Antonello de Messine
Cliquer sur les images ci-dessus
PARTENAIRE AMAZON ► En tant que partenaire d'Amazon, le site est rémunéré pour les achats éligibles.
Patrick AULNAS
Biographie
v. 1430-1479
Né vers 1430 à Messine, en Sicile, Antonello est le fils de Giovani di Antonio, tailleur de pierres et maçon, et de Garita ou Margherita. L’écrivain italien Pietro Summonte (1453-1526) le présente comme un élève extrêmement doué du peintre napolitain Antonio Colantonio, actif entre 1440 et 1470. Naples est, au milieu du 15e siècle, une ville portuaire majeure où transitent les navires de commerce ralliant le sud et le nord de l’Europe, en particulier la Flandre. La prospérité de l’élite napolitaine lui permet d’acquérir les peintures flamandes, particulièrement novatrices du fait de l’utilisation de la peinture à l’huile. Antonello di Antonio a donc pu, encore très jeune, se familiariser avec les primitifs flamands, en particulier Jan Van Eyck, dont il s’inspirera pour l’art du portrait. Contrairement aux affirmations de Giorgio Vasari, Antonello n’a cependant jamais rencontré Van Eyck puisque celui-ci est mort le 9 juillet 1441, date à laquelle le peintre sicilien n’était encore qu’un enfant.
Antonello di Antonio deviendra célèbre sous le nom d’Antonello da Messina.
Antonello de Messine. Vierge à l’Enfant (1460-69)
Huile sur bois, 43 × 34 cm, National Gallery, Londres.
Au cours de la décennie 1450, Antonello se marie avec Giovanna Cuminella et devient maître peintre. Il obtient sa première commande en 1457. Il s’agit d’un gonfalone, c’est-à-dire d’un tabernacle à faces peintes porté pendant les processions et exécuté pour une confrérie de Reggio de Calabre. Il reste en Sicile jusqu’au début de la décennie 1470 et se consacre principalement à la réalisation de peintures religieuses dont la demande était importante.
Entre 1474 et 1476, il vit à Venise. La République de Venise est alors l’entité politique la plus riche d’Italie grâce au développement du commerce maritime. Les artistes talentueux y trouvent facilement des commanditaires et Antonello de Messine connaîtra alors une intense période de créativité. Vasari signale la célébrité acquise par l’artiste, allant bien au-delà de la Sérénissime République :
« Il peignit alors un grand nombre de tableaux à l’huile que l’on voit chez les gentilshommes vénitiens, et beaucoup d’autres au dehors. Il ne tarda pas à acquérir une immense renommée. Il déploya tout son savoir dans un tableau qu’il exécuta pour l’église de San Cassiano. Les figures de cette composition, d’une beauté remarquable et d’un dessin correct, furent couvertes d’éloges. » (*)
Il ne subsiste aujourd’hui qu’une partie de ce retable :
Antonello de Messine. Retable de San Cassiano (1475)
Huile sur bois, 115 × 133 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne.
Antonello de Messine retourne en Sicile en 1476 et y passe les dernières années de sa vie en continuant à peindre. Il meurt à Messine en février 1479, à l’âge de 49 ans.
Œuvre
L’œuvre d’Antonello de Messine comporte des scènes religieuses et des portraits. C’est incontestablement dans le domaine du portrait qu’il excelle et innove. Ses chefs-d’œuvre religieux sont d’ailleurs des « portraits » de la Vierge ou du Christ et non de grands retables d’autel. Seuls des portraits masculins nous sont parvenus.
Le premier portrait connu d’Antonello est aussi le plus célèbre car le modèle sourit, chose tout à fait nouvelle et même provocatrice à cette époque.
Antonello de Messine. Le marin inconnu (1465-75)
Huile sur bois, 31 × 24,5 cm, musée Mandralisca, Cefalù.
L’art du portrait peint, qui avait connu un développement important dans l’Antiquité, s’était évanoui au Moyen Âge. Jusqu’au 15e siècle, seuls quelques portraits de profil, inspirés de ceux figurant sur les monnaies métalliques, représentent des personnages importants. Le portrait en buste, de trois quarts, c’est-à-dire dans une position intermédiaire entre le portrait de face et de profil, apparaît d’abord en Flandre. Dès la première moitié du siècle, Jan Van Eyck réalise des portraits comportant une analyse très fine du visage, par exemple celui du Cardinal Niccolò Albergati (1431-32). Les portraits flamands, à l’huile sur panneau de bois, font alors l’admiration des élites italiennes et inspirent les artistes locaux.
Antonello de Messine apparaît comme un portraitiste particulièrement original par son souci de vérité et de justesse psychologique. Le modèle regarde le spectateur, suscitant un dialogue visuel conduisant à une réflexion sur le caractère du personnage. Antonello n’idéalise pas son modèle et ne met pas en valeur son statut social, il constate sa réalité. La distance avec les chefs-d’œuvre à peu près contemporains d’artistes comme Sandro Botticelli, est tout à fait considérable. Botticelli cherche à magnifier son modèle, Antonello à saisir sa vérité profonde.
Sandro Botticelli. Portrait d'une jeune femme (1480-85) |
Antonello de Messine. Portrait d’homme (v.1475-76) |
Les scènes religieuses de l’artiste comportent de nombreuses représentations de figures uniques du Christ et de la Vierge. Là encore, Antonello entend transmettre l’intériorité du personnage, comme dans cette Vierge de l’Annonciation (1476) où la présence de l’archange Gabriel est tout juste suggérée par un geste d’étonnement de la main, le regard restant serein mais interrogateur.
Antonello de Messine. Vierge de l’Annonciation (v. 1476)
Huile sur bois, 45 × 34,5 cm, Galleria Regionale della Sicilia, Palerme.
On retrouve ces caractéristiques dans les grands retables, comme celui de San Cassiano (1475), pour lesquels l’influence de Giovanni Bellini doit être soulignée. Le paysage infini apparaît dans les majestueuses crucifixions du peintre, avec un souci du détail concernant tant les éléments d’architecture que les figures lointaines.
Antonello de Messine. Calvaire (1475)
Huile sur bois, 53 × 43 cm, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen.
Scènes religieuses
Antonello de Messine. Vierge à l’Enfant (1460-69). Huile sur bois, 43 × 34 cm, National Gallery, Londres. La National Gallery indique : « Possibly by Antonello da Massina ». |
Antonello de Messine. Christ bénissant (v. 1465). Huile sur bois, 39 × 30 cm, National Gallery, Londres. « Le Christ bénit le spectateur de la main droite. Antonello a modifié la position originale des doigts et de la main, les raccourcissant – c’est-à-dire comprimant leur longueur réelle – de sorte qu’ils semblent se projeter hors de l’image. Si vous regardez attentivement, vous pouvez voir les contours de leur position initiale, maintenant visibles car la peinture s’est amincie au fil du temps. |
Antonello de Messine. Christ couronné d’épines (v. 1470). Huile et tempera sur bois, 42,5 × 30,5 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. « Artiste d’une étonnante originalité, Antonello a combiné la maîtrise néerlandaise de la description et l’art italien de la présentation formelle et de l’expression. Ce tableau peut être daté de 1470. Pour accroître l’incitation à la méditation, le Christ est représenté derrière un parapet, convention qu’Antonello a transposée à partir du portrait. Cet accessoire renforce l’effet de présence physique et de souffrance du Christ : « Homme de douleur et habitué à la souffrance » (Esaïe 53:3). » (Commentaire MET) |
Antonello de Messine. Ecce Homo (v. 1473). Huile sur bois, 48,5 × 38 cm, Collegio Alberoni, Piacenza. Selon la tradition chrétienne, Jésus Christ a été battu et couronné d’épines. Il doit être crucifié. Ponce Pilate, préfet de Judée, le présente à la foule en disant : Ecce homo (Voici l’homme). Le peintre reprend le thème traité en 1470 (ci-dessus) et accentue la puissance expressive en renonçant à un certain sentimentalisme. |
Antonello de Messine. Retable de San Cassiano (1475). Huile sur bois, 115 × 133 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne. « Le retable de l’église de San Cassiano à Venise, scié au 17e siècle et donc conservé uniquement comme fragment, montrait à l’origine la Vierge et huit saints trônant dans un intérieur d’église (aujourd’hui : Nicolas de Bari, Anastasia (?), Ursula, Dominique et Hélène). Ce type de retable était tout aussi novateur par le sujet (Conversation sacrée) que par la technique. La peinture à l’huile, qu’Antonello avait découverte à Naples par l’intermédiaire de peintres franco-flamands, était utilisée pour la première fois à Venise. » (Commentaire Kunsthistorisches Museum) |
Antonello de Messine. Calvaire (1475). Huile sur bois, 53 × 43 cm, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten Antwerpen. « Les deux larrons, le bon et le méchant, sont attachés fermement sur deux arbres tronqués. Les corps sont représentés de manière très réaliste. Sur le sol, Marie et Jean, l’apôtre préféré du Christ, sont en deuil. Le crâne représente Adam […] |
Antonello de Messine. Saint Jérôme dans son étude (v. 1475). Huile sur bois, 46 × 36 cm, National Gallery, Londres. « Antonello a peint ce portrait de saint Jérôme alors qu’il était au sommet de ses capacités techniques et artistiques. Rendant hommage aux peintres néerlandais du XVe siècle, il a construit pour le saint un vaste décor à plusieurs niveaux, regorgeant d’accessoires. Chaque détail est peint avec précision, son habileté dans la technique de la peinture à l’huile lui permettant d’imiter toute une gamme de textures et de finitions. |
Antonello de Messine. Vierge à l’Enfant (v. 1475). Huile et tempera sur bois, 58 × 43 cm, National Gallery of Art, Washington. Cette Vierge très maternelle, peinte sur un fond paysager, préfigure la peinture du 16e siècle. D’autres grands artistes s’étaient engagés dans cette voie à la même époque, par exemple Filippo Lippi (Vierge à l'enfant et deux anges, 1465), mais le dépouillement des figures d’Antonello n’a pas d’équivalent. Il refuse l’abondance décorative pour se concentrer exclusivement sur l’émotion émanant des visages et des gestes, c’est-à-dire sur l’intériorité. |
Antonello de Messine. Vierge de l’Annonciation (v. 1476). Huile sur bois, 45 × 34,5 cm, Galleria Regionale della Sicilia, Palerme. Le thème de l’Annonciation était courant à la fin du 15e siècle, mais Antonello le traite d’une manière très personnelle. Selon la tradition chrétienne, l’archange Gabriel annonce à la Vierge Marie la naissance prochaine du Christ (maternité divine de la Vierge selon le dogme chrétien). L’archange apparaît donc aux côtés de la Vierge sur presque toutes les représentations de la scène. Ici, l’artiste a voulu étudier la réaction de surprise de Marie, occupée à lire et qui se rend compte de la présence de l’archange, qui n’apparaît pas sur le panneau. |
Antonello de Messine. Le Christ à la colonne (v. 1476). Huile sur bois, 30 × 21 cm, musée du Louvre, Paris. « Avec le développement de la piété individuelle, le XVe siècle voit se multiplier partout en Europe des images dites de dévotion dont la fonction première était de conduire le fidèle à la prière et à la méditation. Conçues pour des intérieurs domestiques, ces images peintes étaient le plus souvent de petite taille. La plupart d'entre elles présentaient une seule effigie sacrée tronquée aux épaules, ce cadrage favorisant l'idée de proximité avec le spectateur. » (Commentaire ministère de la Culture) |
Antonello de Messine. Saint Sébastien (v. 1478). Huile sur bois, 171 × 85 cm, Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde. « Antonello da Messina a placé le martyre de Saint Sébastien à Venise, comme l’indique l’arrière-plan avec la lagune et les cheminées typiques. Venise était l’une des plus grandes villes commerciales européennes, un centre d’échange des produits de luxe exotiques. C’est par ce trafic commercial que les deux tapis représentés ont atteint la ville. Fabriqués en Anatolie, ils étaient un élément de décoration recherché dans toute l’Europe. On les retrouve également dans les peintures d’artistes néerlandais, par exemple Johannes Vermeer. |
Portraits
Antonello de Messine. Le marin inconnu (1465-75). Huile sur bois, 31 × 24,5 cm, musée Mandralisca, Cefalù. « Le Portrait d’un homme ou Portrait du Marin Inconnu est le deuxième sourire le plus célèbre au monde, après celui de La Joconde. Cette peinture à l’huile sur bois (31×24,5 cm) peinte par Antonello da Messina, datée entre 1460 et 1475, a été offerte par le baron philanthrope Pirajno de Mandralisca, qui s’intéressait grandement à la peinture, et qu’il reçut lors de l’un de ses voyages à Lipari (tout du moins c’est l’histoire racontée à ce jour). |
Antonello de Messine. Portrait d’un jeune homme (v. 1470). Huile sur bois, 27 × 21 cm, Metropolitan Museum of Art. « Formé à Naples à la technique néerlandaise de la peinture à l’huile, Antonello a établi la norme du portrait lorsqu’il est venu de Sicile à Venise en 1475. Bien avant Léonard de Vinci, il a introduit le sourire naissant comme une indication de la vie intérieure du modèle, enveloppant ses traits d’une douce lumière et engageant le spectateur avec son regard direct. L’image contredit ainsi l’opinion négative souvent exprimée selon laquelle la peinture était une simple représentation de l’apparence extérieure d’une personne, et non de son caractère. » (Commentaire MET) |
Antonello de Messine. Le condottiere (1475). Huile sur bois, 36 × 30 cm, musée du Louvre, Paris. Un condottiere est un chef militaire employant des mercenaires et se mettant au service des familles nobles détenant le pouvoir politique. Le musée du Louvre signale une hypothèse d’identification du modèle : « Selon Favilla et Rugolo (2019), le modèle pourrait être Giorgio Corner (1452-1527), frère de Catherine Corner (ou Cornaro) (née le 25 novembre 1454 à Venise, morte le 10 juillet 1510), reine de Chypre. » |
Antonello de Messine. Portrait d’homme (v.1475-76). Huile sur bois, 35 × 24 cm, National Gallery, Londres. « Ce tableau était autrefois considéré comme un autoportrait, erreur résultant probablement de l’interprétation erronée d’une inscription sur son cadre d’origine. Mais le regard de l’homme est si sérieux qu’il pourrait être pris pour un artiste examinant son reflet. |
Antonello de Messine. Portrait d’un homme (v. 1476). Tempera et huile sur bois, 31 × 25 cm, Galleria Borghese, Rome. « Comme d’habitude dans les portraits d’Antonello, le personnage est représenté, en buste et de trois-quarts sur un fond sombre. L’expression et le regard vifs constituent l’aspect le plus notable de l’œuvre, considérée comme l’un des chefs-d’œuvre de la période de maturité de l’artiste. L’homme représenté porte une robe rouge et une casquette noire, vêtements typiques de ces patriciens vénitiens admirateurs et mécènes d’Antonello da Messina. En raison de ses caractéristiques stylistiques, le tableau doit remonter au voyage vénitien de 1475-1476. Le panneau n’est pas signé, mais l’hypothèse a été faite que le nom du peintre se trouvait sur un cartouche placé directement sur le cadre. L’œuvre est répertoriée pour la première fois dans les inventaires Borghèse de 1790 avec une attribution à Giovanni Bellini et n’a été restituée à Antonello qu’en 1869. Des études récentes excluent les hypothèses, formulées dans le passé, de son identification en tant que portrait du patricien Michele Vianello, présent au XVIe siècle dans une importante collection vénitienne, ainsi que la possibilité de sa provenance de la collection du XVIIe siècle d’Olimpia Aldobrandini. » Commentaire Galleria Borghese) |
Antonello de Messine. Portrait d’un jeune homme (1475-80). Huile et tempera sur bois, 33 × 25 cm, National Gallery of Art, Washington. Pour ce portrait d’un jeune homme non identifié, Antonello de Messine a travaillé la chevelure, qui pourrait être une perruque, avec une extrême minutie. Sur les ondulations, les mèches de cheveux ont été nettement représentées et il est possible de voir les cheveux à l’unité à la périphérie de la chevelure :
|
Pour visionner d'autres œuvres sur GOOGLE ARTS & CULTURE, cliquer sur le nom du peintre :
_______________________________________
(*) Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (première édition 1550, remaniée en 1568, traduction Leclanché, 1841)
Ajouter un commentaire