Jacopo da Pontormo
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Patrick AULNAS
Autoportraits
Pontormo. Autoportrait présumé (1526-1528) |
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Pontormo. Autoportrait présumé (v. 1528) |
Biographie
1494-1557
Jacopo Carrucci est né à Pontormo, bourgade proche d'Empoli à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de Florence. Par la suite, il sera connu sous le nom de Il Pontormo ou Jacopo da Pontormo. Il est le fils d'Alessandra di Zanobi et du peintre Bartolomeo Carrucci, qui fut l'élève de Domenico Ghirlandaio. Son père meurt en 1499 et sa mère en 1504. Il reste à Pontormo avec sa grand-mère qui assure son éducation : lecture, écriture et rudiments de latin.
A l'âge de treize ans, Jacopo est placé en apprentissage à Florence chez un chaussetier (fabricant de bas et de chausses). Jacopo avait cinq ans à la mort de son père et n'a donc pas pu recevoir de lui un premier apprentissage. Cependant, venant d'une famille de peintres, il rencontre la compréhension du milieu artistique et fréquente à partir de 1511 plusieurs ateliers florentins : ceux de Léonard de Vinci, de Mariotto Albertinelli (1474-1515), de Pierro di Cosimo (1462-1522), et d'Andrea del Sarto (1486-1531).
Cette succession d'ateliers en un temps limité semble dénoter une certaine instabilité. Mais le talent de Pontormo pouvait aussi faire ombrage au maître. A propos de la réalisation de fresques qu'Andrea del Sarto lui avait confiée, Giorgio Vasari raconte : « Lorsqu'il les eut achevées, il les montra à son maître Andrea del Sarto qui les loua beaucoup, mais qui, à dater de ce moment, par envie, ou pour tout autre motif, cessa de lui faire bon visage ; à maintes reprises, Jacopo se rendit à l'atelier d'Andrea, et chaque fois il ne put entrer ou fut accueilli par les railleries des élèves, de façon qu'il n'y retourna plus... » (*)
Le talent de Jacopo da Pontormo est vite reconnu et, sa vie durant, il travaille à Florence et aux alentours pour des commanditaires parfois prestigieux car il est soutenu par les Médicis.
Pontormo. Vertumne et Pomone, détail (1519-21)
Fresque, Villa Medici, Poggio a Caiano
Giorgio Vasari le décrit comme un personnage solitaire et imprévisible qui gère mal son immense talent. « Il travaillait seulement pour les personnes qui lui plaisaient, et quand bon lui semblait. Plusieurs fois des gentilshommes, et entre autres le magnifique Octavien de Médicis, qui lui demandaient des tableaux de sa main, éprouvèrent des refus, tandis qu'il acceptait à vil prix, d'un homme de basse condition, toute espèce de travail. Ainsi, il fit en payement de quelques constructions une superbe Madone pour le Rossino, son maçon, qui sous un air de bonhomie cachait une grande finesse. » (*)
Jacopo da Pontormo meurt à Florence en 1557. Il est un des plus importants peintres maniéristes du 16e siècle. Le plus connu de ses élèves est Agnolo Bronzino (1503-1572). On a cru pendant longtemps, en suivant Vasari, qu’un tempérament solitaire l’empêchait d’avoir un atelier avec de nombreux apprentis. Mais Philippe Costamagna, historien spécialiste du maniérisme, a montré qu’il n’en était rien. Pontormo a eu d’autres élèves, beaucoup moins célèbres que Bronzino.
Œuvre
L'œuvre de Jacopo da Pontormo représente le tournant entre le style classique de Raphaël et le maniérisme affiché de ses successeurs : Bronzino, Vasari par exemple. Cet artiste a été influencé de façon décisive par le génie de Léonard de Vinci, dont il fut brièvement l'élève, et de Michel-Ange dont il s'inspire avec succès dans ses fresques. Ses premiers tableaux indiquent déjà une volonté novatrice. Ainsi, Joseph en Egypte se caractérise par le refus du réalisme et du culte de la perspective. L'artiste privilégie sa liberté créative et semble nous ramener, dans une certaine mesure, aux canons du Gothique international. Ce n'est là qu'une illusion : il cherche à imposer un nouveau langage pictural. Il y parviendra de mieux en mieux en quelques étapes marquées par deux œuvres essentielles : le Pala Pucci de 1518 qui annonce le maniérisme et la Déposition de 1528 que l'on peut considérer comme l'acte de naissance de ce courant.
Pontormo. Déposition, détail (v. 1528)
Huile sur bois, 313 × 192 cm, Cappella Capponi, Santa Felicita, Florence.
Etude détaillée
L'ensemble des fresques réalisées au cours des vingt-cinq dernières années de sa vie a été détruit, en particulier celles de la basilique San Lorenzo de Florence.
Pontormo. Léda et le cygne (1512-13). Huile sur bois, 55 × 40 cm, Galerie des Offices, Florence. Mythologie grecque. Zeus prit la forme d'un cygne pour séduire Léda, fille du roi d'Étolie. De ces amours naquirent deux enfants, Hélène et Pollux. On considère en général qu'il s'agit d'une œuvre de jeunesse de Pontormo, au style influencé par Léonard de Vinci dont il fut l'élève. L'attribution à Pontormo reste controversée.
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Pontormo. Joseph en Egypte (1515-1518). Huile sur bois, 96 × 109 cm, National Gallery, Londres. Joseph est un personnage de l'Ancien Testament qui est vendu par ses frères à des marchands ismaélites en route pour l'Égypte. Après bien des péripéties, il devient un puissant personnage en Egypte. Au cours d'une période de famine, il se trouve en position de distribuer des vivres, en particulier à sa famille venue lui demander secours. Le tableau est narratif et Joseph y apparaît dans quatre scènes successives (il est repérable à sa cape violet clair et à sa coiffure orange). À gauche, au premier plan, Joseph présente au Pharaon son père Jacob, agenouillé. En bas à droite, assis sur un char, Joseph distribue des vivres. Un messager lui annonce la maladie de son père. Sur l'escalier, Joseph accompagne ses deux fils qui doivent recevoir la bénédiction de Jacob mourant. Tout en haut à droite, Jacob mourant bénit Ephraïm, le fils de Joseph. Ce tableau fait partie d'un ensemble de quatre scènes consacrées à la vie de Joseph. Ces œuvres ornaient la chambre nuptiale de Francesco Borgherini et Margherita Acciaioli, dont le mariage avait eu lieu en 1515.
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Pontormo. Pala Pucci (1518). Huile sur toile, 214 × 195 cm, église San Michele Visdomini, Florence. Ou Retable Pucci, du nom du commanditaire du tableau, Gonfalonier de la République de Florence, c'est-à-dire membre du gouvernement. Le tableau représente une Conversation sacrée autour de la Vierge ; mais ce thème classique était habituellement traité avec sérénité alors que Pontormo en propose une image mouvementée voire agitée. Le peintre a délibérément cherché à provoquer le trouble par une expressivité ambiguë : sourires des enfants, effroi des vieillards, calme de la Vierge. L'intention artistique évidente est la rupture avec l'équilibre et la sérénité de Raphaël, qui cependant, à la même époque exactement, franchissait lui aussi un pas dans la direction du maniérisme avec La Transfiguration.
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Pontormo. Cosme l'Ancien. (v. 1520). Huile sur bois, 86 × 65 cm, Galerie des Offices, Florence. Cosme de Médicis (1389-1464) est le fondateur de la dynastie politique des Médicis et un important mécène. Il est appelé Cosme l'Ancien (Cosimo il Vecchio). Ce portrait posthume a été commandé par Goro Gheri da Pistoia, secrétaire des Médicis.
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Pontormo. Villa Medici, Poggio a Caiano (1519-21). Fresques. Le jeune Pontormo reçoit l'appui des Médicis et en particulier d'Ottaviano de Médicis (1484-1546), politicien florentin, et de Jules de Médicis (1478-1534) qui deviendra en 1523 le pape Clément VII. Il participe en particulier à la décoration de la villa que possède les Médicis à Poggio a Caiano, bourgade proche de Florence. La thématique générale de la décoration retrace des épisodes de l'histoire de l'Antiquité romaine. Trois artistes se partagent le travail : Andrea del Sarto, Francesco di Cristofano, dit Franciabigio (1484-1525) et Jacopo da Pontormo. Pontormo réalise les deux lunettes percées d'un oculus.
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Pontormo.Villa de Poggio a Caiano, Vertumne et Pomone (1519-21). Fresque. Pontormo décore l'une des lunettes en représentant le mythe de Vertumne et Pomone repris en particulier par Ovide dans ses Métamorphoses. Il s'agit d'une allégorie des saisons. Vertumne, divinité des saisons et des arbres, a la capacité de changer d'apparence (comme les saisons !). Il tombe amoureux de Pomone, divinité des fruits et des jardins, d'une beauté exceptionnelle. Pomone n'a que faire de Vertumne. Celui-ci utilise donc son pouvoir de transformation pour conquérir la belle. Il y parvient et le couple devient immortel puisqu'il peut vieillir et rajeunir au gré des saisons. Sur la lunette, Vertumne est à l'extrême-gauche, assis avec son panier, et Pomone à l'extrême-droite, avec sa faucille.
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Pontormo. Vertumne et Pomone, détail 1 (1519-21). Fresque. Vertumne, assis avec son panier, a l'apparence d'un paysan aux mains noueuses et au visage creusé par le travail physique.
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Pontormo. Vertumne et Pomone, détail 2 (1519-21). Fresques. La représentation réaliste de jeunes hommes est empruntée à Michel-Ange : voir les Ignudi de la chapelle Sixtine.
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Pontormo. Vertumne et Pomone, détail 3 (1519-21). Fresque. Pomone porte également des vêtements de paysanne. Elle tient une faucille qui est son attribut dans les Métamorphoses d'Ovide.
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Pontormo. Vertumne et Pomone, détail 4 (1519-21). Fresque. Les poses très étudiées et artificielles des personnages, qui regardent le spectateur, et les couleurs claires avec de forts contrastes (orange-blanc, vert-blanc) constituent des prémices du maniérisme. L'influence de Michel-Ange est nette.
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Pontormo. Vierge à l'Enfant avec sainte Anne et quatre saints (1527-29). Huile sur bois, 228 × 176 cm, musée du Louvre, Paris. Il s'agit d'une Conversation sacrée entre la Vierge, sainte Anne (derrière la Vierge), saint Pierre (avec les clés) et saint Benoît. « L'admiration de Pontormo pour Michel Ange est toujours sensible dans le choix de couleurs claires et changeantes et dans la monumentalité des corps ; néanmoins, son style évolue en s'éloignant des proportions vitruviennes avec l'étirement des silhouettes surmontées de petites têtes expressives. » (Notice musée du Louvre).
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Pontormo. Vue de la chapelle Capponi. Cette chapelle de l'église du couvent Santa Felicita de Florence a été construite par l'architecte Brunelleschi au début du 15e siècle. En 1525, Ludovico di Gino Capponi, un banquier et homme politique florentin, acquiert la chapelle pour en faire un monument funéraire pour lui et ses héritiers. La fresque du plafond a été perdue. Il subsiste une fresque représentant l'Annonciation, en assez mauvais état. Le chef-d'œuvre est la Déposition, tableau d'autel que l'on aperçoit au fond dans son cadre.
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Pontormo. Déposition (v. 1528). Huile sur bois, 313 × 192 cm, Cappella Capponi, Santa Felicita, Florence. Scène biblique. Après la crucifixion de Jésus-Christ, son corps est descendu de la croix par Joseph d'Arimathie et Nicodème (descente de croix) puis déposé (déposition du Christ) pour être remis à sa mère Marie. Il s'agit d'un des chefs-d'œuvre de Pontormo et de l'acte de naissance de la bella maniera, c'est-à-dire du maniérisme. L'œuvre se situe dans la filiation de celles de Raphaël et Michel-Ange, mais accentue délibérément mouvements et expressions. La gamme chromatique est également orientée vers le contraste de couleurs vives juxtaposées (rose et bleu, rose et jaune). L'ensemble constitue un instantané saisissant d'un moment unique ; l'enchevêtrement des personnages, qui défie les lois de la physique, paraît à la fois totalement artificiel et esthétiquement sublime. L'objectif est bien là : produire une œuvre émotionnellement forte, d'une composition complexe et idéalisant à l'extrême une scène biblique : pas de traces de sang sur le corps de Christ, qui est d'une propreté parfaite. On peut songer qu'à peu près à la même époque, Matthias Grünewald peignait des crucifixions d'un réalisme extrême.
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Pontormo. Déposition, détail 1 (v. 1528). Huile sur bois, 313 × 192 cm, Cappella Capponi, Santa Felicita, Florence. La douleur de la Vierge et, de dos, Marie-Madeleine.
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Pontormo. Déposition, détail 2 (v. 1528). Huile sur bois, 313 × 192 cm, Cappella Capponi, Santa Felicita, Florence. Le Christ mort, descendu de la croix, est supporté par deux jeunes hommes assimilables à des anges, mais sans les attributs traditionnels (ailes, auréole)
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Pontormo. Déposition, détail 3 (v. 1528). Huile sur bois, 313 × 192 cm, Cappella Capponi, Santa Felicita, Florence. Le rose pâle et la lumière sur le visage conviennent parfaitement pour faire ressortir l'émotion dans l'obscurité de la chapelle Capponi.
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Pontormo. Noli me tangere (1530). Huile sur bois, 125 × 95 cm, Collection particulière. Noli me tangere (Ne me touche pas) : paroles prononcées par Jésus-Christ ressuscité, le dimanche de Pâques, à l'adresse de Marie-Madeleine. Ce tableau a été réalisé à partir d'un dessin de Michel-Ange. |
Pontormo. Les Trois Grâces (v. 1535). Sanguine, 49,5 × 21,3 cm, Galerie des Offices, Florence. Comme Michel-Ange, Pontormo est un dessinateur hors du commun. L'élongation des silhouettes des Grâces est manifeste.
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Pontormo. Figure hermaphrodite (1538-43). Sanguine, Galerie des Offices, Florence. Pontormo se situe encore dans la ligne de Michel-Ange. Le titre (de qui est-il ?) est sans doute dû au visage assez féminin et à la pose alanguie, car le corps musclé est typiquement masculin.
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(*) Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (première édition 1550, remaniée en 1568).
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