Lorenzo Monaco. Le couronnement de la Vierge (1414)
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Patrick AULNAS
La peinture de Lorenzo Monaco (1370-1424) représente l’étape ultime de l’art du Moyen Âge, qui se donne pour mission de valoriser la religion chrétienne auprès d’une population largement analphabète, même dans la noblesse. Les manuscrits étaient rares et peu accessibles. Les dorures et les couleurs vives des grands retables sidèrent les spectateurs. Le religieux devient concrètement lumineux, éclatant de beauté, bref sublime.
Lorenzo Monaco. Le couronnement de la Vierge (1414)
Tempera et or sur bois, 450 × 350 cm, Galerie des Offices, Florence.
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Le thème du couronnement de la Vierge
Cette scène apparaît souvent dans la peinture du 15e siècle, plus rarement ensuite. Le couronnement de la Vierge n’est pas vraiment évoqué dans la Bible. Vers l’an mille, le développement du culte marial, c’est-à-dire la vénération des croyants pour Marie, mère de Jésus-Christ, conduit à l’apparition rédactionnelle puis iconographique de ce thème. Résumons simplement la phraséologie des spécialistes pour comprendre de quoi il s’agit. Marie a été conçue par sa mère, sainte Anne, sans péché (la sexualité humaine est problématique moralement pour les monothéismes). Marie de Nazareth est donc exempte du péché originel. On qualifie ce statut particulier d’Immaculée conception. Il en résulte que la Vierge ne peut pas mourir, la mort étant réservée aux pécheurs. Marie de Nazareth subit la dormition, c’est-à-dire une disparition de l’humanité sans souffrance ni violence. Elle monte au ciel pour y être couronnée.
Dans l’iconographie, la Vierge est accueillie au paradis par le Christ, son fils, ou par Dieu le père lui-même, qui pose sur sa tête une couronne. A la cérémonie céleste participent en général des anges et des saints.
Historique de l’œuvre
Ce grand polyptyque a été créé par Lorenzo Monaco, qui était moine, pour le monastère camaldule de Santa Maria degli Angeli (Sainte-Marie-des-Anges), à Florence, dans lequel il vivait. Le polyptyque reste dans l’église du monastère, pour décorer l’autel, jusqu’à la fin du 16e siècle. Il est alors retiré pour être remplacé par une peinture sur toile. Il est retrouvé en très mauvais état à la fin du 19e siècle et restauré à deux reprises, en 1872 et 1990.
L’année exacte de création du polyptyque est connue car elle figure sur le cadre, au-dessus de la prédelle.
Analyse de l’œuvre
Cette œuvre complexe comporte quatre éléments : la scène centrale du couronnement de la Vierge sur un seul panneau de bois, deux pilastres latéraux surmontés d’une flèche, une prédelle ou partie située sous la scène centrale, trois pinacles formant la partie supérieure de l’édifice.
La scène centrale du couronnement de la Vierge
Lorenzo Monaco. Le couronnement de la Vierge, scène centrale (1414)
La Vierge est arrivée au paradis et une cérémonie de couronnement se déroule. Au centre, Jésus-Christ place la couronne sur la tête de Marie. Ils sont tous deux assis sur un trône placé sous une arcade dorée. Le nimbe ou auréole entoure la tête du Christ et celle de la Vierge pour indiquer leur statut divin ou saint. Le vêtement blanc de Marie symbolise la virginité. Le temps n’existe pas pour le Christ et la Vierge, sa mère, représentée comme une jeune femme.
Lorenzo Monaco. Le couronnement de la Vierge, détail (1414)
Sous les deux arcades latérales, de nombreux saints assistent à la cérémonie. Il est possible d’identifier la plupart d’entre eux car ils portent leurs attributs traditionnels. Sous l’arcade de gauche, au premier rang, saint Bernard de Clairvaux (en blanc tenant la règle bénédictine qu'il a réformée), saint Pierre (en jaune et bleu avec une clé), saint Jean-Baptiste (avec la croix).
Lorenzo Monaco. Le couronnement de la Vierge, détail (1414)
Sous l’arcade de droite, saint Jean l'Évangéliste (tenant son Evangile), saint André (au centre avec la croix), saint Benoît (à droite avec sa crosse). Trois anges apparaissent en contrebas du trône et d’autres ont été placés en arrière-plan.
Lorenzo Monaco. Le couronnement de la Vierge, détail (1414)
Bien que réalisée sur un seul panneau de bois, cette scène centrale simule un triptyque du fait de la présence des trois grandes arcades. Puisque nous sommes au paradis, le ciel se situe au-dessous et Lorenzo Monaco n’a pas manqué de le représenter sous la forme d’un arc bleu illuminé d’étoiles dorées.
La composition reste proche du gothique international par son absence de perspective et la profusion des ors. Mais l’artiste a cependant tenté de donner une certaine profondeur à chacun des deux groupes de saints par un ombrage sous les arcades. Les couleurs vives contrastant avec les dorures donnent à l’ensemble de la scène une luminosité exceptionnelle, correspondant à la représentation que pouvaient se faire du ciel les hommes de cette époque. La beauté du paradis se caractérise par la lumière, la laideur de l’enfer par l’ombre et le feu. On retrouve le maniérisme dont font preuve les peintres du gothique tardif dans l’élongation des figures (les doigts en particulier) et leur expressivité physique ainsi que dans les lignes sinueuses des étoffes.
La prédelle
La prédelle comporte deux scènes évangéliques et quatre scènes concernant saint Bernard et saint Benoît. L’ordre monastique des Camaldules est en effet un ordre bénédictin, soumis initialement à la règle de Benoît de Nursie, dit saint Benoît (v. 480-547). Cette règle a ensuite été réformée vers une plus grande austérité par Bernard de Clairvaux, dit saint Bernard (1090-1153). Les scènes de la prédelle, peintes en tempera sur bois, mesurent chacune environ 35 × 45 cm. De gauche à droite :
Les funérailles de saint Bernard. Fondateur de l’abbaye de Clairvaux (Aube), saint Bernard eut une influence majeure sur l’Église de son époque. Il mourut entouré des six cents religieux de son abbaye et son corps fut déposé dans la chapelle du couvent. Il fut canonisé vingt-et-un ans après sa mort par le pape Alexandre III (1105-1159).
La pénitence de saint Benoît. Selon la légende chrétienne, saint Benoît pensait à une femme très belle rencontrée au cours d’un séjour à Rome. Pour faire face à la tentation, il se retire dans une grotte difficilement accessible située au pied d’une falaise. Un moine lui apporte de la nourriture.
La nativité. Episode biblique de la naissance de Jésus-Christ dans une étable avec Marie, sa mère, et Joseph, l'époux de Marie.
L’adoration des mages. Selon la tradition chrétienne, trois mages (astronomes) auraient suivi une étoile vers le lieu de naissance de Jésus-Christ. Arrivés près de Jésus, ils lui offrent l’or, l’encens et la myrrhe.
Saint Benoît sauve un frère. Des miracles sont attribués à Benoît par la tradition chrétienne. Il aurait sauvé un frère de la noyade en marchant sur l’eau.
Saint Bernard ressuscite un frère. Plusieurs miracles sont attribués à Bernard par la tradition chrétienne. Il aurait ressuscité un homme, mort à la suite d’une chute.
Les deux pilastres
Les pilastres latéraux comportent un décor peint représentant des prophètes. Ils sont encadrés de colonnettes torsadées.
Les trois pinacles
Les pinacles surmontant le polyptyque représentent la scène de l’Annonciation et le Christ. L’archange Gabriel (à gauche) annonce à la Vierge Marie (à droite) la naissance prochaine du Christ. Au centre apparaît le Christ bénissant.
Autres compositions sur le même thème
Le thème du Couronnement de la Vierge a surtout été traité du 14e au 16e siècle. Le 15e siècle est la période privilégiée car cette scène complexe est adaptée aux grands retables d’autel, produits en grand nombre à cette époque.
Lorenzo Monaco. Le couronnement de la Vierge (1407-09). Tempera et or sur bois, 322 × 221 cm, National Gallery, Londres. Sur le panneau de gauche, saint Benoît (en blanc) est accompagné de saint Jean-Baptiste (en rose) et de saint Matthieu (en bleu). Sur le panneau de droite apparaissent saint Romuald (en blanc), saint Pierre (en jaune) et saint Jean l'Évangéliste (en rose). |
Fra Angelico. Le couronnement de la Vierge (v. 1434-35). Tempera sur bois, 213 × 211 cm, musée du Louvre, Paris. Fra Angelico s'est inspiré de Masaccio pour l'effet de perspective souligné par les marches et les dalles du carrelage au sol. La prédelle est consacrée à des scènes de la vie des fondateurs de l'ordre des Dominicains car ce retable était destiné au couvent San Domenico de Fiesole. |
Enguerrand Quarton. Le Couronnement de la Vierge (1454). Huile sur bois, 183 × 220 cm, musée Pierre du Luxembourg, Villeneuve-lès-Avignon. Ce retable a été commandé par Jean de Montagnac pour la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. L'acte juridique établissant le contrat est très précis et comporte 26 articles détaillant ce que doit représenter le peintre. Par exemple, l'article 1er stipule : « Premièrement, doit figurer le paradis et dans ce paradis on doit voir la Sainte Trinité, sans aucune différence entre le Père et le Fils ; le Saint-Esprit doit avoir la forme d'une colombe avec notre dame devant, placé comme il semblera préférable à maître Enguerrand... ». |
Sandro Botticelli. Le couronnement de la Vierge. Retable San Marco (1490-92). Tempera sur bois, 378 × 258 cm, Galerie des Offices, Florence. Ce retable de grande taille était destiné à la chapelle de Sant'Alò (Saint Éloi) de la Basilique San Marco de Florence. Il est aujourd'hui conservé à la Galerie des Offices. L'œuvre comporte une partie céleste (Dieu couronne la Vierge et des anges virevoltent autour de la scène) et une partie terrestre où figurent quatre saints (Jean apôtre, Augustin, Jérôme et Éloi). |
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