Raphaël. La Madone à la prairie (1505-1506)
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Patrick AULNAS
L’œuvre de Raphaël (1483-1520) a défini pour des siècles l’objectif de l’art de peindre : l’idéalisation de la réalité. Paysages, êtres humains ou divinités, représentées comme des humains, devaient être plus beaux que nature pour ceux qui les observaient sur le tableau ou la fresque. Mieux que tout autre, Raphaël est parvenu à fixer cet idéal de beauté. Jusqu’au 19e siècle, il incarnera le modèle pictural dominant.
Raphaël. La Madone à la prairie (1505-1506)
Huile sur bois de peuplier, 113 × 88,5 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne, Autriche.
Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE
Et sur Kunsthistorisches Museum, Vienne
Contexte historique
En 1504, Raphaël a 21 ans et il s’installe à Florence. Né à Urbino, il vient de Pérouse où il séjournait depuis l’an 1500 comme assistant du Pérugin. A son arrivée à Florence il bénéficie d’une recommandation de l'épouse du duc d'Urbino, Giovanna della Rovere, ce qui lui permettra d’entrer rapidement en contact avec Léonard de Vinci et Michel-Ange.
Extrêmement doué, il assimile immédiatement les apports de deux grands maîtres et son style évolue. La période florentine de Raphaël (1504-1508) verra éclore des madones pleines de douceur et d’humanité.
Analyse de l’œuvre
La Madone à la prairie (Madonna del prato) ou Madone du belvédère (Madonna del belvedere) a été peinte pour Taddeo Taddei (1470-1529), un mécène et humaniste italien qui avait accueilli Raphaël dans son palais de Florence, qui existe encore aujourd’hui.
Le thème a déjà été maintes fois représenté, mais Raphaël le renouvelle. La Vierge Marie, Jésus et le jeune Jean-Baptiste, compagnon de jeu du Christ Enfant, apparaissent dans une prairie représentée assez schématiquement. La Vierge, assise et tenant l’Enfant Jésus de ses deux mains, porte sa traditionnelle pèlerine bleue (couleur céleste) et une robe rouge (couleur de la passion du Christ). La sobriété de cette tenue vestimentaire n’est agrémentée que par quelques broderies de fils d’or. A gauche, Jean-Baptiste tient un bâton terminé en croix, accessoire qui lui est traditionnellement dévolu. Jésus tient la croix d’une main, référence explicite à la future crucifixion. La Vierge observe cette scène sereinement mais avec une certaine tristesse dans le regard. Les trois personnages portent une auréole discrète autour de la tête, symbole de sainteté.
Raphaël. Madone à la prairie, détail
Les trois figures forment une sorte de pyramide dont le sommet est la coiffure de la Vierge. Ce modèle de composition est inspiré de Léonard de Vinci (Vierge aux rochers, 1483-86), de même que le léger sfumato qui entoure le corps des enfants. Le paysage en arrière-plan permet de projeter le regard jusqu’à l’horizon. Aucune activité humaine n’apparaît puisqu’il s’agit pour l’artiste de placer la scène du premier plan dans un cadre naturel idéal symbolisant la quiétude. La composition du paysage s’appuie toujours à cette époque sur la perspective atmosphérique : les lointains sont traités en dégradés de gris-bleu s’éclaircissant vers le blanc sur la ligne d’horizon.
Raphaël. Madone à la prairie, détail
L’originalité de l’œuvre vient de la parfaite sérénité qui s’en dégage. L’humanisation du divin se manifeste par l’évocation d’une mère promenant des enfants à la campagne, comme s’il s’agissait d’une famille ordinaire. Mais le drame est figuré discrètement par la fleur de pavot (rouge) placée à droite de la Vierge et la croix de saint Jean-Baptiste, références à la passion du Christ. Tous les chrétiens auxquels l’œuvre est destinée connaissent le destin du Christ et peuvent mettre en relation la quiétude du présent et le tragique de l’avenir.
Raphaël. Madone à la prairie, détail
Raphaël peint véritablement une âme chrétienne du 16e siècle. Le visage de la mère comporte l’intuition du destin de son fils, comme l’esprit humain sait le tragique la vie. Les Vierges à l’Enfant de Raphaël marquent ainsi une évolution du sujet tant sur le plan formel que sémantique. Comme on pourra le voir ci-après, le cadre de la composition a changé, la scène religieuse étant placée dans un vaste paysage idéalisé. Mais la dramaturgie très appuyée par les mimiques, encore très présente à la fin du 15e siècle chez Botticelli ou Vinci, a été remplacée par une sérénité inquiète très retenue. Le tableau le plus proche par l’esprit est celui de Vinci, La Vierge à l’Enfant avec sainte Anne (1503-1519), sans doute commencé vers 1500 mais achevé très tardivement. Raphaël, élève de Vinci à cette époque, s’est certainement inspiré des travaux visibles dans l’atelier du maître et a, en tout état de cause, bénéficié de ses recherches.
Le thème de la Vierge à l’Enfant à la fin du 15e et au début du 16e siècle
La figure de la Vierge s’humanise au maximum. Elle devient une femme placée dans un cadre naturel. Les gestes de prière disparaissent. La relation mère-enfant est privilégiée. Selon le tempérament de l’artiste, elle est traitée avec retenue (Raphaël) ou en accentuant la dimension émotive (Vinci, Titien).
Filippo Lippi. Vierge à l'Enfant et deux anges (1465) Tempera sur bois, 95 × 62 cm, Galerie des Offices, Florence. Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE
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Léonard de Vinci. Vierge aux rochers (1483-86) Huile sur bois, 199 × 122 cm, Musée du Louvre, Paris.
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Sandro Botticelli. Vierge à l'Enfant avec deux anges (v. 1490) Tempera sur bois, diamètre 115 cm, Akademie der bildenden Künste, Vienne.
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Le Pérugin. Vierge à l'Enfant (v. 1501) Huile sur bois, 70 × 51 cm, National Gallery of Art, Washington. Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE
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Léonard de Vinci. La Vierge à l'Enfant avec sainte Anne (1503-19) Huile sur bois, 168 × 130 cm, Musée du Louvre, Paris.
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Raphaël. La Madone du Grand-Duc (1505) Huile sur bois, 84 × 55 cm, Palais Pitti, Florence.
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Raphaël. Vierge au chardonneret (1506) Huile sur bois, 107 × 77 cm, Galerie des Offices, Florence. Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE
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Titien. Vierge à l'Enfant avec des saints (1530) Huile sur toile, 101 × 142 cm, National Gallery, Londres. Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE |
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