Enguerrand Quarton
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Patrick AULNAS
Quarton. Pietà de Villeneuve-lès-Avignon, détail (1454-56)
Biographie
1410/15-1466
Nous ne possédons que quelques informations éparses sur la vie d'Enguerrand Quarton. Il est né dans le diocèse de Laon, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Reims (France). Son nom était initialement Charreton, mais sa vie de peintre s'étant essentiellement déroulée dans le sud de la France où dominait la langue d'oc, la prononciation locale a induit une adaptation. Ce peintre est donc connu sous le patronyme de Quarton ou Carton.
Sa formation reste hypothétique ; il est probable que la proximité des Flandres lui a permis de connaître les œuvres de Robert Campin (le maître de Flémalle), de Jan Van Eyck et Rogier Van der Weyden. Sans cet acquis des primitifs flamands, il est impensable qu'il ait pu peindre ses propres retables. En 1444, il s'installe dans le sud de la France, peut-être pour fuir les troubles que la fin de la guerre de cent ans occasionnait dans le nord. Il séjourne d'abord à Aix, puis à Arles et enfin à Avignon où il passera le reste de sa vie. Des documents attestent de son activité de peintre ou d'enlumineur pour la bourgeoisie, la noblesse ou le clergé local : sept contrats sont connus de 1446 à 1466.
Certains auteurs pensent qu'il a voyagé en Italie aux environs de 1450. Les documents historiques concernant Quarton étant tous relatifs à son activité de peintre, on ignore tout de sa vie privée. S'est-il marié ? A-t-il eu des enfants ? Nul ne le sait à ce jour. Il meurt probablement en 1466, année du dernier document contractuel le concernant. Une épidémie de peste frappe la Provence cette année-là et il est possible qu'il en ait été victime.
Œuvre
L'originalité d'Enguerrand Quarton provient de la singularité de son style et de la puissance expressive de ses compositions religieuses. Des trois grandes tendances qui dominent le siècle (gothique, flamande, italienne), c'est l'influence italienne qui est la moins présente chez Quarton. Son style reste largement imprégné de gothique comme en témoigne sa Vierge à l'enfant avec deux donateurs ; ces derniers, de plus petite taille, respectent la norme du Moyen Âge qui dissociait ainsi le divin de l'humain. Ce respect de l'ancienne tradition est encore présent dans La Vierge de Miséricorde.
La perspective, si chère aux florentins de la même époque, n'est pas totalement absente mais semble secondaire pour l'artiste français. Quarton doit aux flamands le réalisme des visages et des corps qu'illustre particulièrement sa Pietà de Villeneuve. L'influence italienne se résume aux éléments de perspective linéaire que l'on peut discerner, par exemple dans le trône de la Vierge à l'Enfant.
La puissance expressive d'Enguerrand Quarton se révèle dans la Pietà de Villeneuve, inspirée de Rogier Van der Weyden par l'accent porté sur la psychologie des personnages.
Quarton. Pietà de Villeneuve-lès-Avignon (1454-56) | Van der Weyden. Descente de croix (1435) |
Comme Van der Weyden, Quarton est un peintre de l'intériorité. On pourra comparer sa Pietà et la Descente de croix de Van der Weyden, qui procèdent toutes deux d'une volonté de restituer la puissance du sentiment religieux par l'expression humaine du tragique. Mais la stylisation de l'œuvre de Quarton a une ascendance italienne et on a évoqué à son propos Fra Angelico, le plus gothique des peintres de la Renaissance italienne. Comparer à cet égard Le Couronnement de la Vierge de Quarton et Le Couronnement de la Vierge de Fra Angelico.
Quarton. Le Couronnement de la Vierge (1454) | Fra Angelico. Le Couronnement de la Vierge (1434-35) |
Cette originalité stylistique et expressive permettra aux historiens de parler d'École d'Avignon pour la peinture provençale du 15e siècle. Enguerrand Quarton en est le représentant le plus éminent.
Retables
Vierge à l'Enfant avec deux donateurs (1444-45). Musée du Petit Palais, Avignon, France. Cette composition, parfois appelée retable Requin, a été découverte à la fin du 19e siècle par le chanoine Requin. Il s'agit sans doute d'une partie d'un retable. Les donateurs, à genoux et de petite taille, ne sont pas identifiés, mais semblent appartenir à la bourgeoisie avignonnaise. Les saints entourant la Vierge pourraient être saint Jacques et saint Agricol, qui fut évêque d'Avignon au 7e siècle. Le siège de la Vierge est schématisé afin de produire un effet de perspective un peu maladroit, certainement inspiré des peintres italiens. |
Vierge de Miséricorde (1452). Huile sur bois, 66 × 187 cm, musée Condé, Chantilly, France. Qualifiée de retable Cadard, cette Vierge a été commandée par Pierre Cadard pour rendre hommage à ses parents décédés : Jean Cadard (à genoux à gauche) et Jeanne de Moulins (à genoux à droite). Ces deux personnages sont présentés à la Vierge par leurs saints patrons respectifs : saint Jean-Baptiste (extrême-droite) et saint Jean l'Evangéliste (extrême-gauche). La Vierge de Miséricorde est une Vierge protégeant les humains et les saints. La symbolique est toujours la même : les protégés se blottissent sous son manteau et sont représentés plus petits. Ce thème apparaît dans la peinture gothique et la peinture byzantine et reste utilisé au début de la Renaissance au 15e siècle. Sur l'origine de la Vierge de Miséricorde, voir : Les yeux d'Argus |
Le Couronnement de la Vierge (1454). Huile sur bois, 183 × 220 cm, Musée Pierre du Luxembourg, Villeneuve-lès-Avignon. Ce retable a été commandé par Jean de Montagnac pour la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. L'acte juridique établissant le contrat est très précis et comporte 26 articles détaillant ce que doit représenter le peintre. Par exemple, l'article 1er stipule : « Premièrement, doit figurer le paradis et dans ce paradis on doit voir la Sainte Trinité, sans aucune différence entre le Père et le Fils ; le Saint-Esprit doit avoir la forme d'une colombe avec notre dame devant, placé comme il semblera préférable à maître Enguerrand... ». Le couronnement de la Vierge est un épisode de la tradition chrétienne selon lequel la Vierge est accueillie au paradis par le Christ qui pose sur sa tête une couronne. A la cérémonie céleste participent des anges musiciens et des saints. |
Pietà de Villeneuve-lès-Avignon (1454-56). Tempera sur bois, 162 × 218 cm, Musée du Louvre, Paris. Le donateur et le donataire pourraient être les mêmes que ceux du Couronnement de la Vierge : Jean de Montagnac et la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. Mais cela n'est pas unanimement accepté. L'œuvre a une tonalité beaucoup plus Renaissance que les précédentes, avec le donateur (à genoux à gauche) de la même taille que les personnages saints. L'inspiration flamande est patente, mais le style de Quarton est ici d'une réelle originalité. Son dépouillement, sa rigoureuse simplicité et sa puissance expressive font de ce retable le chef-d'œuvre incontesté de l'Ecole d'Avignon. Il sera copié puisque quelques années plus tard apparaîtra la Piéta de Tarascon dont l'auteur est inconnu. |
Pietà de Villeneuve-lès-Avignon, détail (1454-56). Toute la maîtrise du peintre apparaît dans ce visage du Christ mort où rien ne transparaît du supplice de la crucifixion. C'est la quiétude du juste que veut évoquer l'artiste. |
Pietà de Villeneuve-lès-Avignon, détail (1454-56). Réalisme et message spirituel dans ce portrait du donateur : visage émacié et tendu, regard brûlant, mains jointes. |
Enluminures
L'enluminure est une peinture ou un dessin exécuté à la main, qui décore ou illustre un texte, la plupart du temps un manuscrit. Les techniques de l'imprimerie et de la gravure feront presque disparaître l'enluminure. Toutefois, il existe quelques livres imprimés qui en sont ornés.
Le livre d'heures est le type le plus courant d'ouvrage médiéval enluminé. Chaque livre d'heures est unique, mais tous contiennent une collection de textes, de prières et de psaumes avec des illustrations correspondantes et constituant un recueil de base pour la pratique de la religion catholique. Avec le temps, leur texte s'enrichit de données plus profanes telles qu'un calendrier avec les prières et les messes pour certains jours saints. Le livre d'heures est le premier livre acheté et bien souvent le seul. Le plus célèbre pour la qualité de ses enluminures est Les Très Riches Heures du duc de Berry.
Livre d'Heures de Namur. David en prières (v. 1450). Ou Livre d'Heures à l'usage de Rome, conservé à la bibliothèque du Séminaire de Namur (Belgique). |
Livre d'Heures Huntington. Circoncision (v. 1450). Ou Livre d'Heures à l'usage de Paris, conservé à la Huntington Gallery, San Marino (Californie). |
Missel Jean des Martins. Crucifixion (1466). Ce missel a été créé pour Jean des Martins, seigneur de Puycoubier, en Provence (France). |
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