Hyacinthe Rigaud. La famille Léonard (1692)

 
 

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Patrick AULNAS

Hyacinthe Rigaud, portraitiste de la cour de France et de la famille royale, est célébrissime pour son portrait de Louis XIV (1701). Mais ses commanditaires peuvent aussi, plus rarement, se recruter dans la bourgeoisie. Le magnifique portrait de la famille Léonard en offre un exemple. Rigaud n’a alors que trente-trois ans. Il deviendra académicien en 1700, huit ans plus tard.

 

Hyacinthe Rigaud. La famille Léonard (1692)

Hyacinthe Rigaud. La famille Léonard (1692)
Huile sur toile, 126 × 154 cm, musée du Louvre, Paris
Image HD sur WIKIPEDIA

 

La famille Léonard

L’œuvre d’Hyacinthe Rigaud ne comporte que très peu de portraits de famille. Les spécialistes en dénombrent moins d’une douzaine, tous peints en début de carrière, entre 1684 et 1699.

La famille Léonard appartient à la haute bourgeoisie parisienne. Le portrait représente Pierre Frédéric Léonard (1665-1725), son épouse Marie-Anne des Essarts (1670-1706) et leur fille, âgée de 2 à 3 ans et également prénommée Marie-Anne (1690-1733).

Pierre Frédéric Léonard est le fils de Frédéric Léonard (1624-1711), imprimeur ordinaire du roi et de la ville de Paris, né à Bruxelles et ayant effectué son apprentissage d’imprimeur à Anvers chez Plantin Moretus, dont les locaux ont aujourd’hui été transformés en musée de l’imprimerie. Pierre-Frédéric fut d’abord libraire à partir de 1688, puis succéda à son père comme imprimeur ordinaire du roi.

Marie-Anne des Essarts est la fille de Martin des Essarts, marchand de drap et de soierie à Paris.

Analyse de l’œuvre

Hyacinthe Rigaud compose magistralement un portrait de famille respectant les contraintes du classicisme tout en l’investissant d’une forte dimension émotionnelle. Comme il se doit, le mari, chef de famille à cette époque, est placé au centre de la toile et porte la perruque d’apparat. Il pose délicatement sur l’épaule de son épouse une main protectrice, geste permettant à l’artiste d’évoquer la relation amoureuse. Marie-Anne tend le bras droit vers sa fille pour lui donner une grappe de cerises. L’enfant n’a pas été traité selon le modèle impersonnel qui prévalait souvent du fait de la distance entre les hommes de cette époque et tout ce qui concernait l’enfance. Il s’agit bien d’une petite fille de deux à trois ans jouant avec son chien et maintenant par le regard une relation forte avec sa mère. Rigaud a su capter la personnalité d’un tout jeune enfant avec un réalisme rare.

 

Hyacinthe Rigaud. La famille Léonard, détail

Hyacinthe Rigaud. La famille Léonard, détail

L’arrière-plan paysager était courant dans les portraits de la fin du 17e siècle, de même que l’abondance des textiles entourant les modèles. Rigaud, fils d’un tailleur de vêtements de Perpignan, connaissait depuis son enfance les tissus et il savait les mettre en valeur sur la toile. Les textures, les plis, les moirés associés à un riche chromatisme axé sur le contraste entre les couleurs froides (les bleus et les gris) et le doré donnent à ces bourgeois une allure aristocratique qui était certainement recherchée par le commanditaire.

 

Hyacinthe Rigaud. La famille Léonard, détail

Hyacinthe Rigaud. La famille Léonard, détail

On sait que la distance entre noblesse et bourgeoisie étant considérable au 17e siècle. Pourtant, Hyacinthe Rigaud parvient, par l’image, à rattacher ses modèles à un statut social quasi-aristocratique, alors qu’il s’agissait de commerçants. Il les flatte, tout en maintenant apparente sur le tableau la dimension familiale et les liens affectifs entre les trois personnes. Cette aptitude à conjuguer le portrait d’apparat valorisant le statut social et le portrait psychologique constitue sans doute la principale originalité de ce tableau.

 

Hyacinthe Rigaud. La famille Léonard, détail

Hyacinthe Rigaud. La famille Léonard, détail

 

Autres compositions sur le thème du portrait de famille

Sofonisba Anguissola. La partie d’échecs (1555)

Sofonisba Anguissola. Les sœurs Anguissola jouant aux échecs (1555). Huile sur toile, 72 × 97 cm, Muzeum Narodowe, Poznan. Le portrait devient ici scène de genre. Lucia, à gauche, est opposée à Minerva, à droite. Europa, au centre, sourit en regardant Minerva à laquelle sa sœur a pris deux pièces. Une servante observe la scène sur la droite. L'arrière-plan est constitué d'un feuillage et d'un paysage imaginaire donnant de la profondeur à la composition. Les mouvements de Minerva restent assez rigides mais les expressions sur les visages sont remarquables et les détails des vêtements d'une grande finesse.

Lavinia Fontana. Portrait de la famille Gozzadini (1584)

Lavinia Fontana. Portrait de la famille Gozzadini (1584). Huile sur toile, 253 × 191 cm, Pinacoteca Nazionale, Bologne. Ce portrait d’une riche famille de la noblesse de Bologne recèle une signification cachée. Au premier plan, les deux sœurs Gozzadini, Genevra à gauche et Laudomia à droite. Au centre leur père. Sur les côtés les maris respectifs des deux sœurs. Le père avait promis toute sa fortune à la première de ses filles qui aurait un héritier masculin. Ce fut Genevra. Laudomia a commandé ce tableau pour laisser une image de sa rivalité avec sa sœur. Le père tient la main de la gagnante. Laudomia a également demandé à l’artiste de représenter sa sœur laide.

Rubens, sa femme Hélène Fourment et leur fils Frans (v. 1635).

Pierre Paul Rubens. Rubens, sa femme Hélène Fourment et leur fils Frans (v. 1635). Huile sur bois, 203,8 × 158,1 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. « Ce magnifique portrait montre l'artiste avec sa seconde épouse et l'un de leurs cinq enfants, se promenant dans un "jardin d'amour". L'enfant porte des vêtements féminins et il s'agit probablement de Frans (1633-1678). Il apparaît sans sa sœur aînée parce que cette composition n'est pas un portrait de famille, mais un hommage à Hélène en tant qu'épouse et mère, dont l'un des rôles les plus importants fut de donner un fils à son mari. Les gestes et les regards des deux personnages masculins et les symboles de fécondité comme la fontaine et la cariatide rendent hommage à Hélène, qui a l'innocence et la sérénité d'une sainte » (Notice MET). Cette description est cependant contredite par des historiens et en particulier par Hans Vlieghe qui considère que l'enfant est  Clara-Johanna. La triple robe avec tablier flottant est en effet typique du vêtement porté par les petites filles à cette époque. Lors de la vente de la collection du duc de Marlborough en 1886, le tableau était titré Rubens and Helena Fourment with her firstborn.

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Hyacinthe Rigaud. La famille Le Juge (1699)

Hyacinthe Rigaud. La famille Le Juge (1699). Huile sur toile, 114 × 147 cm, National Gallery, Ottawa. Une autre version de 1706 se trouve au musée Hyacinthe Rigaud de Perpignan. Jean Le Juge était huissier au Grand Conseil. Il meurt en 1707. Son épouse Elisabeth de Gouy deviendra en 1710 madame Rigaud.

Gainsborough. M & Mme Robert Andrews, 1748-50

Thomas Gainsborough. M. & Mme Robert Andrews (1748-50). Huile sur toile, 70 × 119 cm, National Gallery, Londres. Robert Andrews et son épouse Frances Mary, née Carter, se sont mariés en 1748, peu avant que Gainsborough ne peigne ce portrait. Ils sont représentés dans leur propriété des Auberies, près de Sudbury, dans le Suffolk, le village natal de Gainsborough.

Elisabeth Vigée Le Brun. Marie-Antoinette et ses enfants, 1787

Elisabeth Vigée Le Brun. Marie-Antoinette et ses enfants (1787). Huile sur toile, 275 × 215 cm, Château de Versailles. Personnes représentées : Marie-Antoinette, et de gauche à droite : Marie-Thérèse (1778-1851), Louis-Charles (1785-1795) et Louis-Joseph (1781-1789)

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Edgar Degas. La famille Bellelli (1858-67)

Edgar Degas. La famille Bellelli (1858-67). Huile sur toile, 200 × 250 cm, musée d’Orsay, Paris. « Entre 22 et 26 ans, Edgar Degas achève sa formation en Italie, où réside une partie de sa famille. Il représente ici sa tante paternelle, Laure, avec son époux, le baron Bellelli (1812-1864) et ses deux filles, Giula et Giovanna […] La mère est impressionnante de dignité et affirme une autorité un peu sévère, qui tranche avec l'effacement relatif du père. Ce tableau de famille évoque ceux des maîtres flamands, de van Dyck en particulier. Chef d'œuvre des années de jeunesse de Degas, ce portrait évoque les tensions familiales qui murent chacun des personnages dans leur solitude. » (Commentaire musée d’Orsay)

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William Bouguereau. La famille indigente (1865)

William Bouguereau. La famille indigente (1865). Huile sur toile, 122 × 152 cm, Birmingham Museum and Art Gallery. Portrait édifiant de l’académisme finissant, qui pouvait susciter l’apitoiement chez les commanditaires issus de la bourgeoisie.

Frédéric Bazille. Réunion de famille (1867)

Frédéric Bazille. Réunion de famille (1867). Huile sur toile, 152 × 230 cm, Musée d’Orsay, Paris. « Frédéric Bazille est très proche de Renoir et de Monet, chez qui il admire tout particulièrement les scènes de plein air. Profitant d'un séjour estival dans la résidence familiale de Méric, près de Montpellier, il s'attaque à ce motif dans une toile d'assez grand format, en réunissant sur une terrasse dix de ses parents proches, ainsi que lui-même représenté debout, à l'extrême gauche du tableau. » (Commentaire musée d’Orsay)

Gustave Caillebotte. Portraits à la campagne (1876)

Gustave Caillebotte. Portraits à la campagne (1876). Huile sur toile, 95 × 111 cm, musée Baron Gérard, Bayeux. Dans le parc de la propriété familiale de Yerres, Caillebotte saisit un groupe de femmes par un bel après-midi ensoleillé. Il s’agit de sa cousine Marie au premier plan, de sa tante et d’une amie cousant et de sa mère lisant. Caillebotte aime les points de vue atypiques, aussi choisit-il une vue légèrement plongeante lui permettant de placer tout en haut de la toile une allée ensoleillée. Il obtient ainsi un effet de perspective marqué, accentué par l’ombre du premier plan contrastant avec la lumière de l’arrière-plan. A la troisième exposition impressionniste de 1877, où il présente ce tableau, ce choix de composition lui sera reproché. Il le reprendra pourtant en 1878 avec Les orangers.

Emile Friant. La Toussaint (1888)

Émile Friant. La Toussaint (1888). Huile sur toile, 254 × 334 cm, musée des Beaux-arts de Nancy. Ce tableau a obtenu le prix spécial du Salon des Beaux-arts de 1889.  « "Clou" de ce salon, l'œuvre remporte un immense succès et est largement plébiscitée par la presse, valant ainsi à son auteur une reconnaissance nationale.
La scène de La Toussaint se déroule devant l'entrée du cimetière de Préville à Nancy. Elle nous présente une grande famille lorraine, avec ses rites du deuil, sa conception de la charité et les principes d'éducation qui en découlent. Cette frise est une galerie de portraits, comme le sera dix ans plus tard La Douleur. De la petite fille au vieillard, les personnages sont liés les uns aux autres par la pièce de monnaie, geste de charité et seul échange entre deux classes sociales.
Friant n'est pas insensible aux grandes découvertes de l'époque : la photographie, qu'il utilise pour les portraits, l'impressionnisme pour les arrière-plans.
​La jeune femme portant un pot de fleurs sort de ce cadre comme si elle marchait véritablement dans la peinture. » (Commentaire musée des Beaux-arts de Nancy)

John Singer Sargent. Mme Fiske Warren (épouse Osgood) et sa fille Rachel (1903)

John Singer Sargent. Mme Fiske Warren (épouse Osgood) et sa fille Rachel (1903). Huile sur toile, 152 × 103 cm, Museum of Fine Arts, Boston. « Madame Osgood Warren, membre d'une célèbre famille de Boston et poétesse accomplie, pose avec sa fille aînée à Fenway Court, aujourd’hui musée Isabella Stewart Gardner. Les œuvres d'art entourant les figures, tout comme les chaises délicatement sculptées sur lesquelles elles sont assises, soulignent leur raffinement. Sargent apparaît ici comme un virtuose de la technique : notez les touches argentées sur la robe de Mme Warren et l’empâtement blanc, teinté de vert, sur le bras du fauteuil. Sargent souligne la beauté et l'élégance de ses personnages, mais l'affection suggérée par leur pose est contredite par leurs expressions distantes. Ce portrait combine la distinction apparente et la tension sous-jacente. » (Commentaire Museum of Fine Arts, Boston)

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Joaquín Sorolla. Promenade au bord de la mer (1909)

Joaquín Sorolla. Promenade au bord de la mer (1909). Huile sur toile, 205 × 200 cm, musée Sorolla, Madrid. « L’eau et le sable de la plage, traitées en larges touches bleu, mauve et turquoise, deviennent une toile de fond abstraite pour les figures élégantes de sa femme et de sa fille Maria. La brise, suggérée par l’ondulation des vêtements, renforce l’impression de fugacité de la scène, à laquelle contribue également le cadrage éminemment photographique qui coupe la capeline de Clotilde et laisse un espace de sable vide dans la partie inférieure. » (Commentaire portail Spain is Culture)

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