Annibal Carrache
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Patrick AULNAS
Autoportrait
Annibal Carrache. Autoportrait
Huile sur toile, 57 × 68 cm, Galerie des Offices, Florence
Biographie
1560-1609
Né en 1560 à Bologne où son père était tailleur, Annibale Carracci (en français Annibal Carrache) a d’abord appris le métier paternel. C’est son cousin, le peintre Lodovico Carracci (1555-1619), qui remarqua ses dons pour la peinture, la lui enseigna et lui permit ensuite d’étudier les grands maîtres italiens de l’époque : Le Corrège (1489-1534) à Parme, Le Tintoret (1518-1594) et Véronèse (1528-1588) à Venise. De retour à Bologne, Carrache va devenir l’un des grands peintres représentatifs de l’art religieux voulu par le concile de Trente (1545-1563).
Avec son frère Agostino et son cousin Lodovico, Annibal Carrache fonde à Bologne en 1585 l’Académie des Incamminati (Accademia degli Incamminati). En réaction au maniérisme du 16e siècle, l’Académie propose un style nouveau qui puise son inspiration dans l’art de l’Antiquité et les maîtres de la Haute Renaissance italienne. L’Académie des Carrache est à la fois une école, dans laquelle les étudiants apprennent le dessin et copient les grands maîtres, et une institution culturelle visant à diffuser une conception stylistique nouvelle.
Annibal Carrache. Domine, quo vadis ? (1601-02)
Huile sur bois, 77,4 × 56,3 cm, National Gallery, Londres.
Analyse détaillée
A Bologne Annibal Carrache peint des portraits, des paysages ou des scènes de genre. Il est remarqué par le cardinal Odoardo Farnèse (1573-1626) pour les décors des palais Fava et Magnani réalisés avec son frère Agostino (1557-1602) et son cousin Lodovico. En 1595, le cardinal l’appelle à Rome pour décorer son palais. Pendant huit ans, il travaillera dans le palais Farnèse, décorant seul la voûte de la grande galerie (20 m de long sur 5 m de large). Nicolas Poussin (1594-1665) déclarera qu’il s’agit d’une des merveilles de l’art. Les parois ont été réalisées en famille et avec l’aide des élèves d’Annibal Carrache. Mais cette œuvre colossale est mal accueillie par le cardinal Farnèse qui ne donne que 500 écus à Carrache pour prix de son travail. L’artiste est profondément meurtri par tant d’injustice et il ne parviendra pas à sortir d’une grave mélancolie (que nous appellerions sans doute dépression aujourd’hui).
Annibal Carrache meurt à Rome en 1609 et, selon son vœu, il est inhumé auprès de Raphaël (1483-1520).
Œuvre
Il est courant d’associer les deux frères (Annibal et Agostino), et le cousin (Lodovico ou Ludovico) sous l’appellation Les Carrache. Si la plus forte personnalité artistique est Annibal, ils ont souvent constitué une équipe, en particulier pour fonder et animer leur académie ou pour décorer le palais Farnèse.
Les Carrache ont joué un rôle de premier plan car leur académie est à la racine du dépassement du maniérisme et de l’implantation du classicisme du 17e siècle, en particulier en France. Doivent-ils être rattachés au baroque ou au classicisme ? Bien entendu, une telle question n’a pas de réponse. Toute classification se heurte à des problèmes de limites et dans le domaine artistique, ces limites sont assez floues. Du baroque, les Carrache possèdent le réalisme, la volonté de revenir à la nature, qui se manifeste en particulier dans la valorisation du paysage, genre considéré comme secondaire auparavant. Leur nature est cependant assez nettement idéalisée, car l’inspiration provient de Raphaël et le culte du beau est un élément central. C’est plutôt le vrai que le réel qui est recherché : respect du modèle, minutie dans l’exécution s’opposent à l’exagération, à la volonté manifeste de briller par une fantaisie débridée propre au maniérisme.
Mais la peinture des Carrache correspond également à certaines caractéristiques du classicisme : rigueur de la composition, importance du dessin (ils cherchent à concilier dessin et couleur). Leur œuvre majeure, les fresques du palais Farnèse à Rome, illustre bien cette double inspiration : réalisme et mouvement, mais composition parfaitement équilibrée et contours nettement apparents qui indiquent l’importance accordée au dessin.
Annibal Carrache. Paysage fluvial (1590)
Huile sur toile, 89 × 148 cm, National Gallery of Art, Washington.
Ces innovations et cette pondération vont séduire Nicolas Poussin (1594-1665) et influer en France sur l’Académie Royale de peinture et de sculpture et, par suite, sur toute la peinture des 17e et 18e siècles.
Le mangeur de fèves (1580-90). Huile sur toile, 57 × 68 cm, Galleria Colonna, Rome. Annibal Carrache a commencé par des scènes de genre très réalistes. Une telle approche n'est pas commune au 17e siècle, d'autant que ce tableau, sans aucun artifice de composition, acquiert paradoxalement une modernité surprenante. |
Paysage fluvial (1590). Huile sur toile, 89 × 148 cm, National Gallery of Art, Washington. Il s'agit toujours, à cette époque, de paysages reconstitués en atelier à partir d'esquisses prises sur le vif. Le peintre cherche à nous proposer un idéal du paysage, non à représenter fidèlement un paysage existant. Cela n'exclut pas l'exactitude des détails. |
La pêche (avant 1595). Huile sur toile, 136 × 253 cm, musée du Louvre, Paris. « Dans un paysage de campagne, le peintre met en place plusieurs groupes de personnages qui forment autant de petites scènes de genre. Chacune d'elles semble prise sur le vif bien que réunies artificiellement dans un même espace. » (Notice musée du Louvre) |
Le choix d’Hercule (1596). Huile sur toile, 167 × 273 cm, Museo Nazionale di Capodimonte, Naples. Le jeune Hercule est confronté au choix entre le chemin laborieux, mais glorieux, de la Vertu, et celui séduisant, mais avilissant, de la Volupté. Ce thème, inspiré de Xénophon et de Cicéron, est souvent repris dans les littératures européennes des 15e et 16e siècles. |
Adonis découvrant Vénus (1595). Huile sur toile, 217 × 246 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne. Illustration de la mythologie antique dans laquelle les dieux sont impliqués dans de multiples et inextricables histoires de guerre et d’amour. Adonis est un mortel réputé pour sa beauté. Vénus est la déesse de l’amour dans la mythologie romaine (elle s’appelle Aphrodite chez les grecs). |
Portrait de Giovanni Gabrielli jouant du luth (1599-1600). Huile sur toile, 77 × 64 cm, Gemäldegalerie Alte Meister, Dresde. Giovanni Gabrieli (ou Gabrielli), né vers 1554 ou 1557 à Venise, mort en 1612 en cette ville, est un compositeur italien. |
Galerie Farnèse (1597-1602). Le palais Farnèse est un palais de la haute Renaissance de Rome. Depuis 1874, il est le siège de l’ambassade de France en Italie et, depuis 1876, de l’École française de Rome. |
Le Triomphe de Bacchus et d’Ariane (voûte du palais Farnèse, 1597-1602). Fresque. Annibal Carrache représente le Triomphe de Bacchus et d'Ariane, tous deux montés sur des chars marchant de front et traînés par des tigres et des boucs blancs. Autour, apparaissent des faunes, des satyres, des bacchantes qui leur font cortège. |
Triomphe de Bacchus et d’Ariane (voûte palais Farnèse détail, 1597-1602). Fresque. |
Domine, quo vadis ? (1601-02). Huile sur bois, 77,4 × 56,3 cm, National Gallery, Londres. Au moment de la crucifixion, l’apôtre Pierre avait renié le Christ (« Je ne connais pas cet homme »). Après la mort du Christ, Pierre part pour Rome. Le Christ lui apparaît sur la via Appia près de la ville. Pierre lui demande « Où vas-tu, Seigneur ? » (en latin « Domine, quo vadis ? »). Le Christ répond : « Je vais à Rome me faire crucifier une seconde fois ». Pierre décide alors de ne plus fuir. Il retourne à Rome et il est crucifié à sa demande. |
Vénus endormie avec des amours (1602-03). Huile sur toile, 190 × 328 cm, Musée Condé, Chantilly. Les Vénus endormies ou allongées prolifèrent dans la peinture occidentale : Giorgione (Vénus endormie, 1510), Titien (Vénus d’Urbino,1538), Gentileschi (Vénus endormie, 1625-30). Manet détournera le thème en 1863 avec son Olympia. |
La fuite en Egypte (1603). Huile sur toile, 122 × 230 cm, Galleria Doria Pamphilj, Rome. Ce paysage appartient à une série de six lunettes illustrant des épisodes de la vie de la Vierge exécutés par Annibal Carrache et ses disciples à Rome, pour la chapelle du palais du cardinal Pietro Aldobrandini (1571-1621). |
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