Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints (v. 1385-87)

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Patrick AULNAS

L’œuvre d’Agnolo Gaddi (v. 1350-1396) constitue une transition vers le gothique tardif, dont son disciple Lorenzo Monaco (1370-1424) sera l’un des principaux représentants. Le triptyque de la Vierge à l’Enfant avec des saints illustre bien cette évolution par sa luminosité et l’élégance de ses figures.

 

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints (v. 1385-87)

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints (v. 1385-87)
Tempera sur bois, 204 × 240 cm, National Gallery of Art, Washington.
Image HD sur NATIONAL GALLERY OF ART

 

Provenance du triptyque

L’hypothèse la plus probable situe l’implantation d’origine du triptyque dans la sacristie de l’église San Miniato al Monte située sur une colline proche de Florence.

 

Basilique San Miniato al Monte à Florence

Basilique San Miniato al Monte à Florence

 

La façade blanche de l’église, de style roman, date de 1090. La riche famille florentine Alberti est considérée comme le mécène car Benedetto di Nerozzo Alberti (v. 1320-1388) a laissé des fonds pour la décoration de l’église dans un codicille daté de 1387 qui a été annexé à son testament de 1377. Certains saints représentés sur le triptyque étaient les patrons de membres de la famille Alberti. Le retable était probablement encore à sa place initiale en 1830, mais il avait disparu en 1836. Il a donc été vendu par l’organisme religieux propriétaire du mobilier de l’église, probablement la Pia Opera degli Esercizi Spirituali.

Le triptyque a ensuite été cédé à plusieurs reprises avant d’être donné à la National Gallery of Art en 1937 par le Fonds A. W. Mellon (The A.W. Mellon Educational and Charitable Trust).

 

Analyse de l’œuvre

L’agencement général du triptyque est un classique du 14e siècle. Sur un fond or évoquant l’architecture d’une église, avec des colonnettes torsadées encadrant les panneaux, apparaissent les figures de la Vierge à l’Enfant et de saints. Dès 1333, Simone Martini et Lippo Memmi avaient adopté ce modèle pour leur Annonciation avec sainte Maxime et saint Ansan. Le triptyque d’Agnolo Gaddi confirme une évolution de plus d’un demi-siècle sans modifier radicalement l’approche artistique. Parmi les nombreuses œuvres du même type, dont beaucoup ont disparu, il constitue cependant un chef-d’œuvre par la maîtrise de la thématique religieuse et l’exceptionnelle réussite chromatique. Seuls les plus grands artistes parvenaient à représenter les figures religieuses connues de tous avec une humanité n’écartant jamais la profonde spiritualité chrétienne de l’époque.

 

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints, panneau central

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints, panneau central

 

 

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints, détail

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints, détail

 

Sur le panneau central, la Vierge à l’Enfant conserve les caractéristiques générales du début du 14e siècle, présentes dans la Vierge d’Ognissanti de Giotto (v. 1610). Le trône est toujours utilisé pour simuler la tridimensionnalité et douze anges ailés encadrent la Vierge. Mais la Vierge d’Agnolo Gaddi est placée dans un décor beaucoup plus abondant que celle de Giotto. L’austérité des anges a disparu, principalement avec les vêtements de couleurs vives. Leur caractère androgyne a sensiblement évolué vers la féminité. Ces éléments marquent une nette évolution vers le gothique international. Un Christ bénissant a été placé au-dessus de la Vierge.

 

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints, panneau de gauche

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints, panneau de gauche

 

 

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints, détail

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints, détail

 

Les quatre saints représentés sur les panneaux latéraux ont chacun un rapport avec la famille Alberti, commanditaire. Sur le panneau de gauche apparaissent saint André et saint Benoît surmontés de l’archange Gabriel. Saint André, à gauche, est l’un des douze apôtres accompagnant Jésus-Christ et le frère de saint Pierre. Alors qu’il voyageait pour prêcher l’Évangile, il fut arrêté et condamné à mourir sur la croix. Il est représenté tenant la croix de son supplice et la corde qui fut utilisée, au lieu de clous, pour l’attacher. André est le saint patron d’un fils décédé de Benedetto Alberti.

À côté de saint André, saint Benoît, considéré comme le fondateur du monachisme occidental, présente la règle qui régissait les moines bénédictins de San Miniato. Benoît était le saint patron de Benedetto Alberti

 

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints, panneau de droite

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints, panneau de droite

 

 

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints, détail

Agnolo Gaddi. Vierge à l’Enfant avec des saints, détail

 

Sur le panneau de droite figurent saint Bernard et sainte Catherine d’Alexandrie, surmontés d’une Vierge de l’Annonciation répondant à l’archange Gabriel du panneau de gauche. Fondateur de l’abbaye de Clairvaux (Aube), saint Bernard eut une influence majeure sur l’Église de son époque. Il mourut entouré des six cents religieux de son abbaye et son corps fut déposé dans la chapelle du couvent. Il fut canonisé vingt-et-un ans après sa mort par le pape Alexandre III (1105-1159). Il était le patron d'un autre fils de Benedetto Alberti.

Au 4e siècle, Catherine d’Alexandrie aurait tenté de convertir au christianisme l’empereur romain Maximien (vers 250-310). Il la mit à l’épreuve en lui demandant de convertir cinquante savants. Elle réussit. Il les fit exécuter et proposa le mariage à Catherine. Elle refusa. Il la fit torturer puis décapiter. Gaddi la représente debout sur la roue à pointes de son supplice. Au Moyen Âge, un lien étymologique était établi entre Catherine et le mot latin catena (chaîne). Les armoiries de la famille Alberti comportant deux chaînes entrecroisées, il est possible que la présence de sainte Catherine se justifie ainsi. En réalité, le prénom Catherine vient du grec katharos (pure).

 

Armoiries de la famille Alberti

Armoiries de la famille Alberti

 

Le triptyque est constitué de cinq planches de peuplier d’égales largeurs et d’une épaisseur de 4 à 4,5 cm. Le support en bois est recouvert d’un gesso étalé sur une couche intermédiaire de tissu. La peinture est principalement la tempera à l’œuf, mais certains pigments sont liés avec de la colle. Le bon état actuel du triptyque résulte d’une restauration qui a eu lieu entre 1988 et 1991. Les colonnettes séparant les panneaux avaient disparu et elles ont été reconstituées. Certains plis de la robe de la Vierge ont dû être recréés.

 

Evolution du thème du début du 14e siècle au début du 15e siècle

Il a fallu un siècle pour aboutir à la délicatesse et à l’extrême élégance du Triptyque de l'Annonciation (1410-15) de Lorenzo Monaco. Mais dès 1333, le ton était donné par Simone Martini et Lippo Memmi.

 

Giotto. Vierge d'Ognissanti (v. 1310)

Giotto. Vierge d'Ognissanti (v. 1310). Tempera sur bois, 325 × 204 cm, Galerie des Offices, Florence. Ce retable se trouvait initialement dans l'église des Ognissanti à Florence. Il s'agit d'une Maestà, c'est-à-dire d'une Vierge en majesté placée sur un trône et entourée d'anges. Elle est considérée comme la reine des cieux. Giotto recherche un effet de profondeur par l'alignement des personnages latéraux et l'architecture complexe du trône.
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Simone Martini et Lippo Memmi. Annonciation avec sainte Maxime et saint Ansan (1333)

Simone Martini et Lippo Memmi. Annonciation avec sainte Maxime et saint Ansan (1333). Tempera sur bois, fond doré, 305 × 265 cm, Galerie des Offices, Florence. « Le tableau signé et daté a été achevé pour l’autel de Saint-Ansan dans le transept de la cathédrale de Sienne, dédié à l’Assomption de la Vierge Marie. L’archange Gabriel apparaît à la Vierge Marie pour lui annoncer la naissance prochaine de Jésus et la salue avec les mots indiqués sur l’inscription en relief sur fond d’or : « AVE GRATIA PLENA DOMINUS TECUM » [Je vous salue Marie, pleine de grâce, le seigneur est avec vous].
L’apparition de l’ange est soudaine, comme le suggèrent la cape flottante et les ailes déployées. Marie est bouleversée, recule et s’enveloppe dans son manteau. L’environnement de la scène n’est pas défini, mais les quelques éléments qui y sont représentés – le sol en marbre, le trône richement gravé, les tissus précieux, le livre que Marie lisait avant l’apparition céleste – évoquent le mode de vie des classes les plus aisées au XIVe siècle.
Au-dessus, au centre de la scène, l’Esprit Saint est représenté sous la forme d’une colombe entourée d’anges, dans l’alignement du vase de lys, symbole du Fils de Dieu et de la pureté de la Vierge Marie. Les rouleaux tenus par les prophètes représentés dans le tondo inséré dans le cadre font allusion au mystère de l’incarnation : de gauche à droite, Jérémie, Ezéchiel, Isaïe et Daniel.
Les figures placées de part et d’autre de l’Annonciation représentent le martyr Ansanus, l’un des saints patrons de Sienne, portant la bannière aux couleurs de la ville, et une sainte martyre, peut-être Maxima, la mère d’Ansanus, ou Marguerite ; l’inscription à ses pieds, qui l’identifie comme Judith, est incorrecte.
L’inscription indiquant les deux peintres siennois Simone Martini et Lippo Memmi comme créateurs du retable est originale, bien que les critiques d’art aient tendance à attribuer à Simone la majeure partie de la conception et de l’exécution de ce tableau aux multiples détails. Cette œuvre constitue l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la peinture du XIVe siècle en Europe. Amie du poète Francesco Pétrarque et mandatée par d’illustres clients tels que la Maison d’Anjou et la Papauté d’Avignon, Simone partagea un atelier avec Lippo Memmi et les deux devinrent beaux-frères lorsque Simone épousa la sœur de Memmi. » (Commentaire Daniela Parenti pour la Galerie des Offices)
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Ambrogio Lorenzetti. Maestà (1335-36)

Ambrogio Lorenzetti. Maestà (1335-36). Tempera sur bois, 161 × 206,5 cm, Museo d’Arte Sacra di San Pietro all’Orto, Massa Marittima. « Dans une composition pyramidale qui culmine au centre du retable se détachent, représentées à une échelle qui surpasse tous les autres personnages, les figures de la Vierge et de l’Enfant autour desquelles s’articule le programme iconographique complexe de cette Maestà. La typologie de la Vierge peinte par Ambrogio est inspirée du modèle byzantin de la Glikophilosa déjà adopté dans les précédents grands modèles que sont la Maestà de Duccio ou celle de Simone Martini. Dans le cas présent, l’artiste renouvelle le thème en unissant dans une plus grande étroitesse les visages et les regards mutuels de la mère et de l’enfant, tout en évoquant une formule mise en œuvre plus discrètement par Duccio. Tous deux sont assis sur un trône hissé au sommet de trois marches. Ces marches, qui montent vers le trône marial, se distinguent les unes des autres par leur couleur respective, blanc, vert, rouge ; sur chacune d’elles, ont pris place trois figures féminines dont les ailes signalent le caractère allégorique : il s’agit des trois Vertus théologales – Foi, Espérance, Charité – que l’on peut identifier grâce à leurs attributs symboliques […]
La foule des personnages qui constituent la cour céleste est particulièrement dense. On y distingue, occupant les lunettes formées au sommet du support pictural, des prophètes qui tous, depuis la nuit des temps, ont préfiguré la venue du Christ et l’avènement d’une ère nouvelle. De part et d’autre du trône de la Vierge, les saints sont alignés sur plusieurs rangées. » (Commentaire Guide artistique de la province de Sienne)

Lorenzo Monaco. Triptyque de l'Annonciation (1410-15)

Lorenzo Monaco. Triptyque de l'Annonciation (1410-15). Tempera sur bois, 206 × 231,5 cm, Galerie de l’Académie, Florence. Ce triptyque fut commandé pour l'église San Procolo de Florence. La scène centrale est une Annonciation, épisode de la tradition chrétienne au cours duquel l’archange Gabriel (en rose) annonce à la Vierge Marie la naissance prochaine du Christ (maternité divine de la Vierge selon le dogme chrétien). Au-dessus figure un tondo du Christ bénissant. Les panneaux latéraux se refermaient sur la scène centrale et n’étaient ouverts que pour les cérémonies religieuses.
Panneau de gauche : sainte Catherine d'Alexandrie et saint Antoine abbé. Panneau de droite : saint Proculus et saint François d'Assise. Les noms de personnages figurent sur les cartels apparaissant à la base du retable.

 

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