Paolo Uccello

 
 
 

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Patrick AULNAS

 

 Portrait
Portrait de Paolo Uccello. Auteur inconnu (16e siècle)

  

Biographie

 1397-1475

Paolo di Bono, dit Paolo Uccello, est né à Florence où son père exerçait la profession de barbier-chirurgien. Selon Georgio Vasari (*), son pseudonyme (oiseau en italien) provient de son goût pour les oiseaux : « ...comme il avait une prédilection toute spéciale pour les oiseaux, on l'appela Paolo Ucelli ». Sa mère serait issue d'une famille noble originaire de Pérouse. Dès l'âge de dix, en 1407, il devient l'un des assistants du sculpteur Lorenzo Ghiberti (1378-1455) qui travaille sur le Baptistère Saint-Jean de Florence. Il est employé au polissage des sculptures en bronze qui ornent la porte nord.

On sait qu'en 1414, Paolo Uccello s'inscrit à la guilde des médecins et apothicaires puis à la compagnie de Saint-Luc de Florence qui est la corporation des peintres et sculpteurs de la ville. Son activité artistique indépendante commence donc à cette époque : il n'a que 17 ans. Il travaille pour des familles riches de Florence ou pour le clergé local jusqu'à 1425, date à laquelle il s'installe à Venise. Il collabore en particulier à la réalisation de mosaïques de la basilique San Marco qui n'ont pas été conservées.
Vers 1431, Paolo Uccello revient à Florence. En 1435, il commence à travailler à des fresques représentant la vie de la Vierge ainsi que différents saints dans la cathédrale de Prato (Toscane). Mais en 1436, il est rappelé à Florence pour une commande officielle de la ville : une fresque représentant un monument équestre dédié à Sir John Hawkwood (v. 1320-1394), dit Giovanni Acuto en italien, dans le Duomo. Hawkwood est un mercenaire anglais considéré comme l'un des premiers condottiere (chef d'une armée de mercenaires) et qui a commandé les troupes florentines à la fin du 14e siècle. La renommée de Paolo Uccello est déjà considérable à cette époque et il recevra de nombreuses commandes à Florence mais également à Padoue.
Vers 1450, Paolo Uccello réalise son œuvre la plus célèbre. Il s'agit de trois tableaux de vastes dimensions (182 × 320 cm pour le plus grand) représentant la bataille de San Romano qui opposa en 1432 Florence et Sienne. Les tableaux sont actuellement dispersés entre le Louvre (Paris), la National Gallery (Londres) et la Galerie des Offices (Florence).
En 1452 (à 55 ans) il épouse Tommasa di Benedetto Malifici qui lui donnera un fils et une fille : Donato, né en 1453 et Antonia, née en 1455. Il continue à produire dans la décennie 1460 puisque, entre 1465 et 1469, il séjourne à plusieurs reprises à Urbino, accompagné de son fils Donato, travaillant pour la cour de Federico da Montefeltro, duc d'Urbino (1422-1482). Cependant dans une déclaration d'impôt de 1469, Paolo Ucello déclare qu'il vit à Florence dans un état d'extrême indigence et avec une femme malade. Au cours des dernières années de sa vie, qui se termine en 1475, il mène une vie très recluse.

 

Œuvre

Uccello. Saint Georges et le dragon (v. 1470)

Uccello. Saint Georges et le dragon (v. 1470)
ÉTUDE DÉTAILLÉE

 

La peinture de Paolo Uccello cherche obstinément à concilier la tradition et l'innovation. Elle emprunte beaucoup au Gothique tardif, qui domine encore la première moitié du 15e siècle, mais n'ignore pas les apports de Masaccio concernant la perspective. Giorgio Vasari, qui est très sévère avec Uccello, lui reproche même son obstination dans ce domaine :
« Paolo Uccello aurait été le peintre le plus élégant et le plus original depuis Giotto, s'il avait consacré aux figures d'hommes et aux animaux le temps qu'il perdit dans ses recherches sur la perspective. Sans doute, c'est une chose ingénieuse et belle, mais celui qui en fait une étude trop exclusive perd son temps, se fatigue l'esprit, le rend stérile et compliqué, et finit par adopter une manière sèche aux contours anguleux. » (*)
En réalité, tout le charme et l'originalité d'Uccello tiennent peut-être à ces « contours anguleux » décriés par Vasari. On le voit bien dans Saint George et le dragon (v. 1456, ci-dessus) ou Chasse nocturne (après 1460).

 

Uccello. Chasse nocturne (v. 1460)Uccello. Chasse nocturne (v. 1460)

 

L'artiste reste attaché aux figures du Gothique international et à son aspect narratif. Mais, évidemment, il était impossible de ne rien abandonner de la tradition antérieure tout en acceptant les principes nouveaux de représentation qui allaient prévaloir à l'avenir. Un choix difficile s'imposait aux peintres de cette époque. L'art transitoire d'Uccello illustre ainsi les difficultés considérables que devaient affronter les artistes du 15e siècle pour s'approprier les apports nouveaux sans renoncer au meilleur de l'art traditionnel.
Les ambitions d'Uccello trouveront un peu plus tard un écho chez Léonard de Vinci. Plus récemment, le 20e siècle a redécouvert une forme de modernité chez ce peintre atypique. Les surréalistes ont salué ses audaces, et il est vrai que les œuvres précitées offrent une approche du merveilleux et de l'imaginaire que Salvador Dali ne désapprouverait pas.

 

Uccello. Fresques de Prato. La naissance de la Vierge (v. 1435)Fresques de Prato. La naissance de la Vierge (v. 1435). Fresque, 302 × 361 cm, Duomo, Prato. Selon la tradition chrétienne, les parents de la Vierge seraient Anne et Joachim. La naissance de Marie est un sujet fréquemment traité en peinture. Giotto a réalisé une fresque sur ce thème en 1303-1306. Chez Uccello, le style reste ici proche du Gotique international avec une forte dimension narrative qui s'exprime dans les occupations des personnages. Le réalisme du décor se concilie avec une ambition décorative (plafond, escalier de marbre).

 
Uccello. Fresques de Prato. La naissance de la Vierge, détail (v. 1435)Fresques de Prato. La naissance de la Vierge, détail (v. 1435). Profils hiératiques dessinés avec des figures quasiment géométriques.

 

Uccello. Saint Georges terrassant le dragon (v. 1435)

Saint Georges terrassant le dragon (v. 1435). Tempera sur bois, 52 × 90 cm, Musée Jacquemart-André, Paris. Cette composition reste encore simple et traditionnelle. Les personnages sont tous alignés au premier plan et de profil. Les champs en arrière-plan et les murailles donnent un effet de perspective plutôt Gothique tardif. Uccello réalisera en 1470 (voir ci-dessous) un autre tableau beaucoup plus abouti sur le même thème.

 
Uccello. Fresque. Monument équestre de John Hawkwood (1436)Fresque. Monument équestre de John Hawkwood (1436). Fresque, 820 × 515 cm,  Duomo, Florence. Réalisée dans la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, cette fresque devait initialement être une statue érigée à la gloire de John Hawkwood, mercenaire anglais ayant mené à la victoire les troupes florentines. C'est Cosme de Médicis (1389-1464) qui commanda la fresque qui devait représenter le monument. Il s'agit d'un trompe-l'œil destiné à donner à l'observateur l'impression d'une sculpture. La tonalité verte cherche à imiter le bronze des statues.
 
Uccello. Fresques du Chiostro Verde de Florence. Le déluge (1447-48)Fresques du Chiostro Verde de Florence. Le déluge (1447-48). Fresque, 215 × 510 cm, Chiostro Verde, Santa Maria Novella, Florence. Le Chiostro Verde de l'église Santa Maria Novella doit son nom à la dominante verte de ses fresques qui représentent des scènes de l'Ancien Testament. Ces fresques sont très endommagées. La scène du déluge est la plus célèbre par la recherche d'un effet de perspective tout en profondeur avec un point de fuite très apparent. L'évolution stylistique du peintre par rapport à 1435 (voir ci-dessus) est impressionnante.
 
Uccello. Portrait d'une dame (v. 1450)Portrait d'une dame (v. 1450). Huile sur toile, 39 × 26 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. Ce portrait rappelle par le style les profils de La naissance de la Vierge (1435), ci-dessus, ou plus encore la femme de Saint Georges terrassant le dragon, ci-après. Le personnage pourrait être Elisabeth de Montefeltro, femme de Roberto Malatesta.
 
Uccello. La bataille de San Romano. Niccolò da Tolentino à la tête de l'armée florentine (v. 1450)La bataille de San Romano. Niccolò da Tolentino à la tête de l'armée florentine (v. 1450). Tempera sur bois, 182 × 320 cm, National Gallery, Londres. Uccello a peint trois tableaux de vastes dimensions (182 × 320 cm pour le plus grand) représentant la bataille de San Romano qui opposa en 1432 Florence et Sienne. La famille Bartolini Salimbeni est à l'origine du projet qui a été repris ensuite par Laurent de Médicis, dit le Magnifique (1449-1492), pour décorer sa chambre dans le Palazzo Medici-Riccardi de Florence.
 
Uccello. La bataille de San Romano. Niccolò da Tolentino à la tête de l'armée florentine, détail (v. 1450)La bataille de San Romano. Niccolò da Tolentino à la tête de l'armée florentine, détail (v. 1450). Niccolò Mauruzzi, dit Niccolò da Tolentino (v. 1350-1435) est un condottiere italien qui a commandé les troupes de plusieurs cités italiennes (Crémone, Naples, Florence, Milan). Il joua un rôle décisif dans la victoire de Florence à San Romano.
 
Uccello. La bataille de San Romano. La contre-attaque de Micheletto da Cotignola (v. 1450)La bataille de San Romano. La contre-attaque de Micheletto da Cotignola (v. 1450). Tempera sur bois, 180 × 316 cm, musée du Louvre, Paris. Micheletto da Cotignola est un des chefs militaires florentins. Il attaque par l'arrière l'armée siennoise. Les trois tableaux cherchent à mettre en évidence le mouvement des troupes et l'aspect chaotique de la bataille. Les lances pointées vers le ciel ou vers l'adversaire strient l'image et accentuent la dynamique guerrière. On retrouvera chez Vélasquez vers 1634 cette utilisation des lances dans le tableau représentant la reddition de Breda dit Les Lances.
 
Uccello. La bataille de San Romano. Bernardino della Ciarda désarçonné (v. 1450)La bataille de San Romano. Bernardino della Ciarda désarçonné (v. 1450). Tempera sur bois, 182 × 220 cm, Galerie des Offices, Florence. Bernardino della Ciarda est un des chefs de l'armée siennoise. Le tableau illustre la défaite de Sienne. Les trois tableaux privilégient le narratif, composante importante du style Gothique international. Les effets de perspective sont traités par la profondeur de l'arrière-plan paysager mais à la manière naïve du Gothique. On aperçoit ici des animaux fuyant la bataille. Leur représentation ne tient aucun compte de l'éloignement du paysage dans lequel ils se trouvent : ils sont surdimensionnés pour être visibles.
 
 
Uccello. Chasse nocturne (v. 1460)Chasse nocturne (v. 1460). Tempera sur bois, 65 x 165 cm, Ashmolean Museum, Oxford. Une œuvre unique à cette époque par l'esprit et la composition. Uccello cherche à opposer l'agitation des chasseurs et des animaux au calme de la forêt. Il parvient à allier la luminosité des personnages en mouvement et l'obscurité de la forêt en utilisant des contrastes chromatiques particulièrement hardis : le rouge des vêtements sur le fond vert de la végétation. Le désordre apparent se concilie également avec la convergence du parcours des chasseurs vers le centre de la toile : ils vont s'enfoncer dans la profondeur de la forêt. La perspective est ainsi dans l'imagination de l'observateur.

 

Uccello. Saint Georges et le dragon (v. 1470)

Saint Georges et le dragon (v. 1470). Huile sur toile, 57 × 73 cm, National Gallery, Londres. Selon la légende chrétienne, Georges de Lydda (v. 275-303), devenu ensuite saint Georges pour les chrétiens, aurait vaincu un dragon retenant une princesse chrétienne prisonnière dans une grotte. Ce tableau, exposé à la National Gallery de Londres, propose une construction très réfléchie alliant mouvement (deux diagonales : ailes du dragon et lance) et perspective (herbe au premier plan, puis personnages, puis grotte et enfin montagnes dans le lointain). Cette huile sur toile est un chef d'œuvre d'Uccello.

ÉTUDE DÉTAILLÉE

 

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Paolo Uccello

 

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(*) Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (première édition 1550, remaniée en 1568)

 

Commentaires

  • Yacoub
    • 1. Yacoub Le 21/11/2024
    Merci beaucoup pour cette biographie
  • MARC BREVIGLIERI
    • 2. MARC BREVIGLIERI Le 06/08/2019
    Le Saint Georges de 1470 présente de superbes symboles loin d'être anodins, témoignages de connaissances qui ne sont pas évoquées dans cette biographie. Par ailleurs le premier Saint Georges est lui moins riche sur le plan symbolique ce qui témoigne bien de son évolution spirituelle. Les connaissances dont nous parlons évoquent bien ce que seront certaines hypothèses avancées par la psychanalyse plus de 4 siècles plus tard.

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