Jan van Huysum. Deux natures mortes (1724)
Cliquer sur les images ci-dessus
PARTENAIRE AMAZON ► En tant que partenaire d'Amazon, le site est rémunéré pour les achats éligibles.
Patrick AULNAS
Jan van Huysum (1682-1749), « le phénix de tous les peintres de fleurs », était très célèbre au 18e siècle. Il fait partie de ces peintres nordiques perfectionnistes qui travaillent minutieusement chaque détail de la composition. Les deux natures mortes présentées ici forment une paire atypique dans l’œuvre de van Huysum, qui privilégie d’habitude les bouquets aux multiples variétés florales.
Jan van Huysum. Nature morte aux fruits (v. 1724)
Huile sur cuivre, 21 × 27 cm, Mauritshuis, La Haye.
Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE
Jan van Huysum. Nature morte aux fleurs (v. 1724)
Huile sur cuivre, 21 × 27 cm, Mauritshuis, La Haye.
Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE
Contexte historique
Dès le 17e siècle, l’Europe du Nord, en particulier les Pays-Bas et la Flandre, accorde une place importante aux natures mortes. Des artistes se spécialisent dans ce domaine. L’émergence d’une bourgeoise commerçante et d’une paysannerie aisée constitue un débouché pour cette peinture. Le succès des natures mortes, mais aussi des scènes de genre, ne se dément pas au 18e siècle. Jan van Huysum avait acquis une réputation internationale pour les natures mortes et vendait ses œuvres très cher.
Analyse de l’œuvre
Au premier regard apparaît la similitude des deux compositions. Un élément central (une rose et une pêche) est encadré par des fleurs, des feuilles, des fruits et des papillons. L’entablement de marbre est également commun aux deux tableaux.
Dans Nature morte aux fruits, une grappe de raisin avec ses feuilles, une grappe de groseilles rouges, une prune et une poire viennent compléter le tableau. Le papillon et la fourmi posés sur la pêche relient la nature morte à la nature sauvage et à la vie. Deux papillons virevoltent également autour des roses dans Nature morte aux fleurs. Une branche de rosier avec ses feuilles a été placée autour de la rose centrale ainsi qu’un œillet et deux fleurs de liseron bleu avec leurs fines tiges. Une ou deux gouttelettes apparaissent dans les deux compositions comme si les fruits venaient d’être cueillis et les fleurs coupées. Les ombres se trouvant sur la partie droite des fleurs et des fruits, la lumière vient de la gauche mais presque de face, comme si un projecteur avait été placé à gauche du chevalet. L’effet de lumière est particulièrement travaillé sur les fruits, faisant apparaître le velouté de la pêche et la translucidité du raisin et des groseilles.
Jan van Huysum. Nature morte aux fruits, détail (v. 1724)
Jan van Huysum. Nature morte aux fruits, détail (v. 1724)
Le peintre a fait preuve d’une extrême minutie dans l’exécution, facilitée par le support cuivre. Le cuivre est assez courant du 15e au 18e siècle pour les petits formats. Le petit format métal présente l’avantage d’être transportable et peu fragile par rapport à la toile ou au bois. La plaque de cuivre doit être préparée et il existe de nombreuses façons de le faire. Au 18e siècle, la plaque de cuivre était d’abord poncée finement puis traitée avec du jus d’ail pour améliorer l’adhérence de la peinture. Une couche d’apprêt de peinture à l’huile blanche ou grise était ensuite appliquée. Après séchage, la plaque de cuivre était prête. La surface parfaitement lisse du métal permettait d’obtenir des détails fins et des effets visuels.
Jan van Huysum. Nature morte aux fleurs, détail (v. 1724)
Jan van Huysum. Nature morte aux fleurs, détail (v. 1724)
Ces deux tableaux sont totalement atypiques dans l’œuvre de van Huysum. Ils proposent une image de la nature sauvage, une sorte d’échantillon de fleurs et de fruits encore imprégnés de la réalité de la campagne et non, comme d’ordinaire, un bouquet savamment agencé avec de multiples variétés florales ou une coupe comportant une abondance de fruits. Sans doute s’agit-il tout autant d’un assortiment judicieusement choisi par l’artiste et organisé en vue de la création d’une œuvre d’art. Mais l’illusion de la nature sauvage est complète.
Petit panorama de la nature morte au 18e siècle
Au 18e siècle, la nature morte s’oriente vers le réalisme avec Jean Siméon Chardin. Même lorsque l’intention allégorique est présente (Anne Vallayer-Coster, Instruments de musique) la vérité de la représentation domine.
Jean-Siméon Chardin. La Raie (1728). Huile sur toile, 114 × 146 cm, musée du Louvre, Paris. « Ce chef d'œuvre précoce de Chardin fut d'emblée jugé digne des plus beaux modèles flamands (Snyders, Fyt). Dans La Raie, ce "monstre étrange", Proust admira "la beauté de son architecture délicate et vaste, teintée de sang rouge, de nerfs bleus et de muscles blancs, comme la nef d'une cathédrale polychrome" [...] À la cruche et au chaudron, accessoires inertes à droite, s'opposent à gauche la tension et l'étrangeté du petit chat, au poil hérissé, qui semble être apeuré par une scène située hors du tableau. Cette étrange mise en scène d'objets disposés autour d'une raie écorchée, évoquant Le Bœuf écorché de Rembrandt, a étonné tous les peintres - jusqu'à Matisse - en raison du regard vide de cet animal fantomatique qui attire l'œil du spectateur. Le réalisme de la représentation des éléments de cette fausse nature morte a depuis toujours servi d'exemple. » (Commetaire musée du Louvre) |
Jan van Huysum. Nature morte florale (1734). Huile sur bois, 81 × 61 cm, collection particulière. L’arcade de pierre était un classique de la nature morte de l’époque. L’abondance florale est une licence artistique, la floraison des différentes variétés n’ayant pas lieu au même moment. |
Jan van Huysum. Fruits et fleurs près d'un vase orné d'amours (1700-50). Huile sur bois, 63 × 53 cm, musée du Louvre, Paris. L’extrême méticulosité du peintre apparaît sur les grains de raisin où des insectes parfaitement identifiables ont été placés. |
Jean-Siméon Chardin. Le gobelet d'argent (1760-68). Huile sur toile, 33 × 41 cm, musée du Louvre, Paris. « Douze autres tableaux de Chardin décrivent ce gobelet d'argent dont l'artiste s'est attaché à traduire les reflets. La composition est caractéristique des œuvres tardives du peintre, de plus en plus dépouillées. » (Commentaire musée du Louvre) |
Anne Vallayer-Coster. Instruments de musique (1770). Huile sur toile, 88 × 116 cm, musée du Louvre, Paris. Ce tableau était le morceau de réception d’Anne Vallayer-Coster à l'Académie royale de peinture et de sculpture. De gauche à droite, une cornemuse, une mandoline et un violon. Devant le violon, un hautbois et une flûte. Le papier blanc de la partition, permet d’illuminer la composition. |
Anne Vallayer-Coster. Bouquet de fleurs dans un verre d'eau (1770-1800). Huile sur toile, 33 × 24 cm, musée des Beaux-arts de Carcassonne. « Sur un entablement de marbre roux, une choppe de verre transparent contient un bouquet constitué de quelques fleurs : roses, zinnias, et giroflées. Une branche de fleurs de chèvrefeuille est tombée près du verre. » (Commendataire base Joconde) |
Anne Vallayer-Coster. Nature morte de gibier (1782). Huile sur toile, 71 × 89 cm, Toledo Museum of Art. Avec une maîtrise rare, Anne Vallayer-Coster place le gibier aux couleurs chaudes, qui vient d’être chassé, devant un paysage aux couleurs froides – ciel nuageux bleu-gris et feuillage vert foncé. Le socle de pierre accentue l’impression de véracité, comme s’il ne s’agissait pas d’une simple toile peinte mais de l’exposition réelle du butin des chasseurs. |
Ajouter un commentaire