Le paysage aux 20e et 21e siècles
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Patrick AULNAS
8. L'art du paysage aux 20e & 21e siècles
A la fin du 19e siècle l'impressionnisme et le postimpressionnisme ont définitivement rompu avec l'idéal classique de la peinture de paysage qui consistait à représenter le monde sur la surface limitée du tableau. Le dessin et la couleur n'étaient que des techniques permettant de s'approcher aussi près que possible de la réalité observée en sélectionnant ce qui était jugé le plus beau ou le plus digne d'intérêt. Les artistes de la fin du 19e siècle commencent à libérer l'art pictural de cette contrainte figurative en accordant une autonomie croissante aux formes et aux couleurs par rapport au réel. On se rend compte que rien n'interdit de peindre un champ de blé rouge (Émile Bernard, La moisson, 1888) ou de suggérer une barque sur la mer par quelques taches de couleur (Claude Monet, Impression soleil levant, 1872). Si l'on compare cette approche avec celle des peintres flamands du 15e siècle par exemple, on mesure le chemin parcouru. Jan Van Eyck se faisait un devoir de dessiner et de peindre minutieusement le paysage lointain situé à l'arrière-plan de ses compositions (La Vierge du Chancelier Rolin, 1435). A la recherche de l'objectivité se substitue donc une utilisation libre et totalement subjective de la technique picturale.
Cette évolution n'a d'ailleurs pas été brutale. Dès le 16e siècle, le maniérisme avait cherché à se libérer des contraintes formelles et chromatiques trop strictes du classicisme et certains artistes comme El Greco étaient allés très loin dans cette direction (Vue de Tolède, 1597-99). Mais il s'agit de génies isolés qui n'auront pas de successeurs directs. Dès la première moitié du 19e siècle, un grand artiste comme William Turner veut substituer une esthétique de la perception à l'esthétique de la représentation (Le Grand Canal, Venise, 1835). Mais Turner ne sera compris que de quelques esthètes et il faut attendre la fin du siècle pour que le monde de l'art accepte la nouvelle approche de la peinture.
Le 20e siècle consistera donc à utiliser cette liberté nouvelle pour expérimenter. Il en résulte que les mouvements se succèdent à cadence rapide avec des effets de mode non négligeables. Les artistes peuvent appartenir successivement à plusieurs courants picturaux car il faut suivre les tendances émergentes. Ainsi, Picasso a peint au tout début du 20e siècle des tableaux d'inspiration pointilliste puis il se dirigera vers le cubisme et ensuite vers le surréalisme.
L'art abstrait ou non figuratif sera l'aboutissement de cette évolution avec des dérives nombreuses à caractère purement commercial. Il ne faut jamais perdre de vue que, dans la seconde moitié du 20e siècle, l'État-providence injecte directement (musées, écoles) ou indirectement (soutien financier à des associations ou à des manifestations artistiques) des sommes considérables dans la culture. Les montants en jeu sont sans commune mesure avec ceux des siècles précédents. Il s'agit donc (aussi) de capter la manne publique en se situant dans le conformisme du moment. Il faut complaire aux puissants, comme cela a toujours été le cas. Mais l'argent public des États riches d'Occident aboutit à une sélectivité plus faible qu'auparavant. Comme en littérature ou en musique les « créateurs » sont innombrables en peinture, mais très peu survivront au passage du temps.
La sélection ci-après, concernant le paysage, élimine l'art abstrait, bien que certains voient des paysages non figuratifs. Quand on peut tout dire d'une œuvre, autant ne rien dire.
Le fauvisme
André Derain. Bateaux dans le Port, Collioure (1905)
Huile sur toile, 72 × 91 cm, collection particulière.
Comme pour l'impressionnisme, le qualificatif fauves fut attribué à ce mouvement par un critique, Louis Vauxelles, qui s'offusquait du chromatisme provocant de quelques jeunes peintres du tout début du 20e siècle. Henri Matisse (1869-1954), André Derain (1880-1954) et Maurice de Vlaminck (1876-1958) recherchent alors une utilisation de la couleur qui aille au-delà de la restitution de la lumière. Les couleurs vives et les contrastes violents devaient permettre de structurer l'espace du tableau. Le respect des règles de la perspective n'est pas jugé essentiel. Le paysage devient alors un espace pictural pur utilisant des formes empruntées à la nature.
André Derain. Bateaux dans le Port, Collioure (1905). Huile sur toile, 72 × 91 cm, collection particulière. Derain passe l'été 1905 dans le petit port de Collioure, dans le sud de la France. Il connaît le travail de Seurat, de Van Gogh et de Gauguin. Le port de Collioure n'est ici que le prétexte à juxtaposer des couleurs structurant l'espace du tableau. Si la perspective linéaire n'est pas totalement absente, le peintre s'accorde beaucoup de liberté à cet égard. L'influence du pointillisme est marquée par la juxtaposition de touches évoquant une vision particulière de la mer et du ciel. La liberté chromatique est totale : les galets ou le sable sont rouges, le ciel est jaune et vert. Mais l'impression de profondeur et de luminosité rattache bien cette œuvre à l'art du paysage. |
Maurice de Vlaminck. Voilier sur la Seine (1906). Huile sur toile, 54,6 × 73,7 cm, Metropolitan Museum of Art, New York. Le jeune Vlaminck est un sympathisant anarchiste qui semble vivre la création artistique comme un substitut de l'action révolutionnaire : « Ce que je n'aurais pu faire dans la société qu'en jetant une bombe, j'ai tenté de le réaliser dans la peinture en employant de pures couleurs... afin de recréer un monde libéré ». Et, effectivement, il s'accorde toute liberté pour recréer à sa guise une ambiance fluviale et végétale qui constitue un feu d'artifice de couleurs très lumineuses. |
Henri Matisse. La joie de vivre (1905-06). Huile sur toile, 174 × 238 cm, The Barnes Foundation, Philadelphia. Ce tableau monumental représente un paysage arcadien revisité par les audaces formelles et chromatique des peintres du 20e siècle. Contrairement aux deux œuvres précédentes, qui dérivent de l'impressionnisme, celle-ci utilise un mode graphique très apparent et pourrait ainsi davantage prolonger le symbolisme. Au demeurant, l'harmonie des couleurs constitue une remarquable réussite symbolisant un monde et un paysage de rêve. |
L'expressionnisme
Max Pechstein. Nus dans la nature (1911)
Huile sur toile, 73,6 × 99 cm, Detroit Institute of Arts.
Ce courant prend naissance en Allemagne au début du 20e siècle et il se situe dans le prolongement du symbolisme pour l'inspiration, du fauvisme pour l'utilisation de la couleur. Les expressionnistes ont une vision pessimiste de leur époque et cherchent à exprimer leurs angoisses par une utilisation non naturaliste de la couleur, la déformation du trait, une stylisation de la représentation faisant disparaître les détails.
Les principes de l'expressionnisme seront formalisés dans l'Almanach du Cavalier Bleu (Der Blaue Reiter) élaboré en 1911 et 1912 par Vassily Kandinsky et Franz Marc. Cet almanach concerne diverses disciplines artistiques puisqu'on y trouve un article d'Arnold Schönberg sur la musique, des articles concernant la poésie et le théâtre. Sur le plan pictural, il s'agit de provoquer : les œuvres des grands artistes de l'époque cohabitent avec des dessins d'enfants ou de malades mentaux. Le groupe du Cavalier Bleu disparaîtra au cours de la première guerre mondiale, mais l'expressionnisme renaîtra entre les deux guerres. En 1933, il est classifié par les nazis comme « art dégénéré » par opposition à l'art officiel appelé « art héroïque ». De nombreux peintres expressionnistes allemands vont alors s'exiler aux Etats-Unis et y devenir influents.
Max Pechstein. Plein air (1910). Huile sur toile, 70 × 80 cm, Wilhelm Lehmbruck Museum, Duisburg. Les membres du Cavalier bleu prônaient un retour à la nature et passaient l'été au bord des lacs des environs de Berlin ou au bord de la mer. C'est là qu'ils peignaient des nus en pleine nature comme ce tableau de Hermann Max Pechstein (1881-1955) également intitulé Baigneurs à Moritzburg. Bien entendu, la volonté de provocation n'était pas absente en représentant des contemporains pratiquant le naturisme, encore peu répandu à cette époque. Mais picturalement, il s'agit d'une adaptation au 20e siècle du thème éternel du paysage idyllique (locus amoenus) déjà évoqué par les poètes de l'Antiquité. |
Max Pechstein. Nus dans la nature (1911). Huile sur toile, 73,6 × 99 cm, Detroit Institute of Arts. Autre opus de la nudité en pleine nature, aussi intitulé Sous les arbres (Under the Trees). La recherche d'un langage pictural adapté à la volonté de libération du corps débouche sur un festival de couleurs très convaincant, mais qui, nonobstant l'évolution stylistique radicale, est une transposition du paysage classique qui plaquait des figures antiques sur un paysage idéalisé. |
August Macke. Promenade (1913). Huile sur carton, 57 × 51 cm, Städtische Galerie im Lenbachhaus, Munich. August Macke (1887-1914) n'aura vécu que 27 ans, mais sa peinture est forte et diversifiée. En général rattaché à l'expressionnisme allemand, il a en réalité beaucoup évolué malgré la brièveté de sa carrière artistique. « Macke met en mouvement le paysage entier par la clarté de son trait de pinceau, la dynamisation de la structure plate et l'entrechoquement des contrastes de couleur, qui produit un effet de profondeur. » (*) |
Emil Nolde. Fleurs bleues et violettes (1916). Huile sur toile, 66,6 × 84,5 cm, The Museum of Modern Art (MoMA), New York. Emil Nolde (1867-1956) a étudié à Munich et à Paris où il se familiarise avec le postimpressionnisme et en particulier la peinture de Paul Gauguin. Ses créations reposent sur une observation de la nature mais sont réalisées ensuite en atelier. Il affirme que « plus on s'éloigne de la nature tout en restant naturel, plus l'art est grand » (*). Ces fleurs aux couleurs éclatantes ne sont donc pas une tentative de restituer les tonalités exactes mais la recherche d'une nature mythique, cachée derrière l'apparence. |
Ernst Ludwig Kirchner. Le pont de Wiesen (1926). Huile sur toile, 120 × 120 cm, Ernst Ludwig Kirchner Museum, Davos. Ernst Ludwig Kirchner (1880-1938) cherche, selon ses propres termes, « une formulation non naturaliste de l'image intérieure du monde visible ». Il aboutit à une juxtaposition de couleurs pures soulignant des formes relevant à la fois de la figuration et de l'abstraction. Il s'agit d'une évocation de l'image intérieure ou d'une réflexion picturale sur l'image intérieure d'un paysage réel. |
Vassily Kandinsky. Improvisation III (1909). Huile sur toile, 94 × 130 cm, Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris. Le groupe des peintres expressionnistes de Munich s'était formé autour de Vassily Kandinsky (1866-1944), peintre d'origine russe considéré comme le fondateur de l'art abstrait. L'utilisation audacieuse des couleurs et la simplification extrême d'un dessin puissant caractérisent ses premières peintures. Puis, dès 1910-1911, Kandinsky évoluera vers l'abstraction. |
Le cubisme
Georges Braque. Viaduc à l'Estaque (1908)
Huile sur toile, 72,5 × 59 cm, Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris.
Le cubisme modifie en profondeur le concept de représentation artistique : il ne s'agit plus de transposer le réel en lui imprimant une symbolique (symbolisme) ou en prenant des libertés avec les couleurs et les formes (fauvisme), mais de créer un langage pictural autonome qui peut s'inspirer de la réalité observée ou s'en détacher pour aller vers l'abstraction. L'œuvre est alors un assemblage de formes ou de volumes avec un dessin très apparent et des effets de perspective obtenus par des ombrages.
La perspective linéaire, artifice de représentation de l'espace sur une surface plane, est totalement remise en cause, comme l'affirme Georges Braque (1882-1963) : « Je dis adieu au point de fuite. Et, pour éviter une projection vers l'infini, j'interpose des plans superposés à une faible distance. Pour faire comprendre que les choses sont l'une devant l'autre au lieu de se répartir dans l'espace. » (*)
Georges Braque. Viaduc à l'Estaque (1908). Huile sur toile, 72,5 × 59 cm, Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris. Braque a été fortement influencé par les derniers tableaux de Paul Cézanne qui étaient sur la voie du cubisme. Cette composition utilise un paysage existant à l'Estaque, petite localité située près de Marseille, pour recomposer un espace pictural qui n'obéit pas à la perspective classique. Il subsiste de nombreux éléments figuratifs, mais l'intérêt de l'artiste se porte sur une utilisation non conventionnelle de l'espace pictural. |
Georges Braque. Maisons à l'Estaque (1908). Huile sur toile, 73 × 60 cm, Kunstmuseum, Berne. Braque renonce totalement ici à une imitation de la nature sur la toile pour créer un monde visuel autonome. Il s'agit de la dernière étape avant la non figuration pure. |
Pablo Picasso. Maison dans un jardin (1908). Huile sur toile, 73,6 × 60,5 cm, musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg. Picasso subit l'influence primitiviste, c'est-à-dire le goût qui se développe à la fin du 19e siècle pour l'art d'Océanie ou d'Afrique. Les conventions picturales européennes étaient évidemment absentes de ces créations et ce fut l'occasion de les remettre en cause. |
Pablo Picasso. Maisons sur la colline (1909). Huile sur toile, 81 × 65 cm, collection particulière. Après l'exposition Cézanne de 1907 à Paris, Picasso crée de nombreux paysages d'inspiration cubiste. |
Le surréalisme
Salvador Dali. Persistance de la mémoire (1931)
Huile sur toile, 24 × 33 cm, Museum of Modern Art, New York.
Le premier artiste qui donne une définition du surréalisme est l'écrivain André Breton (1896-1966) : « Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière le fonctionnement réel de la pensée. » Bien entendu, pour André Breton le « fonctionnement réel de la pensée » ne se limite pas à la pensée consciente, mais inclut les rêves et tout ce que l'on peut faire émerger de l'inconscient.
Les surréalistes, comme beaucoup d'intellectuels de l'époque, ont été fascinés par la pensée de Freud (1856-1939), qui analyse l'intériorité humaine en utilisant le concept d'inconscient. Selon Freud, il y aurait à la base même de notre personnalité, de façon inapparente, un ensemble psychique complexe qui se construit dès la naissance et s'élabore ensuite en fonction des rapports qu'entretient l'enfant avec ses semblables et en particulier ses parents.
Les tableaux obtenus sont très liés à la personnalité profonde de leur créateur. Ainsi, les peintures de Max Ernst (1891-1976) et de Salvador Dali (1904-1984) représentent un monde étrange qui ne correspond pas à ce que la conscience perçoit de la réalité extérieure. Les objets sont déformés ou détournés de leur fonction initiale, des êtres hybrides peuvent apparaître, rappelant ceux de l'enfer de Jérôme Bosch (environ 1450-1516). L'inconscient des surréalistes est en effet plutôt inquiétant, conformément d'ailleurs à ce que prétendaient révéler de lui les théories freudiennes.
La dimension poétique du surréalisme constitue un aspect essentiel du mouvement. En peinture, l'exploration de l'inconscient, de l'onirisme, de l'absurde, permet une liberté créative faisant naître presque inéluctablement des images provoquant l'émotion. L'intention poétique du peintre détermine la plastique de l'œuvre. Il ne s'agit pas de représenter le réel mais de susciter une émotion poétique par l'image.
Giorgio de Chirico. Piazza d'Italia (1913). Huile sur toile, 35,2 × 25 cm, Art Gallery of Ontario, Toronto. Bien que n'appartenant pas au groupe des surréalistes, Giorgio de Chirico (1888-1978) invente la "peinture métaphysique", proche par l'esprit des créations des futurs surréalistes. Cette Piazza d'Italia, avec perspective rigoureuse, ombre et lumière, ne comporte que deux hommes et n'évoque pas vraiment l'Italie pour l'observateur. Elle représente un lieu inquiétant, kafkaïen, sorti de l'imagination du peintre. L'ambiance nocturne est contredite par la lumière irradiant l'horizon. Il s'agit de la vision épurée et déconcertante d'une place italienne que projette l'inconscient du peintre sur la toile. |
Max Ernst. Forêt (1927). Huile sur toile, 114 x 146 cm, Staatliche Kunsthalle, Karlsruhe. Max Ernst considérait que le travail du peintre consistait à « cerner et projeter ce qu'il voit en lui-même » (*). Cette forêt n'a rien de topographique mais représente une projection de l'intériorité de l'artiste, à mi-chemin entre figuration et abstraction. L'image obtenue est assez inquiétante mais correspond malgré tout au schéma d'ensemble que peut avoir l'être humain de la forêt : une masse obscure ayant ses secrets, dominée par le ciel. |
Salvador Dali. Persistance de la mémoire (1931). Huile sur toile, 24 × 33 cm, Museum of Modern Art, New York. Dali donnait de la peinture une définition provocante : « C'est de la photographie exécutée à la main et en couleur, d'images virtuelles, superfines, extravagantes et hyperesthétiques de l'irrationalité concrète. » Le grand artiste travaillait parfois à partir de documents photographiques divers qu'il assemblait en une scénographie extravagante. Persistance de la mémoire ou Les montres molles s'inspire de la plage catalane de Portlligat sur laquelle le peintre pose en surimpression des montres qui se déforment, vision intérieure de l'inexorable passage du temps. Dali confronte ainsi l'observateur à la conscience de la mort, propre à l'être humain. |
René Magritte. La condition humaine (1933). Huile sur toile, 100 × 81 cm, National Gallery of Art, Washington. René Magritte (1898-1967) aimait jouer avec les mots et les images pour composer des tableaux dont la dimension poétique et onirique est sans doute l'élément essentiel. Sur le thème du tableau dans le tableau, il montre ici sur un chevalet un paysage reproduisant exactement la portion du paysage réel que masque le tableau. La condition humaine a ainsi ses limites comme l'écrivait Magritte dans une lettre à André Breton : « C'est ainsi que nous voyons le monde. Nous le voyons à l'extérieur de nous-mêmes et cependant nous n'en avons qu'une représentation en nous. » (*) |
Le réalisme américain
Edward Hopper. Essence (1940)
Huile sur toile, 102,2 × 66,7 cm, Museum of Modern Art, New York.
En 1908, un groupe de huit artistes, prenant le nom d'Ashcan School (ou Ash Can), se forme autour de Robert Henri (1865-1929).
Les peintres de l'Ashcan School veulent représenter la vie moderne, et en particulier urbaine, de façon très réaliste. Robert Henri affirmait qu'il souhaitait faire dans le domaine de la peinture un travail de journaliste. L'influence de la photographie est évidemment importante pour expliquer l'émergence de cette peinture réaliste qui ne cherche pas à montrer du réel ce qui est beau mais ce qui existe dans la société de l'époque.
Elève de Robert Henri, mais n'ayant jamais appartenu à l'Ashcan School, Edward Hopper (1882-1967) est mondialement connu pour ses tableaux évoquant la solitude urbaine, la nostalgie, la mélancolie de l'homme des grandes cités de l'Occident du 20e siècle. Son style très personnel se caractérise par des formes géométriques aux contours parfaitement délimités et des grands aplats de couleurs. Il traite admirablement les effets d'ombre et de lumière pour imprimer à ses compositions une dimension quasi-cinématographique. Au fil du temps, ses tableaux deviendront de plus en plus épurés, tout en conservant une intensité dramatique forte mais contenue.
Robert Henri. Cumulus Clouds, East River (1901). Huile sur toile, Smithsonian American Art Museum, Washington. Henri représente l'East River de New York au tout début du 20e siècle dans un style proche de l'impressionnisme qui avait conquis les États-Unis dès la fin du 19e siècle. Il s'agit de saisir la réalité de la vie urbaine de l'époque avec ses conditions climatiques, d'où ces lourds nuages envahissant le ciel. |
Grant Wood. Labours d'automne (1931). Huile sur toile, 74,3 × 99,7 cm, Deere & Company Art Collection, Moline. Grant Wood (1892-1942) appartient au courant régionaliste de la peinture américaine qui célèbre les vertus traditionnelles de la terre et du travail. Il choisit un style naïf pour représenter les terres cultivées du Middle West. Le paysan a parfaitement labouré son champ pour les prochaines semailles et a laissé sa charrue pour un instant de repos. |
Andrew Wyeth. Le monde de Christina (1948). Tempera sur bois, 81,9 × 121,3 cm, Museum of Modern Art, New York. Christina Olson était atteinte d'une grave maladie. Andrew Wyeth (1917-2009) la représente, très maigre, près de sa maison dont elle ne peut presque pas sortir. Christina aimait se promener dans les champs et cueillir des fleurs. Ce tableau représente donc à la fois les alentours de sa maison et le rêve de Christina d'être à l'extérieur. |
Edward Hopper. Maison au bord de la voie ferrée (1925). Huile sur toile, 61 × 73 cm, Museum of Modern Art, New York. Cette maison isolée précédait sans doute à cet endroit la voie ferrée qui représente une nuisance de la modernité. Y-avait-il auparavant d'autres habitations alentour ? Hopper porte un regard subtilement pessimiste sur notre société et ses solitudes urbaines. En utilisant le clair-obscur de la maison se détachant sur un arrière-plan presque monocolore, le peintre accentue l'angoissante présence de l'ancestrale demeure qui semble avoir survécu au passage du temps. |
Edward Hopper. Essence (1940). Huile sur toile, 102,2 × 66,7 cm, Museum of Modern Art, New York. Cette station d'essence le long d'une route de campagne américaine n'est pas la reproduction d'une station existante mais une création picturale provenant de l'observation par l'artiste de plusieurs endroits de ce type. La lumière joue un rôle essentiel pour orienter la composition vers une ambiance dramatique. La lumière naturelle atténuée se conjugue avec la lumière artificielle de la station pour susciter une inquiétude que la forêt accentue. Cette interprétation paisiblement pessimiste de la société américaine sous forme de scènes quasi-cinématographiques contraste totalement avec la dominante du cinéma hollywoodien de l'époque qui proposait une vision très optimiste de l'Amérique. |
Edward Hopper. Soleil au premier étage (1945). Huile sur toile, 127 × 101,6 cm, collection particulière. La mode occidentale des séjours au soleil ne pouvait manquer d'intéresser la peinture réaliste. Hopper traite le sujet avec le regard désabusé et légèrement ironique qui lui est habituel. On retrouve la maison isolée dans la campagne avec deux personnages solitaires qui semblent s'étonner d'être là à ne savoir que faire. La société des loisirs n'est pas une société du bonheur. |
Après 1945
David Hockney. Garrowby Hill (1998)
Huile sur toile, 152,3 × 193 cm, Museum of Fine Arts, Boston.
Après 1945, les artistes privilégient une peinture totalement subjective qui est la projection de leurs émotions, de leur subconscient, voire de leur intellect. Les mouvements ou courants subsistent mais la prétention à l'avant-gardisme, caractéristique de la peinture d'avant-guerre, s'estompe peu à peu. La peinture de paysage reste présente dans le prolongement des tendances de la première moitié du siècle. Rien de vraiment nouveau n'apparaît, sans doute parce que l'on a touché aux limites du possible, qui n'est pas extensif à l'infini lorsqu'il s'agit d'étaler une pâte colorée sur une surface plane. Mais la peinture de paysage poursuit son histoire car elle permet d'évoquer tout simplement, et en toute liberté, la beauté de la nature.
Gerhard Richter. Corse, bateau (1968). Huile sur toile, 86 × 91 cm, collection particulière. Gerhard Richter, peintre allemand, né en 1932, travaille à partir de photographies. Il ne s'agit pas de reproduire une photographie sur la toile, puisque, comme on le voit, le flou est une caractéristique de l'œuvre permettant justement de la dissocier de la photo pour laquelle le manque de netteté est un défaut technique. Rien ne permet d'affirmer cela en peinture et de nombreux artistes ont joué sur le flou par le passé. Une telle composition se situe dans la lignée du paysage hollandais du 17e siècle et l'on pense immédiatement aux vastes ciels ennuagés de Jacob van Ruisdael. |
Richard Estes, Café Express (1975). Huile et acrylique sur toile, 61 × 91,4 cm, Art Institute of Chicago. Richard Estes (né en 1932), peintre américain, ancien élève de l'Art Institute de Chicago, étudie l'espace urbain. Il appartient au courant hyperréaliste qui consiste à travailler à partir d'une ou plusieurs photographies reproduites à la peinture avec une extrême minutie mais en gardant toute liberté pour accentuer ou atténuer certains effets. Richard Estes est un grand maître de l'image réfléchie par les vitres, miroirs, surfaces lisses. |
David Hockney. Garrowby Hill (1998). Huile sur toile, 152,3 × 193 cm, Museum of Fine Arts, Boston. David Hockney, peintre anglais né en 1937, se rattache, comme Andy Warhol, au Pop Art. Garrowby Hill est un paysage du Yorkshire, la région natale du peintre, et représente la vallée de York vue des hauteurs de la colline de Garrowby. La composition est structurée autour de la route sinueuse s'éloignant vers la vallée et de plusieurs plans chromatiques, l'arrière-plan étant dominé par les couleurs froides et un effet de perspective atmosphérique à l'horizon. L'artiste transpose ainsi au 20e siècle un modèle de composition qui était déjà présent dans la peinture paysagère flamande du 16e siècle, par exemple dans les paysages-monde de Joachim Patinir. L'horizon très haut des flamands est encore plus élevé ici puisque le ciel n'est qu'un petit espace en haut du tableau. |
André Brasilier, L'Hiver bleu. Aquarelle, 57 × 76 cm. Collection particulière. André Brasilier, peintre français né en 1929, compose des paysages avec une liberté chromatique et formelle s'inspirant des fauves, sans la volonté de provocation de ces derniers. Il en résulte une peinture poétique, mondialement connue. En 2005, hommage exceptionnel, le musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg lui consacre une rétrospective de l'ensemble de son œuvre. |
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(*) Nils Büttner, L'art des paysages, Éditions Citadelles et Mazenod.
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