Mosaïque du Bon Pasteur (425-450)
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Patrick AULNAS
Les romains utilisaient beaucoup la mosaïque pour la décoration intérieure. L’Empire romain d’Occident s’achève en 476 lorsque le dernier empereur, Romulus Auguste (460 - v. 511) est capturé par Odoacre (433-493) et doit abdiquer. Au cours des trois derniers siècles de l’Empire se développe un art dit paléochrétien qui traite des thèmes iconographiques extraits de la tradition orale chrétienne. Le mausolée de Galla Placidia, à Ravenne, possède une abondante décoration intérieure d’inspiration chrétienne.
Mosaïque du Bon Pasteur (425-450)
Mausolée de Galla Placidia, lunette nord. Ravenne.
Image HD sur WIKIMEDIA
Contexte historique
L’Instabilité politique caractérise la fin de l’Empire romain. Un Empire d’Orient coexiste avec l’Empire d’Occident et d’incessantes luttes se déroulent pour la conquête du pouvoir politique. Voici quelques repères historiques concernant Galla Placidia :
- Galla Placidia (388-450) est la fille de l’empereur romain d’Orient Théodose 1er (347-395). Elle passe sa petite enfance à la cour de Constantinople. A la mort de Théodose, elle accompagne son demi-frère Flavius Honorius à Rome où il devient coempereur avec le général vandale Stilicon.
- En 410, le roi Wisigoth Alaric 1er envahit Rome et prend Galla Placidia en otage. A la mort d’Alaric, à la fin de l’année 410, Athaulf devient roi des Wisigoths. Probablement pour s’imposer face à Flavius Honorius, Athaulf épouse Galla Placidia en 414.
- Mais Athaulf est assassiné et Galla Placidia rejoint Flavius Honorius à Ravenne où celui-ci lui impose le mariage avec Constance, l’un de ses généraux, en 417. Constance sera brièvement coempereur (Constance III). Il meurt en 421 et Honorius en 423.
- Après la mort de Constance, Galla Placidia parvient à conquérir le pouvoir avec l’appui de Théodose II, empereur d’Orient. Elle place sur le trône impérial d’Occident son fils Valentinien âgé de six ans et assure la régence jusqu’à 437. Elle demeure très puissante après cette date, lorsque son fils exerce le pouvoir.
- Galla Placidia a maintenu sa cour à Ravenne, jugée plus facile à défendre que Rome. Elle était chrétienne et très pieuse. Vers 430, elle fait construire un petit oratoire dédié à Saint Laurent qui était mort supplicié en 258 à Rome. Le terme mausolée a été utilisé par erreur. On pensait que le sarcophage contenant le corps de Galla Placidia avait été placé dans cet édifice. En réalité, les trois sarcophages qui y ont été trouvés ne concernent pas Galla Placidia. L’appellation courante mausolée sera conservée ci-après.
Le mausolée de Galla Placidia
Mausolée de Galla Placidia, extérieur (425-450), Ravenne
Il s’agit d’un petit édifice en forme de croix de 12,75 sur 10,25 mètres. L’extérieur très simple en briques contraste avec l’intérieur comportant de superbes mosaïques à thématique chrétienne : deux évangélistes, saint Laurent marchant vers le gril enflammé sur lequel il fut supplicié et le Bon Pasteur gardant ses brebis.
Mausolée de Galla Placidia, intérieur (425-450), Ravenne
Le caractère décoratif des mosaïques apparaît particulièrement sur les voûtes bleues aux motifs étoilés, comme celle qui surmonte la mosaïque du Bon Pasteur :
Mosaïque du Bon Pasteur et voûte (425-450), Ravenne
Mausolée de Galla Placidia, lunette nord. Ravenne
Cette décoration rappelle celles de l’Empire romain d’Orient dont il reste des exemples à la Rotonde Saint-Georges de Thessalonique (4e siècle).
La mosaïque du Bon Pasteur
Le bon pasteur apparaît déjà dans la mythologie grecque avec Hermès criophore, c'est-à-dire qui porte un bélier. Hermès (Mercure chez les romains) est le messager des dieux et se voit attribuer de nombreuses épithètes dont le Protecteur des moutons. Mais l’expression Bon Pasteur, parfois traduite Bon Berger, est aussi un des vocables par lesquels Jésus-Christ s’identifie dans les Évangiles. Dans l’Évangile selon Jean, il prononce ces paroles :
« Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. »
L’image du berger était très courante à Rome pour évoquer le Christ. Les chrétiens étant pourchassés et parfois suppliciés, ils devaient être prudents et utilisaient l’image profane du berger pour lui donner une signification religieuse. Lorsque le christianisme est admis, avec la conversion de l’empereur Constantin 1er au début du 4e siècle, la figure du berger continue à être utilisée pour représenter le Christ. La mosaïque du Bon Pasteur de Ravenne constitue l’une des dernières évocations de ce type. Le Christ-Pasteur disparaîtra presque complètement au Moyen Âge.
Le berger du mausolée de Galla Placidia constitue donc une utilisation tardive du thème. Jésus-Christ semble davantage roi que berger. Le rocher sur lequel il est assis fait figure de trône et exprime sa souveraineté. Le regard tourné vers les lointains, il semble maîtriser l’espace, mais souverain protecteur, il caresse une brebis de sa main droite. La majesté de ce pasteur richement vêtu est confirmée par la grande croix qu’il tient de sa main gauche. L’auréole qui entoure sa tête symbolise son caractère divin.
Mosaïque du Bon Pasteur, détail
Dans l’iconographie chrétienne de cette époque, le Christ est encore un jeune homme imberbe aux cheveux longs, finalement assez proche de ce que pensait de lui André Malraux : « Le Christ, c’est un anarchiste qui a réussi. C’est le seul. » Sa réussite conduit à le représenter majestueusement, comme le fils que Dieu a envoyé auprès des hommes, ses brebis. Ce Christ souverain doit les guider et les protéger. Le regard tourné vers lui, les six brebis vénèrent leur maître et comptent sur sa protection.
Mosaïque du Bon Pasteur, détail
Le paysage, très schématique, est traité comme un décor constitué de rochers, d'arbres, de buissons sur un fond de ciel d’aurore. Il évoque un locus amoenus symbolisant le paradis des chrétiens. La composition recherche la symétrie : trois brebis et un rocher encadrent, à droite comme à gauche, la figure centrale du Christ. Outre le blanc des brebis, les couleurs froides ont été privilégiées (bleu, vert). Mais des contrepoints jaune-or viennent éclairer la végétation. Le Christ se détache nettement de l’ensemble avec sa tunique et sa croix or.
A la fois décoration murale et évocation religieuse de la figure du Christ, la mosaïque du Bon Pasteur est un des chefs-d’œuvre de l’iconographie religieuse du paléochristianisme. Au cours des siècles suivants, le berger gardant ses brebis sera remplacé par d’autres figures.
Évolution de la représentation du Christ adulte
Trois types principaux de représentation du Christ se sont succédés. Le premier est le Bon Pasteur dont il subsiste peu d’exemples. Par la suite, la majesté du personnage sera mise en évidence avec le Christ rédempteur et le Christ Pantocrator de l’art byzantin, puis le Christ en majesté de l’art roman qui en dérive. A partir de 13e siècle, la figure du Christ se transforme radicalement. Le souverain majestueux et dominateur disparaît pour laisser place à un Christ partageant les souffrances des hommes : crucifixion, lamentation sur le Christ mort, etc.
Art paléochrétien
Le Bon Pasteur (250-300). Fresque. Catacombes de sainte Priscille, Rome. Ce Bon Pasteur s’inspire de l’Hermès criophore des grecs qui portait un bélier sur ses épaules. |
Art byzantin
Le Christ rédempteur (6e s.). Mosaïques, basilique San Vitale, Ravenne. Le Christ est ici un personnage dominant, roi de l'univers, siégeant sur un globe. Deux anges l'entourent. A l'extrême-gauche, Saint Vitale reçoit du Christ la couronne du martyre. A l'extrême-droite, l'évêque Ecclésius, qui fit construire la basilique, la présente au rédempteur. L'arrière-plan doré, non figuratif conformément à l'esthétique byzantine, contraste avec le sol qui représente un paysage imaginaire à visée décorative. |
Le Christ Pantocrator (v. 1180). Mosaïque, cathédrale de Monreale, Sicile. Le mot latin pantocrator signifie maître de tout, tout puissant. Cette représentation majestueuse du Christ est courante dans l'art byzantin et s'oppose à celle du Christ souffrant, privilégié par l'art occidental. Dans sa main gauche, le Christ tient une page de l'Évangile selon saint Jean qui indique : « Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres. » |
Art roman
Les Évangiles d'or d'Henri III, Christ en majesté (1043-46). Enluminures sur parchemin, 50 × 33,5 cm, Bibliothèque royale de San Lorenzo, El Escorial. Le Christ, représenté dans une mandorle, reçoit l'hommage des parents de l'empereur Henri III, Conrad II et son épouse Gisela, qui avaient construit la cathédrale de Spire (Rhénanie-Palatinat) et en avaient fait le lieu de sépulture de la dynastie des Saliens. |
Christ en majesté (1150-1200). Tempera et reste de feuille de métal sur bois, 88 × 123 cm, Musée national d'art de Catalogne, Barcelone. Ce panneau provient probablement de l'ancienne église Santa María del castillo de Besora (Catalogne). La composition utilise avec brio le vert, le jaune et l'orange et place la figure centrale du Christ pantocrator dans une mandorle comme il était fréquent dans l'art byzantin. |
Pré-renaissance et Renaissance
Cimabue. Crucifix (1268-71). Tempera sur bois, 336 × 267 cm, San Domenico, Arezzo. L'attribution à Cimabue est en général admise aujourd'hui. Mais le tondo supérieur (image circulaire) est d'un autre peintre. A l'extrémité des bras du Christ apparaissent la Vierge et saint Jean. |
Giotto. La Lamentation sur le Christ mort (1303-05). Fresque, 200 × 185 cm, Chapelle Scrovegni, Padoue. Ou Déposition de la croix. Thème récurrent de la peinture occidentale appelé aussi Déploration du Christ. Le Christ est mort, allongé, et des personnages le pleurent. Les trois Marie (Marie-Madeleine, Marie Salomé et Marie Jacobé) entourent le Christ. Saint Jean (les bras écartés), saint Pierre (chauve) et saint Paul sont également représentés. Giotto met l'accent sur l'expressivité des personnages féminins et de saint Jean de façon à faire émerger chez l'observateur des émotions. La scène n'appartient pas seulement au règne du divin, elle touche l'émotivité humaine qui doit ressentir le drame qui se joue. Cet appel aux sentiments humains (pitié, amour, tendresse) constitue l'aspect le plus innovant de la peinture de Giotto. Le cadre se veut lui-même réaliste : rocher, arbre, ciel bleu. |
Rogier Van der Weyden. Descente de croix (1435). Huile sur bois, 220 × 262 cm, musée du Prado, Madrid. Le Christ mort est descendu de la croix entouré de divers personnages. De gauche à droite : Marie Cléophas (demi-sœur de la Vierge), saint Jean (en rouge), Marie Salomé (demi-sœur de la Vierge), la Vierge Marie s’évanouissant, le corps du Christ, Nicodème et Joseph d'Arimathie (ils soutiennent le corps du Christ), un serviteur barbu à l’arrière -plan, Marie-Madeleine tout à fait à droite. |
Le Greco. Le Partage de la tunique du Christ ou El Espolio (1577-79). Huile sur toile, 285 × 173 cm, Cathédrale Sainte-Marie de Tolède. La scène se situe après le chemin de croix du Christ, lorsqu'il arrive au sommet du Golgotha, la colline proche de Jérusalem où les romains crucifiaient les condamnés. Il est accompagné de soldats en armures du 16e siècle, comme il était courant dans la peinture de l'époque. En contrebas, on aperçoit les trois Marie : Marie-Madeleine, Marie Salomé et Marie Jacobé. Les couleurs sont déjà celles que Greco privilégiera souvent par la suite. Sur un fond sombre avec ciel crépusculaire, se détache la figure du Christ en rouge vif, un homme en vert à sa droite et deux personnages en jaune au premier plan. La vision en contreplongée permet de mettre en évidence le Christ en pied. |
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