Francesco Zuccarelli
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Patrick AULNAS
Autoportrait et portrait
Francesco Zuccarelli. Autoportrait (1736-38)
Craie sur papier, Royal Academy of Arts, Londres.
Richard Wilson. Portrait de Francesco Zuccarelli (1751)
Huile sur toile, 49,5 × 41,9 cm, Tate Britain, Londres.
Biographie
1702-1788
Jeunesse à Pitigliano, Rome et Florence (1702-1732)
Francesco Zuccarelli est né à Pitigliano, petite bourgade du sud de la Toscane. Encore enfant, en 1713 ou 1714, il entre en apprentissage à Rome chez le portraitiste Giovanni Maria Morandi (1622-1717). A la mort de Morandi, son élève Pietro Nelli (1672-1717) devient le maître du jeune Zuccarelli. Bien qu’ayant reçu l’enseignement de deux portraitistes, Zuccarelli commence par peindre des sujets mythologiques et religieux dans les années 1720.
Installé à Florence au début des années 1730, il réalise des gravures qui rencontrent le succès auprès d’amateurs d’art de la ville. C’est également pendant son séjour à Florence qu’il s’initie à l’art du paysage avec Paolo Anesi (1697-1773). Anesi est un spécialiste des vedute (*) qui a laissé de nombreuses vues de Rome.
Le succès à Venise (1732-1752)
Francesco Zuccarelli. L'enlèvement d'Europe (1740-50)
Huile sur toile, 142 × 208 cm, Galerie de l’Académie, Venise.
Analyse détaillée
En 1732, Zuccarelli s’installe à Venise. Il n’abandonne pas complétement les sujets mythologiques et religieux, mais privilégie de plus en plus le paysage. Le début du siècle avait été dominé à Venise par le vedutiste Marco Ricci (1676-1730), dont la mort laissait place à un nouveau paysagiste. Les paysages arcadiens de Francesco Zuccarelli, inspirés du travail de Claude Lorrain, que l’artiste avait pu contempler à Rome, rencontrent rapidement un succès considérable car ils renouvellent la peinture de paysage qui s’était beaucoup orientée au début du siècle en Italie vers les vedute et les capricci (*).
Le succès de Zuccarelli à Venise ne se démentira pas de 1732 à 1752. Il y noue des relations avec des personnages influents comme le consul d’Angleterre Joseph Smith (1674-1770). Smith est un collectionneur et un mécène qui joue un rôle important de diffusion des œuvres des artistes italiens en Angleterre. Il fut en particulier le protecteur de Canaletto et de Zuccarelli. Sous l’impulsion de Smith, Zuccarelli part en Angleterre en 1752.
Les séjours à Londres (1752-1771)
Célèbré à Venise, soutenu par le grand collectionneur Joseph Smith, Francesco Zuccarelli a toutes les chances de trouver à Londres un accueil favorable. Il y fera deux longs séjours, le premier de 1752 à 1762 et le second de 1765 à 1771. La critique londonienne lui est toute dévouée et ses paysages sont très appréciés de l’aristocratie et du roi George III (1738-1820) qui acquiert de nombreux tableaux du peintre, dont certaines œuvres de la collection du consul Joseph Smith.
En 1763, lors de son retour en Italie, il devient membre de l’Académie de Venise. Au cours de son deuxième séjour à Londres, il devient membre fondateur de la Royal Academy of Arts, créée par George III en 1768 et ayant pour fonction de promouvoir les arts graphiques et d’organiser des expositions.
Francesco Zuccarelli. Paysage avec femmes à la rivière (1760)
Huile sur toile, 118 × 137 cm, Galerie de l’Académie, Venise.
Le retour à Venise (1771-1788)
Jusqu’à la fin de sa vie, Zuccarelli poursuit son activité de peintre paysagiste. Sa célébrité est immense. Il devient président de l’Académie de Venise. Il retourne en Toscane à la fin de sa vie et meurt à Florence en 1788.
Œuvre
L’œuvre de Francesco Zuccarelli se situe dans la lignée du paysage arcadien (*) qui avait pris naissance dès le 16e siècle avec des artistes comme Giorgione, Titien, Dosso Dossi. Au 17e siècle, le genre sera formalisé et porté à son acmé par les artistes du classicisme français, en particulier ceux ayant vécu à Rome : Claude Lorrain et Nicolas Poussin. Zucccarelli nous offre donc une nature idéalisée et très accueillante comportant des personnages en parfaite harmonie avec le milieu naturel. Il adapte au goût du 18e siècle le paysage classique de Claude Lorrain avec le souci constant du détail et l'art de la couleur propre aux vénitiens.
Les amateurs d’art du 18e siècle appréciaient particulièrement dans les tableaux de Zuccarelli l’harmonie entre la beauté de la nature et la grâce des figures. En plongeant l’observateur dans un monde idéal où l’homme et la nature s’accordent à la perfection, le grand artiste italien rejoignait l’approche philosophique de Jean-Jacques Rousseau : l’homme est naturellement bon mais la société le pervertit. Autrement dit, son travail de peintre coïncidait avec l’idéal philosophique du siècle des Lumières. Une telle approche permet également d’introduire dans l’œuvre d’art une touche de préromantisme, avant que ne se développe quelques décennies plus tard ce mouvement artistique.
La manière de Zuccarelli fut remise en cause au 19e siècle avec l’émergence du réalisme dans la peinture de paysage. Aussi, fut-il souvent moqué à cette époque. Ses sujets étaient jugés dépassés car leur idéalisation semblait puérile. L’artiste fut redécouvert dans la seconde moitié du 20e siècle. Il apparut alors comme un créateur original qui, dès le début su 18e siècle, abandonnait résolument l’approche baroque pour renouer avec le paysage pastoral.
Francesco Zuccarelli. Paysage avec pont (v. 1735). Huile sur toile, 56 × 73 cm, Szépmûvészeti Múzeum, Budapest. Le jeune Zuccarelli est déjà installé à Venise lorsqu’il compose ce tableau et il s’oriente de plus en plus vers le paysage en s’inspirant de peintres célèbres du siècle précédent comme Salvator Rosa (1615-1673). Outre les sujets mythologiques, le peintre s’intéresse parfois aux activités de la paysannerie, donnant ainsi une petite touche de réalisme à ses compostions. |
Francesco Zuccarelli. Chasse au taureau (v. 1736). Huile sur toile, 114 × 150 cm, Galerie de l’Académie, Venise. Cette scène de chasse à caractère ludique est l’occasion pour le peintre de représenter une multitude de personnages très expressifs. Le paysage arcadien est ainsi animé par la confrontation violente des hommes et des animaux. |
Francesco Zuccarelli. Paysage avec l’éducation de Bacchus (1744). Huile sur toile, 129,5 × 149,9 cm, The J. Paul Getty Museum, Los Angeles. « Accompagné de jeunes satyres et de nymphes avec lesquels il a grandi, le jeune dieu Bacchus est monté sur un bouc, allusion probable à ses origines de dieu de la fertilité vénéré comme un taureau ou un bouc. Le vieux précepteur de Bacchus, le plantureux Silène, observe depuis la colline tandis que des nymphes et un satyre dansent à l’arrière-plan. Malgré l'identification de Bacchus comme dieu du vin, personne ne boit de vin dans ce tableau. L’anecdote mythologique n’est qu’un prétexte à montrer un paysage italianisant idyllique avec un ciel sans nuages, des arbres luxuriants et un soleil brûlant. Ce décor joyeux et enchanteur caractérise Francesco Zuccarelli et satisfait le désir de ses clients d’orner les murs de leurs habitations d’un paysage idéal. » (Notice The J. Paul Getty Museum) |
Francesco Zuccarelli. Paysage arcadien (1745-49). Huile sur toile, 66,5 × 49,5 cm, musée diocésain, Milan. Ce paysage idyllique permet au peintre de déployer son savoir-faire. Le sens de l’espace, avec un paysage qui fuit vers l’infini, est associé à une extrême précision dans le traitement des personnages. |
Francesco Zuccarelli. L'enlèvement d'Europe (1740-50). Huile sur toile, 142 × 208 cm, Galerie de l’Académie, Venise. L'enlèvement d'Europe, épisode de la mythologie grecque, a toujours été considéré comme l'un des chefs-d'œuvre du peintre. Europe est la fille du roi de Tyr, ville de Phénicie (actuel Liban). Zeus, métamorphosé en taureau, la rencontre sur une plage de Sidon. Europe s'approche de lui et est alors emmenée sur l'île de Crète. Sous un platane, elle s'accouple à Zeus (redevenu humain pour la circonstance !). Des enfants naissent et les péripéties divines se poursuivent. La violence s’invite ici dans un paysage idéal et le peintre la met en évidence par des figures décontenancées exprimant par le geste l’intensité des émotions. Le soin apporté aux personnages était une des caractéristiques appréciées de la peinture de Zuccarelli. |
Francesco Zuccarelli. Bacchanale (1740-50). Huile sur toile, 142 × 210 cm, Galerie de l’Académie, Venise. Dans l’Antiquité romaine, les Bacchanales étaient des fêtes religieuses célébrant le culte de Bacchus, dieu du vin. Ces fêtes se déroulaient de nuit et hommes et femmes y participaient. Elles furent interdites par le Sénat de Rome en 186 avant J.-C. car elles donnaient lieu à des débordements et à des scènes de débauche. Zuccarelli utilise ce thème classique pour placer dans un paysage recomposé des personnages mythologiques (satyres et bacchantes) dansant pour honorer Bacchus, allongé sur la partie gauche du tableau. |
Francesco Zuccarelli. Paysage avec des paysans (1750). Huile sur toile, 85 × 131,5 cm, musée Calvet, Avignon. Les paysans de Zuccarelli semblent s’amuser et se délasser tout en travaillant. Nous sommes loin de la réalité de leurs vies rudes et précaires, mais cette illustration pastorale de la vie des humbles avait la faveur des amateurs d’art. |
Francesco Zuccarelli. Paysage avec bergers (v. 1750). Pierre noire, plume et encre brune, lavis brun et gris avec rehauts de gouache blanche, 47,8 × 63 cm, The J. Paul Getty Museum, Los Angeles. Le titre complet est Paysage avec Bergers se reposant sous un arbre près d’une cascade. Le verso comporte un croquis de paysage. « Un grand arbre sur la droite guide le regard du spectateur vers ce paysage italien idyllique. La scène pastorale est divisée en deux par la rivière qui déferle, en provenance d’une cascade située derrière le grand arbre. Au bord de la rivière, un berger et deux bergères se reposent avec leurs bovins et ovins à l'ombre de l'arbre, tandis que plusieurs pêcheurs se détendent au soleil. Des ruines classiques flanquent le bâtiment moderne le long des vallonnements lointains. Les scènes paisibles de Zuccarelli ravissaient les touristes étrangers voyageant en l'Italie au 18e siècle et ils acquéraient ces paysages comme souvenir de leur beau voyage. Ce dessin appartenait autrefois au graveur français Pierre-François Basan, qui l’admirait tant qu'il en fit une gravure qu’il publia. » (Notice The J. Paul Getty Museum) |
Francesco Zuccarelli. Paysage avec figures (1700-1800). Huile sur toile, 88 × 110 cm, Musée Comtadin-Duplessis, Carpentras. Attribuée à Zuccarelli, ce paysage pastoral de femmes se délassant au bord d’une rivière n’est pas daté. Le thème a également été traité par l’artiste en 1760 (voir ci-après). |
Francesco Zuccarelli. Paysage avec femmes à la rivière (1760). Huile sur toile, 118 × 137 cm, Galerie de l’Académie, Venise. Le thème du locus amoenus permet ici à Zuccarelli d'élaborer une composition parfaitement équilibrée. Ce paysage idéal où les personnages vivent en parfaite harmonie avec la nature arcadienne constitue un thème éternel et qui ne vieillit pas au fil des siècles, pour peu que l’artiste adapte son tableau aux exigences fugaces de son époque. |
Francesco Zuccarelli. Paysage avec l’histoire de Cadmos tuant le dragon (1765). Huile sur toile, 126 × 157 cm, Tate Britain, Londres. Le peintre utilise l’une des innombrables péripéties de dieux grecs. Cadmos est envoyé par son père à la recherche d’Europe, sa sœur, enlevée par Zeus ayant pris l’apparence d’un taureau blanc. Il rencontre un dragon qu’il tue et dont il sème les dents. Des guerriers sortent de terre avec lesquels Cadmos fonde la cité de Thèbes. Zuccarelli place la scène dans un magnifique paysage, mais avec un cadrage plus resserré que dans la plupart de ses toiles de façon à mettre en évidence la lutte de Cadmos et du dragon. |
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(*) Trois grands types de paysages peuvent être recensés dans la production italienne de l'époque : les vedute, les capricci et les paysages arcadiens.
La veduta (vedute au pluriel) est une représentation réaliste, aussi exacte que possible, du paysage urbain. L'objectif de fidélité se traduit par une méthode de travail à l'extérieur reposant sur l'observation et la prise de multiples croquis préparatoires. Le tableau est ensuite réalisé en atelier. L'artiste se réserve cependant une certaine liberté et il ne faut pas rechercher dans les vedute une parfaite exactitude topographique. Il s'agit de magnifier un paysage urbain.
Les capricci (capriccio au singulier) sont des compositions mettant en scène des personnages ou des épisodes de la tradition chrétienne sur fond de ruines antiques. Il s'agit de paysages imaginaires assemblant des éléments plus ou moins inspirés du réel. Le retour à l'Antique caractérisant le 18e siècle, ce sont surtout des ruines de l'Antiquité romaine qui servent de cadre à des scènes bibliques ou mythologiques.
Enfin le paysage arcadien ou idyllique, c’est-à-dire idéalisé, reste prisé depuis le 16e siècle et il bénéficie désormais d'une longue tradition à la fois italienne et française puisque de grands artistes comme Nicolas Poussin et Claude Lorrain ont passé l'essentiel de leur vie à Rome.
Commentaires
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- 1. J-P Montebello Le 08/07/2017
Zuccarelli:
Le retour à Venise (1771-1888) ??? !!!
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