien être là. Mais tout le décor est celui dans lequel vivait l'élite de l'époque. Le nom du triptyque provient de la famille Mérode (aristocratie belge) à laquelle il a longtemps appartenu. |
Triptyque de Mérode, panneau central (1425-30). Huile sur bois, 64 × 63 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. Il s'agit de la rencontre de l'archange Gabriel et de la Vierge dans un intérieur typique de l'époque. Gabriel est le messager de Dieu pour les chrétiens et les musulmans. Bel effet de perspective avec les hublots circulaires à gauche et la cheminée à droite. |
Triptyque de Mérode, panneau gauche (1425-30). Huile sur bois, 64,5 × 27,3 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. Il s'agit du donateur en prières. |
Triptyque de Mérode, panneau de droite (1425-30). Huile sur bois, 64,5 × 27,3 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. Saint Joseph, en vieux menuisier, travaille dans son atelier. On observe des outils très réalistes, un effet de lumière en provenance de la fenêtre du fond et, derrière cette fenêtre, une vue urbaine animée. |
Portrait d'un homme (1430). Huile et tempera sur bois, 40,7 × 28 cm, National Gallery, Londres. Portrait très novateur par la qualité de l'expression du visage et la remarquable réussite du chaperon : volume, souplesse, ombre et lumière. |
Portrait d'une femme (1430). Huile sur bois, 41 × 28 cm, National Gallery, Londres. Il s'agit du second portrait appartenant au même panneau en bois que le précédent. Tout aussi réussi. |
Portrait d'un homme gros (1430). Huile sur bois, 35,4 × 23,7 cm, Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid. Il s'agit probablement de Robert de Masmines (v. 1387-1431), chevalier de l'ordre de la Toison d'Or, qui fut gouverneur du duc de Bourgogne dans le comté du Hainaut (Belgique). |
Vierge à l'Enfant devant la cheminée (1433-35). Huile sur bois, 34 × 24 cm, musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg. Là encore, la religiosité s'accommode de la quotidienneté du lieu. Il est convenu qu'il s'agit d'une Vierge, mais cette mère et son enfant sont très proches de nous autres, pauvres humains. |
Triptyque de Werl (1438). Huile sur bois, 101 × 47 cm (chaque panneau), Musée du Prado, Madrid. Ce triptyque doit son nom à son donateur Heinrich von Werl, théologien et professeur à l'université de Cologne, membre de l'ordre des frères mineurs à Osnabrück (Basse-Saxe). Le panneau central ne nous est pas parvenu. |
Triptyque de Werl, panneau de gauche (1438). Huile sur bois, 101 × 47 cm, Musée du Prado, Madrid. Saint Jean-Baptiste, debout, tient une Bible sur laquelle se trouve un agneau. Selon la tradition chrétienne, Jean-Baptiste aurait annoncé la venue du Christ, "agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde". L'ecclésiastique agenouillé et priant est Henri de Werl, le donateur. |
Triptyque de Werl, panneau de droite (1438). Huile sur bois, 101 × 47 cm, Musée du Prado, Madrid. Il s'agit de Sainte Barbe. Selon la légende chrétienne, Barbe (ou Barbara) fut enfermée par son père dans une tour afin de la protéger du prosélytisme des chrétiens. Mais un prêtre pénétra dans la tour et la baptisa. Son père la livra au gouverneur romain et elle fut suppliciée. Le panneau la représente dans un cadre du 15e siècle très éloigné de la légende chrétienne. Les détails de décoration intérieure, la lumière provenant de la fenêtre du fond et du feu dans la cheminée, l'effet de profondeur très maîtrisé constituent autant d'éléments novateurs. Sainte Barbe elle-même nous intéresse moins que le décor dans lequel elle baigne. |
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Commentaires
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- 1. jean marie Le 06/04/2022
merci pour ce merveilleux travail. -
- 2. Helluin Le 31/08/2021
Bonjour,
Merci de cet article très intéressant.
le Portrait d'un homme gros (1430). Huile sur bois, 35,4 × 23,7 cm
n'est pas à Madrid, mais à la Gemäldegalerie de Berlin, d'ailleurs indiqué comme du Maitre de Flémalle.
C'est un magnifique portrait.
Bien à vous,
Fleur Helluin.-
- rivagedebohemeLe 31/08/2021
Merci pour votre commentaire. En réalité, il existe deux portraits quasiment identiques, l'un à Madrid, l'autre à la Gemäldegalerie de Berlin.
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