Jan Brueghel de Velours. Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe (v. 1618)

 
 
 

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Patrick AULNAS

Fils de Pieter Brueghel l’Ancien, l’un des plus importants peintres flamands du 16e siècle, Jan Brueghel de Velours (1568-1625) doit son surnom à son exceptionnelle maîtrise des fondus et des dégradés. Il s’est illustré dans les paysages, les scènes religieuses et allégoriques mais aussi dans les natures mortes florales qui obtenaient un grand succès public à cette époque en Flandre.

 

Brueghel. Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe dorée (1618)

Jan Brueghel de Velours. Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe (v. 1618)
Huile sur bois, 47,5 × 52,5 cm, Musées Royaux des Beaux-Arts, Bruxelles.
Image HD sur GOOGLE ARTS & CULTURE

 

Contexte historique

Brueghel de Velours fut l’un des premiers peintres flamands à s’intéresser aux natures mortes florales. Ses réalisations sont de deux sortes : les bouquets et les guirlandes.

  • Les bouquets sont une composition picturale et non l’image d’un bouquet de fleurs posé sur une table. Chaque bouquet comporte une profusion de variétés différentes de fleurs, les spécialistes en ayant compté jusqu’à cinquante. Chaque fleur est représentée minutieusement pour être parfaitement reconnaissable. Cependant, ces bouquets ne pouvaient exister dans la réalité car les fleurs représentées ne fleurissent pas à la même époque de l’année.

 

Brueghel. Le Grand Bouquet (1607)

Jan Brueghel Velours. Le Grand Bouquet (1607)
Huile sur bois, 98 × 73 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne.

  • Les guirlandes de fleurs encadrent en général une image pieuse ou un portrait. Ce type de composition se popularise dans le cadre du mouvement de Contre-réforme de l’Église catholique, afin de se démarquer du protestantisme qui condamnait les images des figures divines ou saintes. Posséder un tel tableau revenait donc à marquer son adhésion au catholicisme et son hostilité à la Réforme protestante. La collaboration de deux artistes était fréquente. Dans l’exemple ci-après, Brueghel a peint la guirlande et Rubens les figures.

 

Jan Brueghel de Velours et Rubens. Vierge à l'Enfant entourée de fleurs et de fruits (fin 16e siècle)

Jan Brueghel de Velours et Rubens. Vierge à l'Enfant entourée de fleurs et de fruits (fin 16e siècle)
Huile sur bois, 79 × 65 cm, musée du Prado, Madrid.

Analyse de l’œuvre

Par son élégance presque maniériste Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe est un chef-d’œuvre de la peinture du 17e siècle. La guirlande n’est pas associée ici à une image pieuse, ce qui constitue une originalité. Il s’agit probablement d’une couronne de mariée que l’artiste a placée en oblique contre une somptueuse coupe de vermeil. Sur la table sont éparpillés des bijoux évoquant l’évènement au cours duquel ils ont été portés.

De somptueux bijoux

 

Jan Brueghel de Velours. Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe, détail (v. 1618)

Jan Brueghel de Velours. Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe, détail (v. 1618)

En suivant le détail ci-dessus de gauche à droite, les bijoux suivants apparaissent. A gauche de la coupe, l’objet de forme allongée est une épingle à cheveux en or. Viennent ensuite trois bagues en or serties de pierres précieuses puis un pendentif comportant des incrustations d’émail et des pierres précieuses.

 

Jan Brueghel de Velours. Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe, détail (v. 1618)

Jan Brueghel de Velours. Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe, détail (v. 1618)

Un collier de perles et un bracelet en or débordent de l’écrin à bijoux. Dans cet écrin, ont été placés un autre bracelet en or identique et des pièces de monnaie. Les femmes portaient à cette époque deux bracelets identiques, un à chaque poignet.

De multiples variétés de fleurs

 

Jan Brueghel de Velours. Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe, détail (v. 1618)

Jan Brueghel de Velours. Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe, détail (v. 1618)

La guirlande de fleurs est une création picturale pure qui ne peut avoir d’existence réelle du fait de l’extrême variété des plantes représentées. Le travail de Brueghel est considérable et nécessitait beaucoup de temps. Chaque fleur est représentée avec une précision extrême et les spécialistes les ont toutes identifiées. Voici quelques exemples :

 

Jan Brueghel de Velours. Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe, détail (v. 1618)

Jan Brueghel de Velours. Nature morte avec guirlande de fleurs et coupe, détail (v. 1618)

A : Tagète ou œillet d’Inde B : Œillet C : Rose D : Anémone E : Myosotis F : Nigelle de Damas G : Muguet

 

La symbolique florale

Il est possible d’associer certaines fleurs à des symboles, parfois d’origine mythologique. Par exemple, l’anémone représente l’éphémère, la fragilité. Dans la mythologie grecque, elle provient d’Adonis. Au cours d’une chasse, Adonis est tué par un sanglier envoyé par Arès, le dieu de la guerre et son rival auprès d’Aphrodite, déesse de l’amour. Des anémones jaillissent des gouttes de sang d’Adonis. Le myosotis est couramment associé à la mémoire, au souvenir éternel. Le muguet représente l’humilité et la virginité. Toute cette symbolique pouvait être plus ou moins présente dans les esprits cultivés du 17e siècle.

Une peinture destinée à l’élite culturelle et sociale

Cette peinture était destinée à une personne d’un statut social très élevé qui retrouvait sur le tableau des objets qu’elle pouvait posséder, mais agencés selon le bon vouloir de l’artiste et formant ainsi une composition à l’esthétique raffinée. Il est possible d’interpréter cette nature morte comme une allégorie du mariage, bijoux et guirlande évoquant à la fois la cérémonie et la fidélité.

Une composition originale

Brueghel a choisi une vue légèrement plongeante lui permettant de décrire avec minutie l’ensemble des objets présents sur la table. Ce caractère descriptif, presque énumératif, constitue une caractéristique forte de sa peinture, y compris des paysages. L’autre dominante de la composition se situe dans l’utilisation de l’oblique. La guirlande et l’écrin sont placés approximativement dans l’axe de la diagonale du tableau. Couplées à la verticale du pied de la coupe et à l’horizontale du bord de la table au second plan, ces diagonales produisent un effet de profondeur. L’arrière-plan noir uniforme crée un effet de clair-obscur. Les reflets de la lumière sur les objets éparpillés sur la table et sur la coupe de vermeil contrastent fortement avec l’arrière-plan.

Quelques bouquets du début du 17e siècle

La nature morte se développe principalement en Flandre et aux Pays-Bas aux 16e et 17e siècles. Elle est peu répandue dans le sud  de l’Europe.

Daniel Seghers. Fleurs dans un vase (v. 1610)

Daniel Seghers. Fleurs dans un vase (v. 1610). Huile sur cuivre, 41,6 × 28,5 cm, Museum Mayer van den Bergh, Anvers. Daniel Seghers (1590-1661) est un peintre anversois, élève de Jan Brueghel de Velours. Il a peint essentiellement des natures mortes florales et quelques paysages.

Daniel Seghers. Le bouquet de fleurs (début 17e siècle)

Daniel Seghers. Le bouquet de fleurs (début 17e siècle). Huile sur toile, 50,4 × 43,7 cm. Musée de la collection Jean-Paul II. Varsovie.

Clara Peeters. Nature morte aux fleurs (1611)

Clara Peeters. Nature morte aux fleurs (1611). Huile sur bois, 52 × 73 cm, musée du Prado, Madrid. Titre complet au musée du Prado : Nature morte aux fleurs, gobelet doré, fruits séchés, bonbons, biscuits, vin et un flacon en étain. Clara Peeters (1594-1657) est une artiste flamande, née à Anvers, spécialisée dans les natures mortes.

Ambrosius Bosschaert l’Ancien. Nature morte aux fleurs (1614)

Ambrosius Bosschaert l’Ancien. Nature morte aux fleurs (1614). Huile sur cuivre, 30,5 × 38,9 cm, The Paul Getty Museum, Los Angeles. Ambrosius Bosschaert l’Ancien (1573-1621) est un peintre néerlandais spécialisé dans les natures mortes florales.

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Ambrosius Bosschaert l’Ancien. Nature morte aux fleurs dans un vase Wan-li (1619)

Ambrosius Bosschaert l’Ancien. Nature morte aux fleurs dans un vase Wan-li (1619). Huile sur cuivre, 31 × 22,5 cm, Rijksmuseum, Amsterdam.

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