Peinture égyptienne
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Un grand merci aux égyptologues Thierry Benderitter et Jon Hirst pour l'autorisation d'utiliser les photographies de leur site : |
Patrick AULNAS
2650-300 avant J.-C.
En l'absence de précision toutes les dates citées se situent avant J.-C.
L'Antiquité égyptienne couvre une période de plus de trois millénaires. Une telle longévité culturelle et politique constitue une rareté dans l'histoire de l'humanité, mais pas un cas unique puisque, par exemple, les civilisations chinoise et indienne remontent également à plusieurs milliers d'années. Bien entendu, sur une telle durée, de nombreuses discontinuités apparaissent, mais le mode de vie, la religion, le type de gouvernance et la culture ont perduré. L'Égypte antique comporte ainsi des caractéristiques culturelles homogènes : l'écriture hiéroglyphique, l'architecture (pyramides, temples), les sculptures de pierre et les bas-reliefs, la peinture aux lignes simples sans aucun souci de perspective. Les égyptiens aiment la couleur et recouvrent murs et statues de décors polychromes. Quelles sont les principales caractéristiques de la peinture égyptienne de l'Antiquité ?
Tombe de Néfertari, détail après restauration (-1250)
1. Elle n'a pas du tout les ambitions de la peinture occidentale classique. Il ne s'agit pas de rechercher un idéal du Beau et du Vrai. L'activité du peintre égyptien de l'Antiquité ressemble davantage « à celle du cartographe qu'à celle du peintre » comme le dit Ernst Gombrich. D'ailleurs, les peintres utilisaient la technique du carroyage qui consiste à quadriller la surface à peindre de façon à délimiter nettement la place de chaque élément de la composition. Il s'agit donc de placer un ensemble d'objets dans un espace pictural de façon plutôt énumérative et d'offrir à l'observateur une sorte de chronique de la vie de l'époque. Beaucoup de scènes de la vie quotidiennes apparaissent ainsi dans les tombes (travail, chasse, pêche, etc.). Mais art et religion étant indissociables, les multiples dieux du panthéon égyptien ont une place primordiale.
2. Vu d'aujourd'hui, il serait assez facile de considérer les artistes égyptiens comme plutôt conformistes, mais cela s'explique très bien. Leur style ne subit pas en plusieurs millénaires de bouleversement fondamental car il est soumis à un code de représentation immuable. Il existe par exemple une symbolique des couleurs dans l'Égypte ancienne. Évidemment, en plusieurs milliers d'années des évolutions ont eu lieu, mais le cadre conceptuel et esthétique reste stable. Il en résulte un style égyptien parfaitement reconnaissable par un non spécialiste mais difficile à définir. Les artistes recevaient une éducation comparable à celle des artisans, privilégiant le respect d'un savoir-faire ancestral dans lequel le dessin constituait l'élément primordial. Il n'était pas question de faire preuve d'originalité, d'individualisme, ambition suprême des artistes d'aujourd'hui. Le peintre devait au contraire respecter les lois très strictes de la représentation pour être apprécié. Aucune transgression n'était envisageable, sans doute principalement parce que l'art et la religion étaient intimement liés. Les variantes stylistiques et les particularités individuelles des artistes ne sont perceptibles que des égyptologues.
3. Sur le plan technique, la peinture murale égyptienne n'est pas une fresque. La fresque suppose l'application de la peinture sur un enduit encore humide. Dans l'Égypte antique, on recouvrait la paroi d'une couche de stuc (mélange de chaux, de sable et d'un liant) qu'on laissait sécher. L'espace pictural était ensuite divisé en deux parties : l'un pour les inscriptions hiéroglyphiques, l'autre pour la scène à représenter. Ce second espace était quadrillé au cordeau. L'artiste (sculpteur pour un bas-relief, peintre pour une simple peinture) dessinait ensuite les motifs dans l'espace délimité pour chacun d'eux. Une telle pratique illustre bien le lien étroit qui existait entre écriture et peinture. Les hiéroglyphes sont également des illustrations symboliques nécessitant dessin et coloriage. Les peintres étaient d'ailleurs qualifiés de scribes des contours ou des formes si l'on traduit littéralement leur dénomination. Une peinture à l'eau (tempera) était utilisée pour remplir les dessins ou recouvrir les motifs sculptés. Pour fabriquer la peinture, des pigments minéraux étaient délayés dans l'eau avec un liant (gélatine animale par exemple). Pour plus de détails sur le dessin dans l'Égypte antique, voir L'art du contour.
Une peinture sur papyrus et même sur toile de lin et sur bois existe aussi dans l'Antiquité égyptienne mais la fragilité du support n'a permis qu'exceptionnellement sa conservation.
4. En définitive, ce qui fait pour nous le charme et l'originalité profonde de l'art égyptien semble donc provenir du cadre normatif très contraignant de la création. L'individu étant entièrement soumis aux règles du groupe, la production artistique possède des constantes de longue durée particulièrement sécurisantes pour un occidental soumis au changement perpétuel. Il n'est pas possible de trouver dans les écrits de l'époque des textes glorifiant l'originalité de certains artistes comme cela existe pour les peintres de l'Antiquité grecque (Appelle, Zeuxis). La peinture égyptienne est l'art collectif d'hommes croyant en l'immortalité, un art conçu pour l'éternité.
Avant d'illustrer les principales réalisations de la peinture égyptienne, il n'est pas inutile de rappeler les grandes étapes de l'histoire de l'Égypte antique.
Les grandes étapes de l'Antiquité égyptienne
Le prêtre égyptien Manéthon de Sebennytos (3e siècle av. J.-C.) a écrit une histoire de l'Égypte ancienne divisée en grandes périodes et en dynasties. Les historiens contemporains ont repris cette périodicité qui ne correspond évidemment pas au ressenti des égyptiens de l'Antiquité. Pour ce peuple très religieux, le pharaon était d'essence divine et la monarchie était éternelle. Voici les grandes lignes du découpage de Manéthon.
Période prédynastique (environ 5600-3100)
Dès 5600, des tribus vivant dans la vallée du Nil développent une culture dont il subsiste des traces (poteries en particulier). Deux royaumes vont progressivement se constituer en Haute et Basse-Égypte.
Période thinite (environ 3100-2650). Dynasties 1 et 2.
Les royaumes de Haute et Basse-Égypte s'unifient. La capitale du royaume est alors Thinis, cité aujourd'hui disparue. Le premier pharaon fut Ménès ou Narmer selon les égyptologues.
Ancien Empire (environ 2650-2150). Dynasties 3 à 6.
Les fondements de la civilisation égyptienne datent de cette période : administration centrale avec fonctionnaires et scribes, construction des premières grandes pyramides (Djéser, Khéops). Mais progressivement la lourdeur de l'administration centrale entraîne son inefficacité et les gouverneurs des provinces (ou nomarques, soit administrateurs des nomes ou provinces) accaparent le pouvoir.
Première Période Intermédiaire (environ 2150-2060). Dynasties 7 à 11.
Période troublée par le soulèvement des gouverneurs de province qui conduit à une guerre civile entre le Nord et le Sud. Montouhotep II finit par imposer la domination de la dynastie thébaine.
Moyen Empire (environ 2060-1785). Dynasties 11 et 12 (la 11e dynastie commence à la période précédente)
La stabilité politique étant à nouveau assurée, la prospérité économique réapparaît et il s'ensuit une croissance de la population. Un art sobre et élégant se développe. La fin de la période résulte de difficultés économiques.
Deuxième Période Intermédiaire (environ 1785-1580). Dynasties 13 à 17.
Des envahisseurs venus d'Asie s'emparent du delta du Nil et contraignent le pharaon affaibli à se réfugier à Thèbes. Les Hyksos (souverains étrangers) gouvernent jusqu'au moment où les anciens pharaons reconstituent leur forces armées et les chassent.
Nouvel Empire (environ 1580-1080). Dynasties 18 à 20.
Cette période constitue l'apogée de la puissance égyptienne. Son influence s'étend jusqu'aux frontières de la Mésopotamie. Une période de grande prospérité commence qui induit une production artistique d'une qualité sans précédent. Les temples de Karnak et Louxor sont agrandis. Les somptueuses tombes de la vallée des rois et les temples d'Abou Simbel datent aussi de cette époque, de même que les pharaons les plus célèbres : Ramsès II, Akhénaton, Toutankhamon.
Troisième Période Intermédiaire (environ 1080-660). Dynasties 21 à 24.
Les libyens s'installent dans le delta du Nil et prennent le contrôle de l'Égypte. A la fin de cette période ont lieu des guerres répétées avec les assyriens.
Basse époque (environ 660-332). Dynasties 25 à 30.
Le déclin de la civilisation égyptiennes est marqué par une influence croissante de puissances étrangères : les perses et les grecs. L'Égypte sera même annexée par l'Empire perse au 5e siècle. Enfin, la puissance macédonienne s'affirme et en 332, le souverain perse Mazaces abandonne le trône d'Égypte à Alexandre le Grand.
Périodes ptolémaïque (ou hellénistique) et romaine (environ 332-30)
Alexandre le Grand (356-323) crée une nouvelle capitale – Alexandrie – en 331. Ses successeurs, les Ptolémées, mettent en place une administration conforme au modèle égyptien et respectent les traditions du peuple égyptien. Autour de la célèbre bibliothèque d'Alexandrie, la culture se développe. L'expansion de la République romaine conduira à transformer l'Égypte en simple province romaine en 30. La République elle-même est remplacée par l'Empire romain en 27. S'achèvent ainsi les trois millénaires de l'Égypte antique.
La peinture murale dans l'Ancien Empire (environ 2650-2150)
Tombe d'Iroukaptah, détail d'une statue (v. -2400-2350)
C'est à cette époque que l'architecture se développe sous forme de grandes pyramides de pierres, surmontant les tombeaux des plus grands souverains. La plus connue est celle du pharaon Khéops (v. -2560). Les sépultures des reines pouvaient aussi prendre la forme de pyramides de plus petites dimensions. Les pyramides sont entourées d'un vaste complexe funéraire réservé aux grands dignitaires. Leur tombeau est le mastaba de pierres calcaires, sorte de sophistication du tertre primitif.
Mastaba el-Faraoun (v. -2470). Tombeau du pharaon Chepseskaf
L'intérieur de ces monuments funéraires est somptueusement décoré de statues et bas-reliefs peints. Des scènes de la vie quotidienne ornementent les chapelles des mastabas, lieux de culte aménagés non loin de la chambre funéraire où repose le défunt. On y trouve des travaux agricoles (labourage, moisson), des activités d'élevage (troupeaux de bœufs, de moutons, de chèvres et leurs gardiens), des scènes de chasse et de pêche dans les fourrés de papyrus ainsi que des offrandes peintes (pains, fruits). La peinture vient en général souligner un relief sculpté et les exemples de peinture pure sont rares. Mais certains peintres égyptiens de cette époque étaient de grands coloristes dont le talent nous éblouit (voir Mastaba de Merefnebef ci-après).
Mastaba de Iasen (Photo Iasen G-2196)
Mastaba de Iasen (v. -2670-2140). Iasen était un conseiller du roi et un administrateur des domaines royaux. Sa tombe (mastaba) comporte de nombreuses décorations. Celle-ci le représente lui-même, tenant un grand bâton, accompagné de son épouse (derrière lui, couleur effacée) et de son fils Meryankh, représenté beaucoup plus petit. Sur la partie gauche apparait l'illustration d'une partie des fonctions de Iasen : la gestion des troupeaux royaux. En haut, plusieurs hommes semblent inventorier le troupeau, le premier tient un papyrus et le second le calame (roseau taillé en pointe pour écrire). Sur les deux rangées inférieures figurent le troupeau et ses gardiens.
Tombe d'Iroukaptah (Photos Iroukaptah)
Tombe d'Iroukaptah, statues polychromes (v. -2400-2350). Iroukaptah est un fonctionnaire de rang intermédiaire dont la tombe se trouve à Saqqarah. Il a probablement vécu à la fin de la Ve dynastie, sous le règne de Menkaouhor. La chapelle de la tombe comporte quatorze statues. Sur certaines, les couleurs ont résisté au temps. Comme on le voit, les statues sont placées dans une niche et taillées dans la roche calcaire de la paroi du tombeau. Il est tout à fait exceptionnel que la polychromie subsiste.
Tombe d'Iroukaptah, détail d'une statue (v. -2400-2350)
Tombe d'Iroukaptah, offrandes (v. -2400-2350). Pour les égyptiens de l'Antiquité les offrandes étaient nécessaires pour que le défunt puisse survivre dans l'au-delà. Elles consistaient en aliments déposées dans la tombe mais aussi en représentations d'aliments. La photographie ci-dessus constitue un exemple exceptionnel par la qualité des couleurs. Sur deux tables à pied central sont placées des victuailles. Sur la table de gauche, en vannerie, ce sont deux grands pains coniques. Sur la table de droite, en bois peint en rouge, on distingue nettement un grand panier de fruits (figues, raisins, grenades) et une miche de pain partiellement masquée par le panier. L'artiste a voulu représenter deux plans successifs de la réalité (la miche de pain est derrière la corbeille), mais bien entendu, il ne connaissait pas la notion de perspective.
Les oies de Meïdoum
Les oies de Meïdoum (v. -2550). Tempera sur stuc, 27 × 172 cm, Musée Égyptien, Le Caire. Cette reproduction provient d'un ornement du mastaba (tombe) du vizir Néfermaât et de son épouse Itet dans le complexe de Meïdoum situé au Fayoum. Il s'agit d'une véritable peinture murale et non de la coloration d'un relief. Elle date du règne de Snéfrou (v. 2575-2550), premier roi de la IVe dynastie. Nefermaat était le fils de Snéfrou et son vizir, c'est-à-dire le superviseur de tous les travaux du roi. Il décéda avant son père. Cette peinture a été découverte en 1871 par l'égyptologue Auguste Mariette (1821-1881). Le chromatisme délicat et les postures très convaincantes des oies ont fait la célébrité internationale de ce décor funéraire.
Mastaba de Merefnebef (Photos Merefnebef)
Mastaba de Merefnebef, chasse dans les marécages (v. -2350-2160). Merefnebef est un vizir de la VIe dynastie, donc un personnage très important dirigeant l'administration royale. Son mastaba recèle des peintures exceptionnelles qui permettent de se faire une idée du haut niveau artistique atteint dès l'Ancien Empire. « La scène de chasse aux oiseaux prend place dans un cadre de 1,48 m de large et 1,18 m de haut. Elle est remarquable de par la préservation miraculeuse de sa polychromie, qui donne une idée de la chatoyance que devait avoir toute la pièce à l'origine. [...] On peut subdiviser la scène en trois : au centre, Merefnebef sur son bateau ; devant lui, le marais ; derrière lui, des porteurs d'offrandes. » (Thierry Benderitter)
Mastaba de Merefnebef, chasse, détail 1 (v. -2350-2160). Le décor de feuillage et d'oiseaux situé devant Merefnebef est la création d'un grand artiste qui avait un talent rare pour agencer les formes et associer les couleurs. On imagine assez bien la splendeur du décor original et on reste stupéfait par l'état de conservation de peintures ayant 4300 ans.
Mastaba de Merefnebef, chasse, détail 2 (v. -2350-2160). Les oiseaux sont représentés de profil mais de façon réaliste.
Mastaba de Merefnebef, chasse, détail 3 (v. -2350-2160). « Devant le bras du vizir, une oie touche de ses ailes un papillon aux ailes déployées. » (Thierry Benderitter)
Mastaba de Merefnebef, chasse, détail 4 (v. -2350-2160). « Sur un fond presque noir, les oiseaux étaient peints de multiples couleurs qui ont, hélas, presque disparu. L'artiste n'a pas toujours attribué leur couleur authentique aux volatiles et a parfois cherché un effet de style visuel, comme le montre la couleur bleue de certains oiseaux. » (Thierry Benderitter)
La peinture murale au Moyen Empire (environ 2060-1785)
La vocation principale de la peinture reste la décoration des édifices (temples, palais, tombeaux, obélisques). La peinture peut toujours avoir pour fonction de recouvrir des reliefs, mais la grande nouveauté est le développement de la peinture sur surface plane.
Tombe de Sarenpout II
Tombe de Sarenpout II (v.-1925-1895). Sarenpout II est un nomarque, c'est-à-dire le gouverneur d'une province, sous le règne d'Amenemhat II. Des peintures bien conservées ornent les parois du tombeau. Ci-contre, Sarenpout lui-même est assis devant une table d'offrandes. Son fils Ankhou, représenté plus petit, lui fait face en tenant une fleur de lotus, signe de renaissance. La composition indique également l'ensemble des titres et fonctions du nomarque.
Tombe de Khnoumhotep II
Tombe de Khnoumhotep II, chasse (v. -1900-1870). Khnoumhotep II est nomarque (gouverneur de province) sous le règne de trois pharaons : Amenemhat II, Sésostris II et Sésostris III (XIIe dynastie). Son tombeau se trouve sur le site de Beni Hassan comportant de nombreuses sépultures du Moyen Empire. Ci-contre une scène de chasse sur une embarcation légère dans les marécages.
Tombe de Khnoumhotep II, immigrants 1 (v. -1900-1870). Au Moyen Empire, l'Égypte est confrontée à une pression migratoire. Cette peinture murale représente un groupe de personnes (des bédouins Âamou, dits asiatiques ?) entrant en Égypte du règne de Sésostris II (v. -1897-1878).
Tombe de Khnoumhotep II, immigrants 2 (v. -1900-1870). Ce dessin a été réalisé de nos jours à partir de la peinture précédente. Les fonctionnaires égyptiens contrôlent la caravane entrant en Égypte. Le nomarque Khnoumhotep II, qui devait organiser ce contrôle, est représenté par le personnage de grande taille tenant le bâton.
La peinture murale au Nouvel Empire (environ 1580-1080)
Le jardin de Nébamon (v. -1350)
Fragment de peinture murale, 64 × 72 cm, British Museum, Londres
Le Nouvel Empire est l'âge d'or de la peinture égyptienne. Les thèmes se diversifient. Si les scènes de la vie quotidienne subsistent, apparaissent aussi des illustrations des évènements politiques. Le style reste unifié mais avec des variantes selon les époques. La personnalité des artistes peut transparaître et les spécialistes évoquent des « maîtres » dont l'identité n'est pas connue, mais dont le style est repérable : maître de Kénamon, maître de Nacht, maître de Nébamon.
Quelques exemples permettront d'acquérir une première idée de la richesse de cette peinture, sachant que beaucoup d'œuvres exceptionnelles ont disparu.
La tombe de Sennefer (Photos Sennefer, la tombe aux vignes)
Sennefer était maire de la ville de Thèbes sous le règne d'Amenhotep II (v. -1428-1400). Sa tombe est connue depuis 1826 et souvent appelée Tombe aux vignes car le plafond de l'antichambre et une grande partie du plafond de la chambre funéraire sont décorés d'une vigne. Ci-après quelques exemples de ces peintures murales exceptionnelles.
Sennefer et Meryt (v. -1400). Sennefer est représenté ici avec son épouse Meryt.
Sennefer et Mouttouy (v. -1400). Sennefer avec sa fille Mouttouy.
Le plafond aux vignes (v. -1400). La partie la plus irrégulière du plafond a été habilement décorée d'une vigne qui serpente jusqu'aux décors verticaux des piliers.
Cérémonie de purification (v. -1400). De gauche à droite, apparaissent un prêtre-sem, Sennefer et son épouse Meryt. Au cours des obsèques, le prêtre-sem intervient devant le sarcophage pour une cérémonie appelée cérémonie d'ouverture de la bouche. Cette peinture représente le début de la cérémonie : un filet d'eau s'échappe d'un vase et entoure Sennefer et son épouse Meryt afin de les purifier.
Offrandes (v. -1400). Meryt présente à Sennefer un plateau sur lequel se trouvent des oignons, des raisins et des pains. Le texte hiéroglyphique indique : « Pain, bière, bœufs, oiseaux, toutes bonnes choses pures. Sa compagne, qu'il aime, la maîtresse de maison, Meryt, juste de voix. »
L'arbre-ished (v. -1400). Sennefer, assis, est entouré par l'arbre-ished, symbole d'éternité. Il tient dans une main une fleur de lotus et dans l'autre un sceptre. Meryt, à ses pieds est représentée de très petite taille puisque Sennefer est désormais devenu éternel. Le texte hiéroglyphique signifie : « Le maire de la Ville du Sud, Sennefer, juste de voix. Puisses-tu recevoir des dons dans la nécropole quand tu la parcours comme d'habitude, dans ta place d'éternité, le maire de la Ville du sud, Sennefer, justifié devant le grand dieu. »
La tombe de Nébamon
Nébamon était scribe du Trésor sous les règnes de Thoutmosis IV (v. -1400-1390) et Amenhotep III (v. -1390-1352). Il ne subsiste des peintures de sa tombe, située à Cheikh Abd el-Gournah, que des fragments conservés au British Museum. Le peintre inconnu avait un talent exceptionnel pour créer une composition complexe selon les codes de représentation en vigueur, comme le montrent les deux exemples ci-après.
Le jardin de Nébamon (v. -1350). Peinture murale, 64 × 72 cm, British Museum, Londres. Cette peinture représente le jardin du scribe, dans lequel se trouve un bassin avec des poissons. Les différentes variétés d'arbres sont juxtaposées verticalement ou horizontalement et il possible discerner des sycomores, des palmiers-dattiers, des figuiers et des mandragores. Le bassin entouré de fleurs est ajouté au centre, avec des carpes, des canards et des oies. La notion de perspective n'effleure pas l'esprit du peintre, mais il nous transmet encore aujourd'hui son message : un jardin paradisiaque, dont Nébamon était sans doute très fier. Le talent de coloriste de l'artiste et son aptitude à la composition ont traversé les millénaires.
La chasse aux oiseaux (v. -1350). Peinture murale, British Museum, Londres. Sur ce fragment, Nébamon chasse les oiseaux debout sur une barque plate. Des oiseaux l'entourent de toutes parts. Avec des moyens limités le peintre anime sa composition par une science innée du mouvement qui apparaît dans la posture de Nébamon mais aussi dans celle du chat qui attrape simultanément deux oiseaux.
La tombe de Toutankhamon (Photos Toutankhamon KV-62)
Masque funéraire de Toutankhamon (v. -1327)
Musée égyptien. Le Caire
Toutankhamon-Nebkheperourê (v. -1345-1327) est le fils du pharaon Akhenaton et de l'une de ses sœurs. Encore enfant, il succède à son père et meurt à l'âge de 19 ans. Il n'a donc pas pu exercer effectivement le pouvoir qui fut confié à trois personnes : Aÿ qui joue le rôle central de régent, Maya qui a en charge le Trésor, et le général Horemheb à la tête de l'armée. Toutankhamon doit sa célébrité à la découverte de sa sépulture, en 1922, par l'archéologue britannique Howard Carter. La tombe contenait le célèbre « trésor de Toutankhamon » : sarcophage de 110 kg avec son masque d'or et 2 099 objets intacts. La célébrité ne fit que croître lorsque la presse commença à évoquer une malédiction du pharaon. Le tombeau de Toutankhamon est décoré de plusieurs peintures reproduites ci-dessous.
La transmission du pouvoir (v. -1327). Toutankhamon n'ayant pas eu d'enfant, Aÿ (le régent) lui succède. Le nouveau roi Aÿ, à droite, est représenté jeune alors qu'il est âgé. Il joue symboliquement le rôle du fils du Pharaon décédé. Au centre, Toutankhamon apparaît en Osiris, l'un des principaux dieux du panthéon égyptien. Cette composition est une représentation de la cérémonie funéraire d'ouverture de la bouche pratiquée sur le sarcophage du défunt. La dernière étape de cette cérémonie consistait à toucher avec une herminette (l'objet tenu par Aÿ) la bouche, le nez, les oreilles et les yeux du visage du sarcophage. Les écritures hiéroglyphiques signifient : « le dieu parfait, maître du Double-Pays, maître des rites, (le) roi de Haute et Basse Égypte Kheperkheperoura, (le) fils de Rê, le Père-divin, Aÿ, vivant pour le temps infini et le temps éternel, comme Rê ».
L'accueil de Nout (v. -1327). Nout, déesse du ciel, mère de tous les astres, accueille Toutankhamon-Nebkheperourê en lui présentant dans chaque main le hiéroglyphe de l'eau (geste nyny). Toutankhamon porte encore son costume de vivant. D'une main, il tient une canne droite à bout doré et dans l'autre une massue, signe de vie. Signification des hiéroglyphes : « Nout, maîtresse du ciel, dame des dieux, elle fait nyny (pour) celui qu'elle a enfanté, elle donne santé et vie à ta narine, qui est vivant éternellement » (au-dessus de Nout) ; « maître du Double-Pays Nebkheperourê, doté de vie éternellement et à jamais » (au-dessus de Toutankhamon).
Toutankhamon rejoint son ka (v. -1327). Pour les anciens égyptiens, le ka est l'un des cinq éléments indissociables composant l'être humain vivant. Il s'agit d'une sorte de double spirituel qui naît en même temps que l'humain et qui survit après la mort. Cette composition représente de gauche à droite, Osiris, Toutankhamon et le ka de Toutankhamon. Le dieu Osiris tend les mains vers le roi défunt, dans sa tenue de vivant, pour l'accueillir. Le personnage ka porte sur sa tête le hiéroglyphe ka (en forme de u) entourant un symbole signifiant taureau puissant, épithète habituelle pour les rois. D'une main, il tient Toutankhamon par la taille.
La tombe de Néfertari (Photos Nefertari QV-66)
Néfertari sur la paroi de son tombeau (v -1250)
Après restauration
Néfertari Meryenmout (v. -1295-1250) est la première Grande Épouse Royale du pharaon Ramsès II (v. -1304-1213) dit Ramsès le Grand. Son nom signifie Belle compagne, aimée de Mout. Ramsès lui fit construire une tombe splendide, dont les peintures murales ont largement survécu. En voici quelques exemples.
Tombe de Néfertari, détail après restauration (-1250). La tombe de Néfertari était un des grands chefs-d'œuvre de la peinture égyptienne mais des phénomènes naturels ont altéré la paroi calcaire et considérablement endommagé le décor. Des travaux ont été entrepris dès les années 1950 mais avec des moyens limités et des procédés techniques trop frustes. Dans années les 1980 et 1990, le Getty Conservation Institute of America poursuivit le travail de consolidation des parois et parvint à stabiliser les peintures afin que la restauration proprement dite puisse commencer. L'image ci-contre montre la haute qualité du travail de restauration. La tombe, très vaste, est désormais fermée au public.
Boucles d'oreilles de Néfertari (v. -1250). La reine est représentée en costume d'apparat et porte de riches bijoux : collier, bracelets et boucles d'oreilles dont on voit ici trois modèles : cobra, éventail et boule.
Escalier vers la chambre funéraire (v. -1250). Il s'agit d'une reconstitution de l'escalier menant à la chambre funéraire de Néfertari. La tombe comporte une dizaine de salles entièrement décorées de peintures murales.
Néfertari devant le dieu Thot (v. -1250). Le dieu Thot à la tête d'Ibis est le Maître des Paroles Divines (les hiéroglyphes), le dieu des scribes et le scribe des dieux. Après la mort d'un humain, il est chargé de noter le résultat de la pesée du cœur du défunt (voir ci-après, Papyrus de Hounéfer) qui équivaut au jugement de l'âme dans les religions monothéistes actuelles. Cette scène de pesée n'est pas représentée ici. Néfertari se tient devant Thot. Entre les deux figures, la palette du scribe est posée sur une sorte de guéridon. La grenouille symbolise l'éternité. Le texte en hiéroglyphes écrit derrière la reine doit être récité par elle.
Les offrandes de Néfertari (v. -1250). Néfertari apparaît à deux reprises à gauche et à droite de l'image, tenant dans sa main un sceptre, symbole du pouvoir. Deux dieux sont assis au centre recevant les offrandes accumulées sur deux tables. Le dieu de gauche est Osiris et celui de droite Atoum ou Toum, le dieu soleil d'Héliopolis. Les offrandes sont abondantes et comprennent en particulier des carcasses d'animaux. Le texte hiéroglyphique décrit la scène en indiquant qu'il s'agit de « la présentation des offrandes à son père, Osiris, le grand dieu, par sa fille, grande épouse du roi, maîtresse des deux terres, Néfertari, aimée de Nout ».
NB : les trois dernières images ci-dessus sont des captures à partir de la visite virtuelle en 3D de la tombe de Néfertari.
La peinture murale à la Basse Époque (environ 660-332)
Les influences extérieures perses et grecques se font sentir. La grande tradition des peintures murales funéraires subsiste mais sans innovation, et même parfois, dans les régions éloignées, avec une régression vers des compositions plus frustes. La tombe du commerçant Baennetyou (XXVIe dynastie, soit 664-525) dans l'oasis de Bahariya permet d'illustrer cette évolution. L'Oasis de Bahariya se situe dans le désert de Lybie, à l'Ouest de l'Égypte. Le décor de la tombe « comporte des scènes funéraires classiques et des scènes se rapportant à des cultes locaux. Khonsu-Thot, incarnation du temps nocturne et du cycle d'alternance de la lumière, est particulièrement vénéré. A l'intérieur de la tombe, la paroi nord évoque le parcours de la lune et du soleil. » (Hervé Beaumont, Guide des civilisations égyptiennes, des pharaons à l'Islam)
Photos Baennetyou
La peinture sur papyrus et sur bois
Le papyrus (pluriel : papyri) est une plante qui pousse en Afrique et jusqu'en Sicile. En Égypte, la plante se développe particulièrement dans les zones marécageuses bordant le Nil où elle peut former de véritables forêts de cinq à six mètres de hauteur. A partir de 2500 avant J.-C. environ, elle devient la matière première d'un support d'écriture également appelé papyrus. On obtient ce support d'écriture à partir de la moelle de la plante découpée en minces bandelettes entrecroisées, pressées puis séchées. Les feuilles obtenues ne dépassent pas 50 cm de longueur, mais il était courant de les assembler pour former de longs rouleaux contenant l'ensemble d'un document. Seule une face est utilisée pour l'écriture. Le mot papier dérive de papyrus.
Le papyrus convient bien au climat sec de l'Égypte mais ne résiste pas du tout à l'humidité. En milieu humide, la feuille se désagrège et l'encre se diffuse dans les fibres végétales. De nombreux papyrus de l'ancienne Égypte ont été conservés, certains étant illustrés de dessins ou de peintures. La plus célèbre de ces peintures est le papyrus d'Hounéfer.
Papyrus de Hounéfer, détail (v. -1310). 550 × 39 cm, British Museum, Londres. Le scribe Hounéfer est un personnage important qui vivait à l'époque de Séthi 1er (-1294-1279). Il est « scribe royal à l'ouest de Thèbes » et intendant du pharaon. Le papyrus représente plusieurs scènes concernant la mort d'Hounéfer et son accueil par les dieux. A gauche, le dieu Anubis, à tête de chacal, accompagne Hounéfer, en blanc. Scène suivante : le dieu Anubis effectue la pesée du cœur de Hounéfer. Au centre, le résultat de la pesée est consigné par le dieu Thot à tête d'ibis. Ensuite, Hounéfer est présenté par le dieu Horus, à tête de faucon, au sanctuaire d'Osiris (visage vert), dieu des enfers et des morts. En haut de l'image sont représentés les quatorze dieux égyptiens assis. Ils doivent juger le mort. Ce papyrus de 550 cm a été découpé en huit parties pour une meilleure conservation. Initialement, il s'agissait d'un rouleau destiné à être déposé dans le tombeau du défunt.
Travaux agricoles (v. -1000). Papyrus, Musée égyptien, Le Caire. Ce papyrus et les trois suivants proviennent de la cachette des prêtres d'Amon à Deir-el-Bahari et datent de la XXIe dynastie (v. -1070-945). En haut, les semailles, en bas la moisson.
Héré-Oubékhé (v. -1000). Papyrus, Musée égyptien, Le Caire. La supérieure du harem d'Amon, Héré-Oubékhé, adore le crocodile Geb. Les crocodiles étaient nombreux dans le Nil à cette époque et étaient considérés comme des êtres primordiaux liés à la fois à l'eau et à la terre. Le dieu de la terre s'appelle Geb et il peut être représetné de diverses façons (serpent, oie, voire crocodile).
Offrande à Osiris (v. -1000). Papyrus, Musée égyptien, Le Caire. Osiris, assis sur son trône, est un des principaux dieux égyptiens. Fils de Nout (déesse du ciel) et de Geb (dieu de la terre) il possède un statut complexe et évolutif au fil des millénaires, mais il reste toujours le juge des âmes.
Toutankhamon et son épouse (v. -1327). Bois peint et doré, Musée égyptien, Le Caire. Ce décor sur bois sculpté et peint provient du trône trouvé dans le tombeau de Toutankhamon. Le jeune pharaon, assis sur son trône fait face à son épouse Ankhésénamon. Les rayons du soleil baignent les deux personnages. La pose relâchée du pharaon et le geste d'affection de son épouse humanisent la composition d'une manière assez exceptionnelle dans la peinture égyptienne qui privilégie les postures hiératiques. Toutankhamon a épousé sa sœur Ankhésénamon à l'âge de neuf ou dix ans.
Commentaires
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- 1. Sawadogo Maximilien Le 25/10/2019
Bsr!!! Je voulais demander l'influence de la peinture égyptienne dans le monde antique à savoir la Grèce et la Rome. -
- 2. chaussade Le 14/09/2019
pourquoi y-a-t'il si peu de fresques représentant les pyramides ; peut-on m'en montrer ? -
- 3. Carballo carine Le 02/03/2016
Merci infiniment pour avoir pris le temps de me répondre . Et si je puis me le permettre ce serait un immense plaisir de pouvoir échanger avec un égyptologue .
Au plaisir de vous suivre
Très cordialement
Carine -
- 4. carballo Le 01/03/2016
Bonjour, j'ai une petite question qui peut paraître ridicule mais étant donné que les artistes peintres donnaient une importance capitale dans la représentation la plus fidèle possible ,surtout concernant "les personnages ", pourquoi certains ont une de leurs mains à " l'envers " . C'est à dire que le pouce ne semble pas être du bon côté!
Je suis passionnée d'egyptologie depuis mon enfance mais malheureusement je n'ai pas eu l'opportunité de faire de cette passion mon métier.
Merci infiniment pour une éventuelle réponse.
Très cordialement
carine carballo-
- rivagedebohemeLe 02/03/2016
Excellente question, dont je ne possède pas la réponse. Mais les peintres égyptiens étaient des artisans soumis à des contraintes formelles rigoureuses. Ils ne cherchaient ni l’originalité ni la vérité de la représentation. Les mains dessinées n’étaient pas confrontées aux mains réelles. Si vous souhaitez interroger un égyptologue, prenez contact avec les auteurs du site : http://www.osirisnet.net/
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