Sandro Botticelli. Portrait de jeune femme (v. 1475)
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Patrick AULNAS
Apprenti orfèvre puis élève de Filippo Lippi, Sandro Botticelli ne pouvait être qu'un prodigieux dessinateur. Giorgio Vasari le souligne : « Sandro fut un dessinateur hors du commun et bien des artistes s'ingénièrent à se procurer ses dessins. » Tant pour ses portraits que pour ses scènes religieuses ou mythologiques, il cherche la beauté idéale.
Sandro Botticelli. Portrait de jeune femme (v. 1475)
Tempera sur bois, 81,8 × 54 cm, Städel Museum, Francfort-sur-le-Main.
Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE
Simonetta Vespucci, la muse de Botticelli
Les spécialistes sont d’accord sur l’identité du modèle : Simonetta Vespucci (1453-1476), le nom patronymique étant celui de son mari. Simonetta Cattaneo est née à Gênes dans une famille noble. Elle se marie en 1469 avec Marco Vespucci, cousin du navigateur Amerigo Vespucci, d’où dérive le nom du nouveau monde, l’Amérique. Le mariage entre Simonetta et Marco a lieu à Florence où les Vespucci entretiennent des relations avec la puissante famille Médicis. Laurent de Médicis, dit Laurent le Magnifique (1449-1492), règne alors sur Florence et protège les arts et les sciences. La beauté de Simonetta fait immédiatement l’admiration des florentins qui la surnomment La bella Simonetta ou La san par (La sans pareille).
Pour Sandro Botticelli, Simonetta représente le modèle de la beauté idéale. Il en fera deux portraits et s’en inspirera à de nombreuses reprises dans ses œuvres mythologiques, en particulier La naissance de Vénus
Julien de Médicis (1453-1478), le frère de Laurent, eut pour la belle Simonetta une passion connue de tous et fut peut-être son amant. Mais cet amour est considéré comme platonique dans le récit qui nous a été transmis. Dans Mars et Vénus (1483), Botticelli associe des deux jeunes gens, alors décédés.
Simonetta Vespucci meurt à 23 ans, probablement de la tuberculose. Botticelli avait pour son modèle de prédilection un attachement tel qu’il demanda à être enterré à ses pieds, dans l’église Ognissanti de Florence. Ce qui fut fait.
Analyse de Portrait de jeune femme de Sandro Botticelli
Le portrait de profil était courant dans l’Italie du 15e siècle, en particulier à Florence, épicentre de la Première Renaissance. Il permet d’idéaliser le modèle beaucoup plus aisément que le portrait de face qui doit faire apparaître des traits de personnalité. Ce portrait est d’ailleurs appelé Portrait idéalisé d’une dame (Portrait de Simonetta Vespucci en nymphe) par le Städel Museum de Francfort. Il s’agit bien entendu d’un intitulé actuel, mais il correspond exactement à ce que Botticelli recherchait.
Tous les éléments de la beauté parfaite selon Botticelli ont été rassemblés ici. Le dessin étant à la base du travail du peintre, l’élégance et la finesse du trait frappent l’observateur.
Sandro Botticelli. Portrait de jeune femme, détail
La sophistication extrême de la chevelure éloigne le portrait de la réalité de l’époque. Même en costume d’apparat, il n’était pas question d’atteindre ce degré de complexité : multiples tresses, ondulations savantes, rubans, perles, plume. Il s’agit donc d’une nymphe, divinité antique caractérisée par sa beauté et sa jeunesse. Le peintre peut ainsi s’évader du réel et faire de son modèle tant admiré l’image de la beauté éternelle. Transformer en nymphe Simonetta Vespucci, la plus belle femme de Florence, était presque nécessaire pour les artistes florentins car l’aristocratie cultivée avait le goût de l’Antiquité. Tant sur le plan philosophique qu’esthétique, l’époque est une redécouverte des anciens, oubliés pendant un millénaire de Moyen Âge.
Le fond noir uniforme contribue également à l’idéalisation du modèle. La figure se découpe parfaitement comme le profil d’une statue. L’opalescence des coloris et la lumière cristalline, caractéristiques de Botticelli, impriment au portrait la plasticité du relief.
Le peintre a soigné chaque détail, qu’il s’agisse du camée porté en pendentif, des perles ornant les tresses ou encore des broderies de la robe.
Sandro Botticelli. Portrait de jeune femme, détail
Ce portrait est probablement assez éloigné de la véritable Simonetta Vespucci car il s’agit de peindre une divinité. Aucune imperfection n’apparaît, ni sur le visage, ni sur le cou. La douce mélancolie de l’expression crée une distance qui éloigne quelque peu la jeune femme de l’aristocratie ordinaire de l’époque. Botticelli utilise le même visage, dans ses grandes compositions mythologiques, pour représenter Vénus, la déesse de la beauté. En rêvant d’idéal, le grand artiste conçoit ainsi un archétype de la beauté féminine que les hommes du 21e siècle admirent encore.
Sandro Botticelli. Portrait de jeune femme, détail
Autres portraits de Simonetta Vespucci
Vénus et Mars (v. 1483). Tempera sur bois, 69 × 173,5 cm, National Gallery, Londres. Le peintre s’inspire du visage de Simonetta Vespucci pour Vénus et de celui de Julien de Médicis pour Mars. Image HD SUR NATIONAL GALLERY |
La Naissance de Vénus, détail (v. 1485). Dans La naissance de Vénus, le visage de la déesse a également pour inspiratrice Simonetta Vespucci. Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE |
Portrait d'une jeune femme (après 1480). Tempera sur bois, 47,5 × 35 cm, Staatliche Museen, Berlin. Il s'agit probablement d'un autre portrait de Simonetta Vespucci. La ressemblance entre les deux personnages est frappante. |
Piero di Cosimo. Portrait de Simonetta Vespucci (1490). Huile sur bois, 57 × 42 cm, Musée Condé, Chantilly. Portrait commandé par Julien de Médicis à la mort de Simonetta en 1476. Piero di Cosimo (1462-1522) n’avait alors que 14 ans. L’amoureux inconsolable dut attendre quelques années. Le serpent symbolise le mal, la sexualité, la mort selon les exégètes. Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE |
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