Le paysage au 16e siècle
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Patrick AULNAS
4. L'art du paysage au 16e siècle
C'est au 16e siècle que le paysage devient un genre pictural à part entière. Si l'on excepte les aquarelles d'Albrecht Dürer à l'extrême fin du 15e, l'art du paysage restait jusqu'alors accessoire : arrière-plan de portraits ou de scènes religieuses, scènes de chasse ou de guerre. Le tableau avait un autre sujet. Ces thématiques subsistent au 16e siècle, mais, peu à peu, certains artistes vont s'intéresser au paysage pour lui-même, en faire le sujet principal de leur composition. L'éclosion de la peinture paysagère est très progressive et des personnages ayant une place plus ou moins importante parsèment presque toujours les paysages du 16e siècle. Deux tendances principales apparaissent, l'une en Italie, l'autre en Flandre. Le traitement du paysage par les artistes allemands emprunte aux deux tendances principales avec des caractéristiques culturelles germaniques. En France, l'influence italienne est prépondérante.
Le paysage arcadien des italiens
Dosso Dossi. Les trois âges de la vie (1518-20)
Huile sur toile, 77,5 × 111,8 cm, Metropolitan Museum of Art, New York.
Le locus amoenus de la poésie antique est remis à la mode en 1504 lorsque paraît à Venise le livre de Jacopo Sannazaro (v. 1455-1530), L'Arcadie. A la fois récit autobiographique et poème allégorique, l'ouvrage connaît un succès considérable. Le thème principal relate les mésaventures de Sincero, parti vivre en Arcadie au milieu des bergers pour se consoler d'un chagrin d'amour. Il participe à leurs fêtes et à leurs concours de poésie. La parution du roman pastoral de Sannazaro coïncide opportunément avec le développement à Venise de la mode de la villégiature, ce qui explique sans doute son succès. L'aristocratie de la Sérénissime République, enrichie dans le commerce, avait investi une grande partie de ses capitaux dans des domaines ruraux. Le noble vénitien Alvise Cornaro (1464-1566) se fit, à travers plusieurs recueils de conseils sur la vie saine, le chantre de la vie à la campagne. Il vécut plus que centenaire et son influence sur le mode de vie de la noblesse vénitienne aboutit à valoriser les séjours dans les domaines ruraux. La mode de la villégiature était née.
La valorisation culturelle du mode de vie rural, d'abord littéraire et poétique, va s'étendre à la philosophie et à la peinture. L'influence de Caterina Cornaro (1454-1510) fut importante à cet égard. Appartenant à la famille patricienne des Cornaro, comme Alvise, elle fut brièvement reine de Chypre à la suite de son mariage avec Jacques II, le souverain de l'île. Après la mort de son mari, elle revient à Venise et la République lui attribue le fief d'Assolo, tout en maintenant son rang de reine. Sous son influence, une véritable cour naîtra à Assolo, petite bourgade située près de Trévise, attirant l'élite intellectuelle européenne. Le castello de Catarina Cornaro est encore visible aujourd'hui à Assolo.
Cette ambiance intellectuelle a une influence prépondérante sur la peinture vénitienne. Les œuvres de Giorgione et certaines œuvres de jeunesse de Titien sont issues de cette culture et ne se comprennent que par rapport à elle.
Giorgione. La tempête (v. 1505). Huile sur toile, 82 × 73 cm, Galerie de l'Académie, Venise. Des interprétations diverses, à caractère mythologique ou littéraire, ont été proposées pour ce tableau. Elles n'intéressent que les spécialistes. C'est la poésie émanant de l'image qui frappe l'observateur. Sans doute provient-elle du mystère des deux personnages sur fond de nature déchaînée. Le jeune soldat regarde une femme nue allaitant son enfant. L'orage éclate à l'arrière-plan sans entamer la quiétude des personnages. La composition comporte en fait l'agencement de quatre éléments qui lui donnent une dimension universelle : l'homme et la femme, absorbés dans leurs pensées, les réalisations humaines (les constructions) et la nature qui domine l'ensemble. |
Giorgione. Le coucher de soleil (1506-10). Huile sur toile, 73 × 91 cm, National Gallery, Londres. L'attribution à Giorgione reste incertaine, mais le style et l'ambiance sont propres au peintre. L'interprétation est rendue difficile par des ajouts tardifs. Le saint Georges à cheval a été ajouté en 1934 car la peinture d'origine était écaillée. L'analyse aux rayons X a montré à cet emplacement la queue d'un dragon. Le monstre dans la rivière est aussi un ajout. Le personnage au premier plan soignant une plaie pourrait être Saint Roch. Selon la légende chrétienne, Roch, natif de Montpellier au 14e siècle, étudia la médecine dans sa jeunesse. A sa majorité, il distribua tous ses biens aux pauvres et parcourut l'Italie pour soigner les malades de la peste. Il finit lui-même par être contaminé. Le titre italien du tableau, Il Tramonto (le coucher de soleil), évoque le paysage et non les anecdotes concernant les personnages. C'est sans doute ainsi qu'il faut regarder cette œuvre. |
Titien. Concert champêtre (v. 1509). Huile sur toile, 105 × 137 cm, musée du Louvre, Paris. « Traditionnellement attribué à Giorgione, Le Concert champêtre est considéré à présent comme une œuvre de jeunesse de Titien » (Notice musée du Louvre). Ce tableau est une mise en image du roman pastoral de Jacopo Sannazaro, L'Arcadie, publié en 1504. L'Arcadie ou l'âge d'or est représentée par les nymphes dénudées ; le présent de l'artiste par le joueur de luth élégamment vêtu, chantant la poésie arcadienne à un paysan assis à ses côtés. L'ancien motif du locus amoenus est ainsi renouvelé puisque le lieu idyllique des poètes s'inscrit par la magie de l'image dans le présent idéalisé. |
Dosso Dossi. Les trois âges de la vie (1518-20). Huile sur toile, 77,5 × 111,8 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. L'idylle champêtre se déroule dans le locus amoenus tel que le concevaient les poètes de l'Antiquité. Dossi combine ce thème avec une allégorie des trois âges de la vie représentés par les trois couples de figures. Les plus âgés conversent à l'ombre d'un bosquet, selon la tradition antique. Le peintre ne propose pas une représentation fidèle de la nature mais une illustration d'une approche poétique. |
Titien. Bacchus et Ariane (1520-23). Huile sur toile, 176 × 191, National Gallery, Londres. Mythologie grecque et romaine. Ariane (en bleu à gauche) se trouve sur l'île de Naxos où son amant Thésée l'a abandonnée. Le dieu Bacchus (cape rose) la découvre. Il apparaît sur un char tiré par deux guépards et accompagné de toute une procession mythologique (satyres, ménades). Tout cet attirail mythologique est aujourd'hui de peu d'importance. Il reste une composition picturale où la couleur est au service du mouvement, sur fond de paysage arcadien. En traçant une diagonale bas-gauche vers haut-droite, on obtient deux triangles. Dans celui de gauche, les deux figures d'Ariane et de Bacchus se détachent sur un fond de ciel bleu et de nuages. Dans celui de droite, le cortège accompagnant Bacchus est traité avec des nuances d'ocre et de brun sur un arrière-plan végétal vert. Le coloriste Titien est en pleine possession de ses moyens. |
Corrège. Léda avec le cygne (1531-32). Huile sur toile, 152 × 191 cm, Staatliche Museen, Berlin. Quatrième tableau évoquant les amours de Jupiter commandé par Frédéric II Gonzague de Mantoue (1500-1540), comme présent pour Charles Quint (1500-1558), empereur du Saint Empire romain germanique. Selon le récit mythologique, Zeus prit la forme d'un cygne pour séduire Léda, fille du roi d'Étolie. De ces amours naquirent deux enfants, Hélène et Pollux. Le paysage est un élément essentiel de l'œuvre. |
Véronèse. Paysage (1560-61). Fresque, Villa Barbaro, Maser. A Maser (province de Trévise), Véronèse fut chargé de décorer la villa du cardinal Daniele Barbaro (1514-1570) qui venait d'être construite par l'architecte Andrea Palladio (1508-1580). Ce paysage imaginaire associe végétation, ruines antiques, personnages et animaux. Son format atypique est un choix délibéré de l'artiste. Il permet d'accentuer le côté majestueux. Le génie de coloriste de Véronèse s'applique aussi aux paysages. |
François Clouet. Le bain de Diane (v. 1565). Huile sur bois 136 × 196 cm, Musée des Beaux-arts de Rouen. Le paysage arcadien des italiens influence la peinture française du 16e siècle, comme le montre ce paysage idyllique, cadre de vie des divinités antiques. Diane est la déesse de la chasse et de la lune. Elle est la fille de Jupiter et de Latone et la sœur jumelle d'Apollon. Cette scène mythologique est en fait un tableau à code qui permet à Clouet de mettre en scène les hauts personnages de l'époque : Diane est Catherine de Médicis (assise), et les deux nymphes sont Diane de Poitiers (avec le voile blanc) et Marie Stuart (avec la voile rouge). |
Le Greco. Vue de Tolède (1597-99). Huile sur toile, 121 × 109 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. Le paysage était à l'époque un genre secondaire et incluait toujours des personnages. Le personnage est ici la ville de Tolède, magnifiée et spiritualisée par le regard d'un grand artiste. Il ne s'agit ni d'un paysage topographique visant à décrire la réalité géographique, ni d'un paysage-monde incluant le plus d'éléments possibles, mais de la vision très personnelle de la ville par Greco, de l'impression qu'elle produisait sur lui. Ce chef d'œuvre, sans aucun équivalent à l'époque, se place cependant dans la filiation de l'œuvre de Titien par la prépondérance accordée à la couleur. Le Greco avait d'ailleurs été l'élève de Titien de 1568 à 1570, date à laquelle il part pour l'Espagne. |
Le paysage-monde flamand
Joachim Patinir. La traversée du Styx (1515-24)
Huile sur bois, 64 × 103 cm, Musée du Prado, Madrid.
Dès le début du 16e siècle apparaissent en Flandre des artistes qui font glisser les scènes religieuses vers la peinture paysagère. Les figures religieuses, placées en général au premier plan, sont de petites dimensions, le cadre paysager dans lequel elles évoluent devenant ainsi le véritable sujet du tableau. Le paysage des flamands est cependant très éloigné de celui des italiens. Ils se proposent de placer dans leur tableau le maximum d'éléments représentatifs de la réalité de leur environnement habituel – relief, végétation, constructions, rivières, lacs, personnages, animaux – et de donner une profondeur quasi illimitée à la composition en utilisant la perspective atmosphérique. Ce paysage panoramique comportant une multitude d'éléments sera qualifié par certains historiens de paysage-monde (ou paysage du monde ou encore paysage universel). Le succès de ce type de paysage fut considérable en Europe du nord. Ainsi, Albrecht Dürer, au cours d'un voyage aux Pays-Bas en 1520, rendit visite à l'un des principaux représentants de la peinture de paysage, Joachim Patinir. Dürer écrit à ce sujet dans son journal : « De même, le dimanche précédant la semaine de la Sainte Croix, maître Joachim, le bon peintre de paysage, m'a convié à son mariage et m'y a fait tous les honneurs » (*). Nils Büttner précise qu'il s'agit de « la première occurrence attestée dans la langue allemande du terme de Landschaftsmaler [peintre de paysage], inusité jusqu'alors » (*). Albrecht Dürer, qui a inventé la peinture paysagère pure dès la fin du 15e siècle en réalisant de magnifiques aquarelles (voir Le paysage au 15e siècle), est également le premier à utiliser le terme de peintre paysagiste à propos de Patinir.
Joachim Patinir. Paysage avec saint Jérôme (1515-19). Huile sur bois, 74 × 91 cm, Musée du Prado, Madrid. « C'est là que l'on retrouve en dix fois plus petit (sur la toile) mais en cent fois plus vaste (dans la réalité figurée), les mêmes buissons de velours, les mêmes falaises abruptes, les mêmes ports, viaducs, églises et maisons, qui, dans un bleu particulier qu'on pourrait appeler bleu Patinir, se répandent par grappes sur les bords irréguliers d'un plan d'eau toujours clair – qui n'est ni celui de la mer, ni celui d'un fleuve, mais celui d'un estuaire improbable s'élargissant en océan. Comment alors ne pas penser à la répartition des eaux à la surface de la Terre, dont on observerait les méandres vus du ciel ? Le propos de Patinir est cosmogonique, nous faisant passer sans transition du paysage à la géographie, et de la géographie à l'imaginaire. » (Hector OBALK, Aimer voir, Hazan, Paris 2011) |
Joachim Patinir. Le repos pendant la fuite en Egypte (v. 1520). Huile sur bois, 121 × 177 cm, Musée du Prado, Madrid. La Vierge et l'Enfant Jésus sont ici au premier plan tandis que Joseph, à gauche, ramène une cruche d'eau. Il s'agit d'une vue plus rapprochée que dans la plupart des paysages de Patinir, mais le peintre n'a pas manqué de laisser en haut et à droite un espace vers l'infini. La richesse chromatique est exceptionnelle : multiples nuances de vert associées au dégradé gris-bleu vers les lointains. |
Joachim Patinir. Saint Jérôme dans le désert (v. 1520). Huile sur bois, 78 × 137 cm, musée du Louvre, Paris. Jérôme de Stridon (vers 347-420), dit saint Jérôme par l'Église catholique, est un moine, traducteur de la Bible, fondateur de l'Ordre Hiéronymite, docteur de l'Église et l'un des quatre pères de l'Église latine. Il prône l'ascétisme et se retire un temps dans le désert de Chalcis de Syrie, au sud-ouest d'Antioche, pour faire pénitence. Cet épisode a beaucoup inspiré les peintres occidentaux. « On retrouve dans le tableau du Louvre tous les éléments caractéristiques des paysages de Patenier : une vaste vue rythmée de plaines, de rochers et d'une rivière, le tout unifié par une subtile gamme chromatique vert-bleu. La profondeur est suggérée par la superposition de plans marqués par des couleurs de plus en plus claires vers le fond (perspective atmosphérique). Ce procédé sera repris durant tout le XVIe siècle par des peintres comme Paul Brill ou Joos de Mompeer et alors introduit en Italie. Le schéma le plus fréquent se compose d'un premier plan sombre, d'un second plan, dans les tons de vert et un fond bleu. » (Notice musée du Louvre) |
Joachim Patinir. La traversée du Styx (1515-24). Huile sur bois, 64 × 103 cm, Musée du Prado, Madrid. Dans la mythologie grecque, Charon, un vieillard revêche, avait pour rôle de faire traverser la rivière Styx aux ombres errantes des défunts qui pouvaient ainsi atteindre le séjour des morts. Patinir propose ici un véritable paysage avec vue plongeante et effet de dramatisation dû à l'incendie ; paysage au demeurant tout à fait imaginaire et composé sans égard aux lois de la perspective. L'ensemble constitue cependant une réussite picturale car le peintre associe magistralement les couleurs froides et donne à son paysage une profondeur rare. |
Albrecht Altdorfer. La bataille d'Alexandre (1529). Huile sur bois, 158,4 × 120,3 cm, Alte Pinakothek, Munich. Le paysage-monde fait école puisque Altdorfer est un peintre bavarois appartenant à l'école dite du Danube. Le tableau représente la victoire d'Alexandre le Grand sur Darius III Codoman, roi des Perses, à Issus (ou Issos) en 333 avant J.-C. Les armées s'affrontent au premier plan d'un vaste paysage qui se propose d'évoquer les montagnes d'Asie Mineure, la Méditerranée, etc. La lune, en haut à gauche, fait face au soleil couchant à droite, qui éclaire encore les troupes. De toute évidence, Altdorfer s'inspire des paysages-monde flamands pour illustrer une scène historique. Mais il imprime à sa composition un caractère tourmenté, absent des œuvres flamandes. La ligne d'horizon est située nettement plus bas de façon à mettre en valeur le ciel où semblent s'affronter la lune et le soleil couchant qui font pendant aux luttes terrestres des deux armées ennemies. |
Pieter Brueghel l'Ancien. Paysage avec la chute d'Icare (v. 1558). Huile sur toile marouflée sur bois, 73,5 × 112 cm, Musées Royaux des Beaux-Arts, Bruxelles. Mythologie grecque. Dédale et son fils Icare fuient la vengeance de Minos, roi légendaire de Crête et fils de Zeus. Dédale pense qu'il serait possible de voler comme les oiseaux. Il décide de fabriquer des ailes avec de la cire et des plumes. Mais son fils Icare, grisé par cette expérience, s'approche trop du soleil. La cire fond et Icare meurt en tombant dans la mer. Sans le titre du tableau, peu nous importeraient les jambes d'Icare qui dépassent ridiculement de la mer en contrebas. L'artiste se moque. Les gens sérieux (le laboureur, le pâtre) ne s'intéressent pas à Icare. Drôle mais un peu court. Ce sont les rêveurs qui changent le monde. Beau paysage imaginaire en tout cas. Authenticité discutée : voir Wikipédia |
Pieter Brueghel l'Ancien. Chasseurs dans la neige (1565). Huile sur bois, 117 × 162 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne. Cette composition est un des quatre tableaux consacrés au cycle des saisons. Il s'agit du premier paysage enneigé peint par Brueghel, peut-être inspiré de la page février des Très Riches Heures du duc de Berry (1410-1416). Mais le paysage est ici l'élément principal alors qu'il n'était qu'accessoire chez les frères Limbourg. Au cours des années suivantes Brueghel reprendra le thème de la neige dans quatre autres tableaux. |
Hans Bol. Paysage avec vue sur l'Escaut (1578). Huile et tempera sur toile, 48 × 74 cm, Los Angeles County Museum of Art. Le peintre substitue ici un coloris uniforme aux trois fonds de couleur (marron, vert, bleu-gris) qu'utilisait Patinir. Le vaste panorama présente, d'une manière presque topographique, l'Escaut et les environs d'Anvers. Mais Bol a ajouté au premier plan des scènes de genre : marché villageois à droite, promeneurs élégants à gauche.
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Le paysage sylvestre allemand
Albrecht Altdorfer. Paysage du Danube (v. 1520)
Huile sur parchemin monté sur bois, 30,5 × 22,2 cm, Alte Pinakothek, Munich.
Les peintres paysagistes allemands du 16e siècle s'intéressent beaucoup à la forêt. Le représentant le plus brillant de ce courant est Albrecht Altdorfer (1488-1538), peintre bavarois considéré comme le chef de file de l'école du Danube à laquelle se rattache également Lucas Cranach. Contrairement à Albrecht Dürer, qui cherchait dans ses aquarelles de la fin du 15e siècle à représenter un lieu de façon topographique, Altdorfer veut restituer une ambiance et s'accorde toute liberté. La forêt bavaroise, profonde, hostile et inquiétante est le véritable sujet du tableau. Il s'agit d'une forêt au caractère fantastique marqué, pouvant accueillir des personnages religieux ou mythologiques accessoires. La « passion de la forêt » allemande a été évoquée à propos de cette peinture régionale, de petit format, s'adressant à une clientèle de collectionneurs sachant apprécier la virtuosité technique du très grand peintre qu'était Altdorfer.
Albrecht Altdorfer. Paysage avec satyres (1507). Huile sur bois, 23 × 20 cm, Staatliche Museen, Berlin. Les satyres sont des personnages mythologiques de la Grèce antique qui accompagnent le dieu du vin Dionysos (Bacchus pour les romains). Ils sont associés aux excès et à la lubricité. Ce petit tableau est contemporain des paysages de Giorgione, mais il ne peut être rattaché aux paysages arcadiens italiens. Les figures sont traitées sommairement et contribuent à donner au paysage son caractère inquiétant. Les mystères de la forêt et ses créatures fantastiques font partie de la mythologie germanique. Altdorfer transpose en quelque sorte ici le paysage arcadien mais avec un tout autre état d'esprit. |
Albrecht Altdorfer. Saint Georges terrassant le dragon (1510). Huile sur parchemin monté sur bois, 28,2 × 22,5 cm, Alte Pinakothek, Munich. Le peintre compose une forêt profonde, hostile et inquiétante, comme la ressentaient les contemporains. Saint Georges tient une place très modeste et disparaît presque dans le feuillage. Aucune princesse – puisqu'il s'agit de sauver une princesse des griffes du dragon – n'apparaît nulle part. |
Albrecht Altdorfer. Paysage du Danube (v. 1520). Huile sur parchemin monté sur bois, 30,5 × 22,2 cm, Alte Pinakothek, Munich. Ce paysage sans aucun personnage est considéré comme l'un des premiers paysages purs, réalisés à l'huile, de l'art occidental. D'un format équivalent aux aquarelles de Dürer, il s'en distingue par la liberté que s'octroie l'artiste par rapport à la réalité. Altdorfer, au contraire de Dürer, n'a aucune ambition topographique, mais cherche à restituer une ambiance forestière. Noter particulièrement le contre-jour venant illuminer le fond sombre du tableau. |
Wolf Huber. Paysage préalpin (1532). Aquarelle, 21 × 37 cm, Kupferstichkabinett, Staatliche Museen, Berlin. Wolf Huber (v. 1485-1553) fut également un membre important de l'école du Danube. Il est surtout connu pour ses dessins, gravures sur bois et aquarelles de paysages réels mais auxquels il imprime toujours un caractère inquiétant. On le voit ici avec les arbres étiques du premier plan qui semblent survivre à un cataclysme. |
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Giorgione | Dosso Dossi | Corrège | Titien |
Véronèse | François Clouet | Le Greco | |
Pieter Brueghel l'Ancien | Joachim Patinir | Albrecht Altdorfer | Wolf Huber |
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(*) Cité par Nils Büttner, L'art des paysages, éditions Citadelles et Mazenod.
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