Gabriel Metsu. Femme lisant une lettre (1662-65)
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Patrick AULNAS
Gabriel Metsu. Femme lisant une lettre (1662-65)
Huile sur bois, 53 × 40 cm, National Gallery of Ireland, Dublin.
Image HD sur WIKIMEDIA COMMONS
Contexte historique
Le 17e siècle, qualifié de siècle d’or de la peinture hollandaise, apparaît dans ce pays comme une époque de renouvellement artistique majeur. La prospérité économique provoque l’émergence d’une riche bourgeoise commerçante dont les goûts sont très éloignés de ceux de l’aristocratie ou du clergé, commanditaires traditionnels des œuvres d’art. Paysages, natures mortes et scènes de genre prennent ainsi une place importante, alors qu’ils étaient considérés comme des genres mineurs par l’Académie royale de Paris.
Dans le domaine de la scène de genre, de très grands artistes ont marqué l’histoire de l’art : Johannes Vermeer, bien entendu, mais aussi Pieter de Hooch, Gabriel Metsu, Jan Steen. Après avoir peint des scènes d’auberge et des scènes militaires et le succès aidant, Metsu se dirige vers des sujets plus intimistes intéressant particulièrement ses riches commanditaires d’Amsterdam. Le thème de la lettre d’amour est fréquent et renvoie toujours à un certain mystère entourant les femmes. Ce sont des hommes qui peignent et qui restituent leur approche interrogative, voire parfois soupçonneuse, de l’univers féminin.
Analyse de l’œuvre
Gabriel Metsu. Femme lisant une lettre, détail
Dans un intérieur bourgeois, une jeune femme lit une lettre éclairée par la lumière du jour provenant de la fenêtre. Elle lui a probablement été transmise par la servante se trouvant à ses côtés. La jeune femme cousait et a laissé tomber un dé que l’on aperçoit au premier plan. Sa chaussure sur le carrelage est un autre signe de précipitation. Le peintre cherche à matérialiser par ce désordre relatif l’émotion provoquée par la réception de la lettre. Le spectateur va en général en inférer qu’il s’agit d’une lettre d’amour. Toutes les hypothèses sont possibles : lettre de son fiancé ou d’un homme dont elle est amoureuse, adultère ou même lettre de son mari parti en voyage.
Gabriel Metsu. Femme lisant une lettre, détail
La marine partiellement cachée par un rideau soulevé par la servante est interprétée par le musée de Dublin comme une comparaison courante à l’époque entre l’amour et une mer agitée. La servante porte un seau à provision utilisé pour se rendre au marché. Les flèches dessinées sur le seau et dirigées vers la lectrice symbolisent également l’amour.
Gabriel Metsu. Femme lisant une lettre, détail
La servante tient à la main une autre lettre qui, selon la National Gallery of Ireland, est adressée à « M. / Metsu / tot Amst [erdam] / Port. ». Il s’agit d’une manière humoristique pour Metsu de signer son œuvre.
Gabriel Metsu. Femme lisant une lettre, détail
La curiosité du chien permet au peintre d’introduire un élément de fantaisie.
La pièce dans laquelle se déroule la scène n’est pas une pièce de réception si on en juge par l’estrade en bois et l’état du mur sur lequel apparaissent des clous. De ce point de vue, la composition de Metsu peut être rapprochée de La laitière de Vermeer.
Johannes Vermeer. La laitière (1660)
Huile sur toile, 45,5 × 41 cm, Rijksmuseum, Amsterdam.
Même angle de pièce, même fenêtre à gauche, même jaune des vêtements, même mur gris pâle avec un travail très remarquable sur les ombrages. Cependant, d’un point de vue thématique, c’est à un autre tableau de Vermeer que l’on songe, conservé dans le même musée que celui de Metsu :
Johannes Vermeer. Une dame écrivant une lettre et sa servante (1670-71)
Huile sur toile, 72,2 × 59,7 cm, National Gallery of Ireland, Dublin.
Chez Vermeer, l’intérieur est beaucoup plus élégant avec un grand tableau en arrière-plan, des meubles de qualité et un vitrail à la fenêtre. On pourra remarquer également la présence de la chaussure sur le sol. Dans le contexte d’extrême pruderie de l’époque, le simple fait d’enlever sa chaussure évoquait immédiatement l’intimité, voire l’érotisme dans l’esprit masculin. Ce sont des hommes qui peignent et cherchent à transposer picturalement leurs fantasmes par une symbolique acceptée des commanditaires.
Les relations épistolaires constituent un sujet traité avec une délicatesse particulière par les peintres hollandais du siècle d’or. Ils parviennent à évoquer pleinement la quiétude des demeures bourgeoises. On retrouve chez Metsu l’extrême minutie dans la représentation des détails, la lumière douce et les ombres légères, l’harmonie des gris et des blancs, le choix du jaune et du bleu pour éclairer la composition.
Autres compositions sur le même thème dans la peinture hollandaise du 17e siècle
Johannes Vermeer. La liseuse à la fenêtre (1657-59). Huile sur toile, 83 × 64,5 cm, Gemäldegalerie, Dresde. Premier opus du thème de la lettre chez Vermeer. Il y en aura plusieurs autres (voir ci-après). Nous sommes vraiment ici dans l'intimisme vermeerien : calme, solitude, personnage absorbé par son univers intérieur. L'observateur du tableau a toute liberté pour interpréter la scène, mais chacun pense d'abord à une lettre d'amour. Le rideau au premier plan est un artifice de composition, courant à l'époque, recherchant l'effet théâtral : le spectateur surprend ce qu'il n'était pas censé voir. Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE
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Gabriel Metsu. Jeune femme assise lisant une lettre (1658-61). Huile sur bois, 26 × 21 cm, The Leiden Collection, New York. « Gabriel Metsu était un maître pour restituer l’ambiance d’attente et d’anticipation qui apparaît à la lecture d’une lettre d'un être cher. Ici, une jeune femme, assise discrètement près de son panier de couture, avec un coussin sur les genoux, regarde vers le bas pour lire la lettre reçue alors qu'elle était diligemment occupée à ses travaux d'aiguille. La scène est calme et statique, le seul semblant de mouvement étant le léger sourire qui traverse son visage à la lecture de la missive de son amant. Bien qu’ignorant le texte, le spectateur est un témoin silencieux de ce moment tendre et intime. Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE
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Johannes Vermeer. La Femme en bleu lisant une lettre (1662-65). Huile sur toile, 46,6 × 39,1 cm, Rijksmuseum, Amsterdam. La fenêtre à gauche, source de l'éclairage, n'est pas visible ici. Le cadrage est plus rapproché. On retrouve une carte affichée au mur, à l'arrière-plan, comme dans plusieurs autres tableaux du peintre. L'utilisation du bleu dominant est atypique chez Vermeer. Le dépouillement de cette composition et sa puissance émotionnelle la place parmi les chefs-d'œuvre. Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE
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Pieter de Hooch. Femme lisant une lettre (1664). Huile sur toile, 55 ×55 cm. Szépmûvészeti Múzeum, Budapest. De Hooch place la scène en début d'après-midi avec une lumière qui irradie magnifiquement sur la liseuse. |
Johannes Vermeer. La lettre d'amour (1669-70). Huile sur toile, 44 × 38,5 cm, Rijksmuseum, Amsterdam. Le spectateur indiscret surprend une servante venant de remettre une lettre d'amour à sa maîtresse qui jouait du luth. Pour produire cette impression d'indiscrétion, le peintre a axé sa composition sur l'effet de profondeur. Tout au fond, à travers l'ouverture d'une porte, la scène se dessine. Le dallage au sol accentue l'effet. |
Johannes Vermeer. Une dame écrivant une lettre et sa servante (1670-71). Huile sur toile, 72,2 × 59,7 cm, National Gallery of Ireland, Dublin. Dans une riche demeure bourgeoise, une femme rédige une lettre qu'elle remettra à sa servante jouant le rôle de messagère. Le peintre oppose les attitudes des deux femmes, l'une occupée et dominante, l'autre patientant en regardant par la fenêtre. L'éclairage de la scène, remarquablement réussi, relève du registre habituel de Vermeer, tout comme le tableau (une scène biblique) à l'arrière-plan. Certains ont glosé sur les rapports entre la scène biblique et la scène du tableau. Nous sommes en terre protestante et la Bible a une importance toute particulière qu'il est toujours possible de commenter. Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE |
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