Joachim Patinir
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Patrick AULNAS
Portraits
Albrecht Dürer. Portrait de Joachim Patinir (1520) |
Albrecht Dürer. Portrait de Joachim Patinir (1521) |
Biographie
v. 1485-1524
Joachim Patinir (Patinier, Patiner, Patenier) est né à Dinant ou à Bouvignes-sur Meuse, petite localité proche de Dinant (Belgique). Patinier signifie fabricant de patins. Les patins sont des semelles de bois fixées au pied par une lanière. Ils sont couramment portés au Moyen Âge.
La date de naissance de Patinir, incertaine, se situe entre 1480 et 1485. Sa jeunesse et sa formation ne sont pas connues et il n'apparaît qu'en 1515 comme franc-maître sur les registres de la guilde des peintres d'Anvers. Certains historiens ont fait l'hypothèse qu'il a étudié à Bruges avec le peintre Gérard David, admis à la Guilde de Saint-Luc d'Anvers la même année que Patinir. Mais une telle hypothèse se base sur des affinités stylistiques entre les deux artistes et non sur des documents.
Patinir passa probablement le reste de sa vie à Anvers. Karel van Mander (1548-1606) est très sévère sur son mode de vie :
« Ce Patenier, en dehors de son art, d'ailleurs très distingué, était un personnage vulgaire, s'adonnant à la boisson, et passant des journées entières au cabaret, dépensant ses écus jusqu'au moment où il reprenait ses pinceaux productifs. » (*)
Ce jugement négatif doit être apprécié avec beaucoup de réserves car van Mander confondait Patinir et un autre paysagiste, Herri Met de Bles (v. 1510-1560).
En 1520, Albrecht Dürer voyage en Flandre et rencontre Patinir avec lequel il se lie. Dürer assiste au second mariage de Patinir avec Jeanne Nuyts et fait deux portraits du peintre (ci-dessus).
On sait que Patinir meurt en 1524 car Jeanne Nuyts est mentionnée comme veuve dans un acte du 15 octobre de cette même année.
Œuvre
Joachim Patinir est considéré comme le premier paysagiste de l'histoire de l'art occidental. Ses paysages n'ont rien de réaliste. L'artiste ne se place pas devant un paysage qu'il cherche à reproduire. Bien au contraire, il compose un paysage artificiel avec des éléments imaginaires ou puisés dans la réalité. Mais Patinir a le sens de l'espace et ses chefs-d'œuvre, comme Paysage avec saint Jérôme (1515-19) parviennent à transmettre le vertige de la perspective infinie.
Joachim Patinir. Paysage avec saint Jérôme (1515-19)
Huile sur bois, 74 × 91 cm, Musée du Prado, Madrid.
Le thème du tableau est souvent religieux (La fuite en Egypte, Saint Jérôme, Saint Antoine, Le Baptême du Christ) mais l'intérêt de l'artiste se porte principalement sur le paysage et l'on sait que beaucoup de figures n'ont pas été peintes par Patinir. Comment parvient-il à créer de magistrales vues panoramiques alors qu'il ne maîtrise pas bien les lois de la perspective ? Il utilise la perspective aérienne ou atmosphérique qui consiste à représenter les lointains avec un dégradé de bleu-gris de plus en plus clair aboutissant quasiment au blanc sur la ligne d'horizon. Patinir superpose également plusieurs plans : au premier plan se trouve la scène religieuse avec une ou plusieurs figures ; le second plan est un paysage végétal composé essentiellement de nuances de vert ; l'arrière-plan (eau et ciel en général) se compose d'un dégradé bleu-gris-blanc typique de l'artiste.
Joachim Patinir connut le succès de son vivant. Dürer le considère comme un « maître du paysage » et Karel van Mander indique que ses œuvres étaient appréciées :
« Il avait une façon particulière de traiter le paysage avec beaucoup de soin et de finesse, ses arbres étant comme pointillés. Il y introduisait de jolies petites figures, en sorte que ses œuvres étaient recherchées, se vendaient bien et qu'elles se sont répandues en divers pays. » (*)
La peinture de Patinir laisse une grande liberté d'interprétation et utilise un registre à la fois religieux et poétique qui pouvait séduire les contemporains. Ceux-ci trouvaient dans les paysages de Patinir des messages divers adaptés à leurs affinités intellectuelles : voir à cet égard Les yeux d'Argus.
Les œuvres de Patinir ne sont pas datées et fort peu sont signées. Les dates indiquées ci-après sont donc approximatives. Par ailleurs, l'atelier de Patinir a certainement collaboré activement à la réalisation, de même que certains peintres connus comme Quentin Metsys. Cela n'enlève rien au génie de cet artiste qui a marqué le 16e siècle et qui eut de nombreux imitateurs et un certain nombre d'héritiers de premier plan, dont Jan Brueghel de Velours.
Patinir. Le baptême du Christ (v. 1515). Huile sur bois, 59,5 × 77 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne. Selon la Bible, le Christ a été baptisé dans le fleuve Jourdain par Jean le Baptiste qui est considéré comme un prophète par les chrétiens. Ce tableau est l'un des rares chez Patinir où les personnages jouent un rôle de premier plan. |
Patinir et Metsys. La Tentation de Saint Antoine (v. 1515). Huile sur bois, 155 × 173 cm, Musée du Prado, Madrid. Antoine d'Egypte ou Antoine l'Ermite aurait vécu aux 3e et 4e siècles après J.-C. en Egypte. Il décide de suivre l'enseignement du Christ et se retire sur le mont Qolzum en Thébaïde (Egypte méridionale) pour vivre en ermite. Il est considéré comme le fondateur de l'érémitisme chrétien (vie en ermite). Selon la légende, le diable aurait cherché à le détourner de la voie du bien par des visions de plaisirs terrestres. Cette tentation de saint Antoine a été souvent illustrée. Le paysage a été peint par Patinir et les figures par Quentin Metsys. |
Patinir. La fuite en Egypte (v. 1515). Huile sur bois, 17 × 21 cm, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Anvers. Le roi Hérode Ier de Palestine, ayant appris la naissance à Bethléem du roi des Juifs, donne l'ordre de tuer tous les enfants de moins de deux ans se trouvant dans la ville. Joseph, prévenu par un songe, s'enfuit avec l'enfant Jésus et sa mère Marie en Égypte où ils resteront jusqu'à la mort d'Hérode. On aperçoit la Sainte Famille avec un âne, mais l'objectif du peintre est le paysage, qui n'a rien de méditerranéen. |
Patinir. La fuite en Egypte (1515-1516). Huile sur bois, 32 × 58 cm, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid. Patinir propose à nouveau un paysage en vue plongeante avec un horizon très lointain obtenu par la perspective atmosphérique : le bleu du ciel s'éclaircit progressivement pour atteindre le blanc sur la ligne d'horizon. Il en est de même du paysage montagneux qui devient de plus en plus indistinct. L'artiste parvient ainsi à suggérer l'infini. |
Patinir. Le repos pendant la fuite en Egypte (1515-24). Huile sur bois, 68 × 83 cm, Strossmayer Gallery, Zagreb. La Sainte Famille se repose dans un paysage imaginaire, largement inspiré cependant de l'environnement du peintre en ce qui concerne les activités des personnages. L'artiste a placé au premier plan un arbre étique qui permet de mettre en valeur la profondeur du paysage sans masquer aucun élément |
Patinir. Saint Christophe portant l'enfant Jésus (1515-24). Huile sur bois, 48 × 59,5 cm, Rockox House, Anvers. Selon la légende chrétienne, souvent représentée en peinture, saint Christophe, appelé aussi Réprouvé, aurait fait traverser une rivière au Christ enfant. Mais pendant la traversée, le Christ devient de plus en plus lourd. L'enfant explique ce phénomène à Christophe en disant : « Ne t'en étonne pas, Christophe, tu as porté sur tes épaules celui qui a créé le monde : car je suis le Christ ton roi ». Mais l'anecdote est ici secondaire. Patinir peint d'abord un paysage. |
Patinir. Le repos pendant la fuite en Egypte (v. 1520). Huile sur bois, 121 × 177 cm, Musée du Prado, Madrid. La Vierge et l'Enfant Jésus sont ici au premier plan tandis que Joseph, à gauche, ramène une cruche d'eau. Il s'agit d'une vue plus rapprochée que dans la plupart des paysages de Patinir, mais le peintre n'a pas manqué de laisser en haut et à droite un espace vers l'infini. La richesse chromatique est exceptionnelle : multiples nuances de vert associées au dégradé gris-bleu vers les lointains. |
Patinir. Paysage avec saint Jérôme (1515-19). Huile sur bois, 74 × 91 cm, Musée du Prado, Madrid. « C'est là que l'on retrouve en dix fois plus petit (sur la toile) mais en cent fois plus vaste (dans la réalité figurée), les mêmes buissons de velours, les mêmes falaises abruptes, les mêmes ports, viaducs, églises et maisons, qui, dans un bleu particulier qu'on pourrait appeler bleu Patinir, se répandent par grappes sur les bords irréguliers d'un plan d'eau toujours clair – qui n'est ni celui de la mer, ni celui d'un fleuve, mais celui d'un estuaire improbable s'élargissant en océan. Comment alors ne pas penser à la répartition des eaux à la surface de la Terre, dont on observerait les méandres vus du ciel ? Le propos de Patinir est cosmogonique, nous faisant passer sans transition du paysage à la géographie, et de la géographie à l'imaginaire. » (Hector OBALK, Aimer voir, Hazan, Paris 2011) |
Patinir. La traversée du Styx (1515-24). Huile sur bois, 64 × 103 cm, Musée du Prado, Madrid. Dans la mythologie grecque, Charon, un vieillard revêche, avait pour rôle de faire traverser la rivière Styx aux ombres errantes des défunts qui pouvaient ainsi atteindre le séjour des morts. Patinir propose ici un véritable paysage avec vue plongeante et effet de dramatisation dû à l'incendie ; paysage au demeurant tout à fait imaginaire et composé sans égard aux lois de la perspective. L'ensemble constitue cependant une réussite picturale car le peintre associe magistralement les couleurs froides et donne à son paysage une profondeur rare. |
Patinir. Saint Jérôme dans le désert (v. 1520). Huile sur bois, 78 × 137 cm, musée du Louvre, Paris. Jérôme de Stridon (vers 347-420), dit saint Jérôme par l'Église catholique, est un moine, traducteur de la Bible, fondateur de l'Ordre Hiéronymite, docteur de l'Église et l'un des quatre pères de l'Église latine. Il prône l'ascétisme et se retire un temps dans le désert de Chalcis de Syrie, au sud-ouest d'Antioche, pour faire pénitence. Cet épisode a beaucoup inspiré les peintres occidentaux. « On retrouve dans le tableau du Louvre tous les éléments caractéristiques des paysages de Patenier : une vaste vue rythmée de plaines, de rochers et d'une rivière, le tout unifié par une subtile gamme chromatique vert-bleu. La profondeur est suggérée par la superposition de plans marqués par des couleurs de plus en plus claires vers le fond (perspective atmosphérique). Ce procédé sera repris durant tout le XVIe siècle par des peintres comme Paul Brill ou Joos de Mompeer et alors introduit en Italie. Le schéma le plus fréquent se compose d'un premier plan sombre, d'un second plan, dans les tons de vert et un fond bleu. » (Notice musée du Louvre) |
Patinir. Triptyque de saint Jérôme (v. 1520). Huile sur bois, panneau central 118 × 81 cm, ailes 121 × 36 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. Les trois volets du triptyque représentent de gauche à droite le Baptême du Christ, la Pénitence de saint Jérôme et la Tentation de saint Antoine. |
Patinir. Triptyque de saint Jérôme, détail (v. 1520). (Photo Les yeux d'Argus) L'association du vert et du bleu est fréquente chez Patinir et la perspective atmosphérique par dégradé du bleu du ciel vers le blanc est omniprésente. |
Patinir. La fuite en Egypte (v. 1524). Huile sur bois, 51 × 96 cm, musée de L'Ermitage, Saint-Pétersbourg. L'Egypte de Patinir est évidemment très flamande. Le paysage et les personnages sont typiquement ceux du 16e siècle au nord de l'Europe. Mais cela est courant dans la peinture de l'époque, tant flamande qu'italienne (paysages florentins). |
Pour visionner d'autres œuvres sur GOOGLE ARTS & CULTURE, cliquer sur le nom du peintre :
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(*) Vie des peintres de Karel van Mander (1604). Traduction de Henry Hymans (1884).
Commentaires
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- 1. Bernard De Backer Le 21/04/2019
Bonjour, une amie me fait découvrir votre site dans la foulée de mon article sur" L'invention du paysage occidental". J'y parle assez bien de Patenier, dans une perspective historique et anthropologique. Ceci à partir d'un rêve récurrent de ma jeunesse anversoise.
L'article est le second sur la page d'accueil de mon site.
Je vais découvrir le vôtre...
Bien cordialement,
Bernard De Backer
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