Notre-Dame de Vladimir (début 12e siècle)
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Patrick AULNAS
Une icône est une image représentant une figure religieuse. Elle fait souvent l’objet d’une vénération dans la tradition chrétienne orthodoxe. Notre-Dame de Vladimir est l’icône la plus célèbre, ayant produit, selon la légende, de nombreux miracles. Il s’agit d’une Vierge à l’Enfant ou Théotokos (Mère de Dieu en grec).
Notre-Dame de Vladimir (début 12e siècle)
Tempera sur bois, 104 × 69 cm, galerie Tretiakov, Moscou.
Historique de l’icône Notre-Dame de Vladimir
La légende se mêle souvent aux éléments historiques en ce qui concerne cette icône. Les documents historiques mentionnent son arrivée par bateau à Kiev, en provenance de Constantinople, en 1131. Il s’agissait d’un cadeau du patriarche de Constantinople au grand-duc Iouri Dolgorouki. Elle fut alors placée dans le monastère Mejihirsky de Vichgorod, petite localité ukrainienne située à une vingtaine de kilomètres de Kiev. En 1155, le prince Andreï Bogolioubski, fils de Iouri Dolgorouki, emmène l’icône à Vladimir qu’il souhaitait transformer en capitale politique.
C’est à partir de ce moment que l’icône acquiert un statut exceptionnel en Russie. Elle est considérée comme la protectrice de l’Église orthodoxe et de l’État et fait l’objet d’une vénération aussi bien de la part des puissants que du peuple. De nombreux miracles lui ont été attribués. Le prince Andreï Bogolioubski fit construire pour abriter l’icône une splendide église de pierres blanches, la cathédrale de la Dormition de Vladimir. L’icône reçut alors le nom de Vladimirskaïa, soit Notre-Dame de Vladimir.
Tamerlan (1336-1405), le fondateur de la dynastie des Timourides, chef de guerre redoutable à la tête des armées tatares, bâtit au 14e siècle un empire s’étendant sur l’Asie centrale et occidentale. En 1395, il envahit la Russie. L’icône fut alors transférée à Moscou. Contre toute attente, les armées de Tamerlan firent retraite avant d’atteindre Moscou. Selon la légende, c’est l’icône Notre-Dame de Vladimir qui accomplit ce miracle. L’icône fut alors placée dans la cathédrale de la Dormition du Kremlin. Pendant des siècles, cette image de la Vierge fut associée à de nombreux évènements politiques et religieux, en particulier le couronnement des tsars et l’élection des patriarches de l’Église orthodoxe.
L’icône demeura dans la cathédrale du Kremlin jusqu’à 1918. Elle est aujourd’hui conservée à la Galerie Tretiakov, grand complexe muséographique de Moscou abritant plus de 140 000 pièces de collection.
Notre-Dame de Vladimir date sans aucun doute de l’époque comnène du fait de ses caractéristiques stylistiques. Mais une légende la fait remonter à l’époque du Christ. Selon cette légende, l’apôtre Luc peignit l’icône du vivant de la Vierge. Celle-ci, en la voyant, déclara : « Que la grâce de Celui qui est né de moi et la mienne soient avec elle ! ». Jusqu’à 450, l’icône demeura à Jérusalem puis fut transportée à Constantinople. Cette belle légende n’est attestée par aucun document historique.
L’art de l’icône
L'art de l'icône s'est développé dans l'Empire romain d'Orient ou Empire byzantin après la naissance du christianisme. Mais la vénération des images remonte évidemment très loin dans le temps. Les chrétiens ont repris les pratiques de dévotion envers les images ou les statues, déjà présentes dans l'Antiquité gréco-romaine ou égyptienne. Très peu d'icônes des premiers siècles de notre ère ont survécu, la période de l'iconoclasme (726-843) ayant entraîné la destruction de beaucoup d'entre elles. Après la restauration du culte des images en 843, la production des icônes reprend, d'abord dans un style très rigoureux (9e et 10e siècles) puis de plus en plus libre, en particulier sous la dynastie de Comnènes (1081-1204). La rupture définitive de l'Église orthodoxe avec Rome a lieu en 1054 lorsque le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire (1000-1059) est excommunié. L'art de l'icône continuera à se développer dans les régions de culte orthodoxe : Grèce, Balkans, Russie en particulier. La Russie portera très haut cette pratique artistique avec le plus connu des peintres d'icônes, Andreï Roublev (1360-1430). Jusqu'au 19e siècle, l'art populaire russe fera une place importante aux icônes. Aujourd'hui encore, dans les sites touristiques de Turquie, de Grèce ou de Russie, des icônes sur fond doré, fabriquées en série, font l'objet d'un commerce lucratif.
Analyse de l’icône Notre-Dame de Vladimir (début 12e siècle)
Notre-Dame de Vladimir fut peinte par un artiste inconnu dans le premier tiers du 12e siècle. Les personnages religieux hiératiques de l’iconographie des siècles passés laissent alors place à des figures plus humaines. Notre-Dame de Vladimir est une icône de type Éléousa (compassion, pitié en grec) proposant une image très maternelle de la Vierge. « Dans la Russie médiévale, ce type iconographique était appelé umilenie – tendre affection – ce qui correspond parfaitement à l’image : la joue de l’enfant est tendrement pressée contre le visage de la Vierge ; il l’étreint avec sa main gauche et Notre-Dame tient l’enfant avec sa main droite, penchant sa tête vers lui. » (*)
Notre-Dame de Vladimir. Détail
La puissance évocatrice de cette icône tient à une conjonction exceptionnelle d’émotions humaines et de majesté religieuse. La Vierge n’observe pas l’enfant mais porte un regard profond vers l’extérieur du tableau, interrogeant ainsi l’observateur. Le regard de la Vierge représente l’élément essentiel de la composition par sa position centrale et ses caractéristiques alliant présence émotionnelle et forte intériorité. La majesté de Notre-Dame de Vladimir est accentuée par sa tunique décorée de quelques étoiles dorées et bordée d’un galon précieux. Ce vêtement conjugue sobriété et élégance.
L’Enfant Jésus est un adulte en miniature selon la représentation commune de l’enfance à cette époque. Son vêtement tissé de fils d’or est un vêtement d’adulte et son visage sérieux vise à évoquer la majesté divine et non la spontanéité de l’enfance. Sa gestuelle est cependant celle de l’enfance ainsi que sa taille, encore que l’on puisse noter une disproportion entre le corps très allongé et la tête relativement petite.
Notre-Dame de Vladimir. Détail
Notre-Dame de Vladimir comporte toutes les spécificités stylistiques de la peinture byzantine du 12e siècle, sous la dynastie des Comnènes, ne laissant aucun doute sur l’époque de sa réalisation. L’expression des émotions se libère au 12e siècle. Des images non dénuées d’un certain maniérisme apparaissent, comportant une gestuelle et des mimiques trop accentuées, dans le but de privilégier l’expression des sentiments. L’élongation des formes constitue une autre caractéristique de ce style, comme l’attestent les doigts effilés de la Vierge et de l’Enfant, le corps et le cou trop longs de l’Enfant. Cette touche de maniérisme permet aux artistes de privilégier l’expressivité et de se départir très nettement du rigorisme de la peinture byzantine plus ancienne. Subsistent cependant les règles de base de la composition, en particulier la quasi-symétrie de la figure et le fond doré.
La peinture occidentale suivra, à partir du 13e siècle, cette humanisation des personnages. Les primitifs italiens seront les premiers à transformer les figures austères des saints et des divinités en leur attribuant des émotions humaines permettant de toucher les croyants, non seulement par la majesté de la représentation mais aussi par l’image familière du divin.
Notre-Dame de Vladimir, revers
Le revers de l’icône représente le Trône de la seconde venue. La date de cette peinture est incertaine. Une controverse entre spécialistes oppose les partisans du 15e siècle et les partisans du 19e siècle. La seconde venue du Christ sur terre est évoquée dans certains passages de la Bible, en particulier l’Évangile selon Matthieu : « Quand le Fils de l'homme viendra dans Sa gloire avec tous les saints anges, alors il s'assiéra sur Son trône de gloire » (Matthieu, 25.31).
L’évolution des Théotokos
Entre la Vierge hiératique du 9e siècle, qui représente la distance entre le divin et l’humain, et la Vierge Cardiotissa du 15e siècle, qui évoque la tendresse maternelle, se situe l’inflexion du 12e siècle, dont Notre-Dame de Vladimir est l’exemple le plus emblématique.
La Vierge et l’Enfant ou Théotokos (9e siècle). Mosaïque, Basilique Sainte-Sophie, Istanbul. La Vierge est assise sur un siège très stylisé, conformément à la doxa de l'époque qui excluait le réalisme. Le fond or permet également d'éviter toute tentation de ce point de vue. Cette Vierge se trouve dans l'abside. |
Notre-Dame de Vladimir, copie (v. 1400). Tempera sur bois, 102,2 × 69,5 cm, musée de Vladimir-Suzdal. Il s’agit de l’une des nombreuses copies de Notre-Dame de Vladimir. |
Angelos Akotantos. La Vierge Cardiotissa (1400-1450). Tempera et or sur bois, 121 × 96,5 cm, Musée byzantin et chrétien d'Athènes. Cette icône a été réalisée à Chandax (Héraklion aujourd'hui), en Crête, par le peintre grec Angelos Akotantos (mort avant 1457). Il est probablement venu de Constantinople où le déclin de l’Empire byzantin accroissait l'insécurité. Ce peintre est le fondateur d'une « école crétoise » qui devait dominer les années post-byzantines. Cardiotissa ou Kardiotissa est le nom d'une île de l'archipel crétois. |
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(*) Commentaire Galerie Tretiakov.
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