Pieter Saenredam. Intérieur de l'église Saint-Bavon à Haarlem (1631)
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Patrick AULNAS
Les tableaux sur bois de Pieter Saenredam (1597-1665) constituent un ensemble de peinture architecturale basée sur une étude géométrique précise. Cet artiste singulier fut influencé par son ami, le peintre et architecte Jacob Van Campen (1596-1649), concepteur du Mauritshuis de La Haye et de l’Hôtel de Ville d’Amsterdam (actuel Palais royal).
Pieter Saenredam. Intérieur de l'église Saint-Bavon à Haarlem (1631)
Huile sur bois, 82,9 × 110.5 cm, Philadelphia Museum of Art
Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE
L’église Saint-Bavon de Haarlem et son peintre
La Grote of Sint-Bavokerk, église Saint-Bavon en français, est un grand édifice gothique situé à Haarlem (Pays-Bas). L’église est dédiée à Bavon de Gand (v. 589-659) qui distribua ses biens aux pauvres, devint moine à Gand (actuelle Belgique) et vécut une partie de sa vie en ermite dans la forêt de Torhout. La construction, commencée en 1400, ne s’acheva qu’en 1520. D’abord catholique, l’église devint un lieu de culte protestant au 16e siècle avec la Réforme. Il ne faut pas confondre l’église Saint-Bavon de Haarlem avec la cathédrale-basilique Saint-Bavon, située dans la même ville mais construite aux 19e et 20e siècles.
Saenredam a vécu l’essentiel de sa vie à Haarlem et il nous a laissé douze tableaux et vingt-sept dessins de l’église Saint-Bavon. Si cette église l’a particulièrement inspiré, il se déplaçait également pour prendre des croquis d’édifices divers (église, hôtels de ville, places), en particulier à Utrecht, Amsterdam, Alkmaar. Mais Saint-Bavon ne devait pas le quitter : il y fut inhumé.
Analyse d’Intérieur de l'église Saint-Bavon à Haarlem de Pieter Saenredam (1631)
L’œuvre impressionne immédiatement par sa monumentalité. L’église est effectivement de grande taille mais Saenredam accentue ce caractère en rapetissant les personnages par rapport à l’édifice. Les figures ont ainsi pour fonction de magnifier l’architecture. Après avoir déterminé ses dimensions précises, le peintre dessinait l’église avec minutie puis composait son tableau en atelier. La perspective, qui joue un rôle essentiel, était déjà parachevée sur le dessin. L’huile introduit donc la couleur et la lumière, c’est-à-dire toute la puissance visuelle de la peinture.
Pieter Saenredam. Saint-Bavon, détail (1631)
La monumentalité des œuvres de Saenredam provient de la perspective et de la couleur. Il utilise les artifices techniques courants depuis le début de la Renaissance pour accentuer la profondeur : alignement des piliers et arcades, dallage au sol, voûte. Dans le cas présent, la composition est parfaitement symétrique et les lignes de fuite se dirigent vers le chœur. Le décor de l’église catholique initiale avait été modifié au 16e siècle pour respecter les prescriptions calvinistes et luthériennes qui interdisaient le culte des images et des statues des saints, du Christ ou de la Vierge. L’extrême dépouillement de Saint-Bavon est parfaitement rendu par Saenredam qui limite sa palette à des blancs et à des dégradés d’ocre et de gris. Un tel choix constitue aussi un artifice technique pour illuminer sur le tableau l’intérieur de l’église qui, en réalité, est beaucoup plus sombre que l’image qu’en donne l’artiste.
Ainsi Saenredam parvient à magnifier ses architectures de deux façons : en créant sur le tableau un espace vaste et profond et en l’inondant d’une lumière limpide par la clarté des coloris.
Le groupe de personnes se promenant dans la nef permet sans doute d’apprécier la taille de l’édifice. Mais il s’agit aussi des patriciens de Haarlem qui financent les œuvres d’art. A l’époque, chacun pouvait probablement se reconnaître dans l’un des personnages représentés.
Pieter Saenredam. Saint-Bavon, détail (1631)
Au milieu, un peu en retrait, un homme désigne à une dame un tableau accroché au mur et représentant l’église Saint-Bavon. On considérait à l’époque que ce tableau avait été peint par Gérard de Saint-Jean (Geertgen tot Sint Jans, v. 1460-1490) qui vécut au couvent des Chevaliers de Saint-Jean de Haarlem. Saenredam se place ainsi dans la lignée des grands peintres néerlandais et montre à ses contemporains sa capacité de surpasser techniquement les grands ancêtres.
Pieter Saenredam. Saint-Bavon, détail (1631)
Si l’on peut avoir le sentiment que le protestantisme a quelque peu entravé la liberté d’artistes comme Rembrandt ou Hals, on ressent au contraire une harmonie entre cette religion et l’œuvre de Pieter Saenredam. Presque entièrement consacrée à des édifices religieux, d’une rigueur quasi mathématique, d’une limpidité que l’on ne retrouve que chez certains italiens, la peinture de Saenredam est une recherche de pureté et de dépouillement.
La peinture architecturale en Flandre et aux Pays-Bas
La peinture d’architecture est un genre qui s’est développé au 17e siècle en Flandre et aux Pays-Bas. Mais la pureté et l’élégance de Saenredam ne se retrouvent pas ailleurs. Les autres artistes, s’ils ne manquent pas de capacités techniques, ne possèdent pas le talent visuel de Saenredam. Ils ne s’imposent pas non plus la rigueur mathématique qui préside aux réalisations du grand peintre de Haarlem et qui constitue sans doute l’élément majeur interdisant les dérives fantaisistes.
Voir sur ce thème le site Intérieurs d’églises.
Hendrick Aerts. Architecture imaginaire avec une église gothique (v. 1602). Huile sur bois, 65 × 102,5 cm, Musée National de Varsovie. |
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Bartholomeus van Bassen. Intérieur d’une église imaginaire (1639). Huile sur bois, 38 × 50 cm, collection particulière. |
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Susanna van Steenwijk-Gaspoel. Lakenhal, Leiden (1642). Huile sur toile, 97 × 119 cm, Musée De Lakenhal, Leiden. |
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Daniel van Blieck. Intérieur d’une église (v. 1652). Musée des Beaux-arts de Reims. |
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Gerrit Berckheyde. Intérieur de l'église Saint-Bavon à Haarlem (1673). Huile sur bois, 61 × 85 cm, National Gallery, Londres. |
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