De Stijl
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Patrick AULNAS
ENVIRON 1917-1932
Piet Mondrian. Composition A (1923)
Huile sur toile, Galleria Nazionale d'Arte Moderna e Contemporanea, Rome
1. Fondation et objectifs poursuivis
En 1917, à Leyde (Pays-Bas), Theo van Doesburg (1883-1931), Piet Mondrian (1870-1944) et quelques autres créent la revue De Stijl (Le Style en néerlandais) et fondent le groupe du même nom. Les peintres précités ne sont pas des novices et ils ont à leur actif des œuvres de type impressionniste, fauve ou cubiste. Ils veulent évoluer vers une rigoureuse abstraction définie d'une manière quasi-doctrinale pour ce qui est des moyens à utiliser : pour les formes, ligne droite et angle droit et exclusivement horizontales et verticales ; pour les couleurs, seulement les primaires (rouge, jaune, bleu), le blanc, le noir et le gris. Cette esthétique rigoureuse et codifiée est appelée néoplasticisme par ses créateurs.
Une telle austérité conventionnelle se fonde sans doute en partie sur le calvinisme dont les Pays-Bas étaient imprégnés depuis des siècles. Mais l'objectif théorique était très ambitieux et il a été explicité dans les articles de la revue De Stijl. Il s'agit de créer un langage artistique en excluant totalement les deux aspects fondamentaux de l'art traditionnel : la représentation de la nature, des objets qui nous entourent, et la subjectivité de l'artiste. Le groupe De Stijl pensait ainsi abandonner l'individualisme ancien pour accéder à l'universalisme nouveau. Dans les écrits du groupe, cette ambition est décrite en utilisant le pathos propre à toutes les idéologies ; en voici quelques échantillons.
« La nouvelle connaissance des temps est prête à se réaliser dans tout, même dans la vie extérieure. Les traditions, les dogmes et les prérogatives de l'individualisme (le naturel) s'opposent à cette réalisation ».
« L'artiste vraiment moderne ressent consciemment l'abstraction de son expérience de la beauté : il se rend compte consciemment que cette expérience de beauté est cosmique, universelle. »
« Si en vérité l'élaboration adéquate des moyens d'expression et leur usage − la composition − sont la seule expression pure de l'art, ces moyens d'expression doivent être en accord complet avec ce qu'ils expriment. S'ils prétendent être l'expression immédiate de l'universel, ils ne peuvent être qu'universels eux-mêmes, c'est-à-dire abstraits. »
Le groupe De Stijl poursuit son activité jusqu'à 1931, année de la mort de Theo van Doesburg. La revue De Stijl publie son dernier numéro en 1932.
2. Appréciation
Ce courant artistique cherche, par un langage approprié et imposé aux artistes, à objectiver la beauté, à trouver une sorte de méthode de création artistique qui devrait moins au génie individuel de l'artiste et davantage à un code universel de la création.
Bien entendu, l'ambition idéologique fut un échec. La peinture figurative subsiste et reste aujourd'hui très créative. Le talent individuel est plus que jamais apprécié. Cependant, les réalisations pratiques de De Stijl, tant dans le domaine pictural qu'architectural et même dans celui de la décoration d'intérieur ou de la mode, ont marqué le 20e siècle.
Le groupe De Stijl fait partie de ces mouvements artistiques du début du 20e siècle, à caractère utopiste, qui surévaluent le rôle de l'art dans l'histoire de l'humanité et s'imaginent qu'on peut changer le monde en peignant des tableaux. Le futurisme, le dadaïsme, le Bauhaus, dans une moindre mesure le fauvisme, sont également dans cette ligne. Ces mouvements n'ont pas changé la société et leur impact socio-économique a été à peu près nul, mais ils ont joué un rôle important dans le renouvellement de notre perception esthétique.
3. Principaux artistes
Piet Mondrian est sans doute le plus connu des peintres de cette tendance. Il commence à peindre des tableaux de type impressionniste à la fin du 19e siècle puis est influencé par Van Gogh et les fauves, comme on peut le voir dans l'exemple suivant où, selon le principe du fauvisme, la représentation picturale ne vise plus à reproduire au plus près le réel. Le peintre utilise librement les couleurs selon son ressenti sans chercher à leur faire décrire l'objet observé.
Piet Mondrian. L'arbre rouge (1908-10)
Huile sur toile, 70 × 99 cm, Haags Gemeentemuseum, La Haye
Mondrian découvre ensuite Georges Braque (1882-1963), peintre cubiste. Le cubisme est pour lui une révélation : « Je sentis que seuls les cubistes avaient découvert le droit chemin ... ». Il limite sa palette à un nombre restreint de couleurs et se concentre sur les structures. Il a alors trouvé la voie qui le mènera en quelques années vers l'abstraction pure. Avec Vassily Kandinsky (1866-1944), qui vient de l'expressionnisme allemand, il devient l'un des initiateurs de l'art abstrait ou non figuratif.
Piet Mondrian. Losange avec rouge, noir, bleu, jaune (1925)
Huile sur toile, 77 × 77 cm, collection particulière
Même si ses compositions peuvent, au premier abord, paraître simples, les ambitions du peintre étaient élevées. Selon H.W. Janson (1), « A la différence de Kandinsky, Mondrian ne recherche pas l'expression d'une pure émotion lyrique ; son but, a-t-il affirmé, est la " réalité pure ", qu'il définissait comme un équilibre obtenu par " une balance entre oppositions inégales mais équivalentes" ».
A propos de Composition en rouge, bleu et blanc (ci-dessous), H.W. Janson écrit : « ... il s'avère bientôt qu'en mesurant les diverses unités, seules les proportions de la toile elle-même sont réellement rationnelles, car c'est un carré parfait. Mondrian a déterminé le reste "au sentiment" et, pour y parvenir, a dû en passer par les affres du tâtonnement. Combien de fois a-t-il changé les dimensions du rectangle rouge pour parvenir à un équilibre, limité par la surface d'action, avec les autres éléments ? Curieusement, ce subtil sens d'équilibre asymétrique dont fait preuve Mondrian lui est si personnel que les spécialistes de son œuvre n'ont aucun mal à distinguer les faux de ses œuvres authentiques. »
Piet Mondrian. Composition en rouge, bleu et jaune (1930)
Huile sur toile, 50,3 × 50,3 cm, collection particulière
Theo van Doesburg est un autre leader du mouvement. Entre 1917 et 1924, il respecte les prescriptions initiales et n'utilise que des verticales et des horizontales, puis à partir de 1924, il s'autorise les diagonales. Mondrian quitte alors le mouvement De Stijl, car le catéchisme de base a été transgressé. On pourra voir ci-dessous que les diagonales donnent en effet à la composition une fantaisie terriblement débridée...
Theo van Doesburg. Contre-composition en dissonances (1925)
Huile sur toile, 100 × 180 cm, Gemeentemuseum, La Haye
Theo van Doesburg. Contre-composition XIV (1925)
Huile sur toile, 50 × 50 cm, Fundacion Villanueva, Caracas, Venezuela
Bart van der Leck (1876-1958) est un autre représentant du mouvement qui reviendra, après 1920, à une peinture figurative très stylisée.
Bart van der Leck. Composition (1918)
Huile sur toile, 74 × 63 cm, Tate Gallery, Londres
Bart van der Leck. Nature morte, bol avec pommes (1921)
Huile sur toile, 30,5 × 40 cm, Centraal Museum, Utrecht, Pays-Bas
Pour visionner d'autres œuvres sur GOOGLE ARTS & CULTURE, cliquer sur le nom du peintre :
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(1) Histoire de l'art, Editions Eclectis, Cercle d'art, 1993
Commentaires
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- 1. Adamantides Le 07/07/2023
Bonjour, il y a une chose que je ne comprends pas : j’ai eu l’occasion de voir plusieurs œuvres de Piet Mondrian utilisant aussi les diagonales… Et ceux de 1924. Quelqu’un aurait-il une idée de pourquoi il on aurait eu l’usage alors style désapprouver l’idée de base évoquée par Van Doesburg? -
- 2. Piwi Le 28/09/2020
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- 3. BELANGER Le 12/09/2020
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