L’art du paysage
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Patrick AULNAS
0. L'art du paysage, définition et panorama historique
Le paysage, un genre apparu tardivement
Dès l'Antiquité, des genres picturaux apparaissent. Ainsi, il existait en Grèce de grands portraitistes comme Zeuxis ou Appelle. Mais le paysage n'était pas à cette époque un genre pictural autonome. Il pouvait servir d'arrière-plan ou d'élément décoratif mais ne constituait pas en lui-même un sujet. La classification rigoureuse des genres date du 17e siècle. En France, l'Académie royale de peinture et de sculpture distingue alors la peinture historique, religieuse ou mythologique, le portrait, le paysage, la nature morte et la scène de genre (scènes de la vie quotidienne ou représentation d'une anecdote). La peinture historique est le genre noble qui permet de consacrer un grand artiste. Le paysage n'est qu'un genre accessoire apparu en tant que tel au 16e siècle. De très grands paysagistes comme Claude Lorrain doivent ainsi parsemer leurs tableaux de scènes mythologiques secondaires pour appartenir à l'élite de la peinture de l'époque.
Claude Lorrain. Le jugement de Pâris (1645-46)
Huile sur toile, 112 × 150 cm, National Gallery of Art, Washington.
Nous percevons spontanément ce tableau comme un beau paysage. Le peintre joue magistralement avec la lumière : ciel limpide devenant légèrement brumeux à l'horizon, jeux d'ombre et de lumière sur les personnages et les animaux. Mais si l'ambition de Claude Lorrain consiste à construire un paysage idéalisé, il a placé à gauche du tableau une scène empruntée à la mythologie grecque et très connue à l'époque : le jugement de Pâris. Pâris, fils du roi de Troie Priam, gardait les troupeaux sur le mont Ida. Trois déesses apparaissent : Aphrodite, Héra et Athéna. Elles cherchent un juge, sur les conseils de Zeus, pour les départager dans un concours de beauté. Héra promet à Pâris la souveraineté sur l'Asie et l'Europe, Athéna, la gloire des guerriers, et Aphrodite, la main de la plus belle des femmes. Ce fut à cette dernière que Pâris offrit la pomme d'or (la pomme de la discorde) qui devait revenir à la plus belle. Mais, jalouses de n'avoir point été choisies, Athéna et Héra témoignèrent à l'avenir, d'une haine farouche à l'égard du Troyen Pâris et protégèrent les Grecs. |
Il faut attendre le 19e siècle pour que le paysage s'affirme comme un genre pictural dominant. Au paysage réaliste des peintres anglais ou des français de l'École de Barbizon succèdera le paysage impressionniste.
Aujourd'hui encore, le paysage reste un genre pictural mais les classifications rigoureuses du passé ont perdu de leur pertinence du fait de la totale liberté créative. La non figuration, la remise en cause du cloisonnement traditionnel des disciplines artistiques (peinture, sculpture, etc.) conduisent à une édulcoration des frontières entre les genres.
Qu'est-ce que l'art du paysage ?
La notion de paysage nous semble aujourd'hui évidente mais elle n'existe que depuis quelques siècles. Sans doute, dès l'Antiquité égyptienne les hommes ont utilisé des motifs végétaux ou architecturaux pour décorer les parois des tombeaux ou des palais. Mais cette fonction décorative, pouvant aussi avoir un rapport avec la religion (hommage aux dieux), est très éloignée de ce que nous qualifions de paysage. Nous pouvons d'ailleurs encore utiliser une tapisserie ornée de motifs végétaux pour recouvrir nos murs. Mais nous ne considérons pas ces motifs comme un paysage.
La nature a longtemps été perçue comme une création divine pouvant offrir des récompenses (la nourriture par exemple) mais comportant des menaces. Les hommes d'hier devaient lutter quotidiennement avec les phénomènes naturels pour survivre. Une telle approche ne permettait pas de disposer de la distanciation suffisante pour considérer la nature d'un point de vue esthétique. L'évolution, très progressive, commence à la fin du Moyen Âge et se poursuit à la Renaissance (15e-16e siècles). Le paysage apparaît comme genre pictural autonome au 16e siècle lorsque des artistes choisissent de représenter dans l'espace limité du tableau une portion de nature considérée dans sa dimension esthétique. L'objectif n'est pas nécessairement la fidélité au modèle naturel. Bien au contraire, il s'agira d'abord de magnifier la nature, de la rendre encore plus belle en représentation qu'en réalité. Cette approche première est tout à fait spontanée et logique à partir du moment où le paysage représenté doit être une œuvre d'art : à l'époque de la Renaissance l'objectif fondamental de l'œuvre d'art était la recherche de la beauté.
Joachim Patinir. Le repos pendant la fuite en Egypte (v. 1520)
Huile sur bois, 121 × 177 cm, Musée du Prado, Madrid.
La Vierge et l'Enfant Jésus sont ici au premier plan tandis que Joseph, à gauche, ramène une cruche d'eau. Un tel paysage est entièrement peint en atelier à partir d'esquisses que le peintre replace dans ses tableaux. L'artiste compose un paysage qui n'existe nulle part et qui doit apparaître comme d'une exceptionnelle beauté car il s'agit d'une création divine. La composition s'ordonne en plans horizontaux successifs de bas en haut ; le dernier, en haut et à droite, constitue un espace plongeant vers l'infini. La richesse chromatique est exceptionnelle : multiples nuances de vert associées au dégradé gris-bleu vers les lointains. |
Beaucoup plus tard, au cours du 18e siècle et surtout au 19e, apparaîtront des préoccupations de vérité : le paysage doit restituer fidèlement sur la toile les images que perçoit le système optique humain. L'apparition de la photographie éloignera les artistes de cette recherche. La rupture impressionniste dans la seconde moitié du 19e siècle conduit à traiter le paysage pictural comme la restitution des émotions ou impressions que procure la contemplation de la nature.
Claude Monet. Impression soleil levant (1872)
Huile sur toile, 49,5 × 65 cm, musée Marmottant, Paris.
Le tableau représente le port du Havre dans la brume du matin. Mais Monet ne s'intéresse pas au motif concret. Il veut saisir l'instant présent, c'est-à-dire une réalité fugace qui aura déjà changé une heure plus tard. La lumière joue un rôle essentiel. Il s'agit de suggérer une impression ou une émotion captée par l'œil humain. Les touches de peinture sont visibles, l'utilisation du flou est systématique, le dessin n'existe pas : les barques sont réduites à quelques taches sombres. |
A partir de ce moment, l'art du paysage s'autonomise par rapport à son objet. Il n'est plus question de transposer une portion de nature sur une surface plane, de « faire ressemblant », mais de créer une image entièrement nouvelle qui a pour ambition de communiquer les émotions, impressions, sensations de l'artiste. Que ressent l'artiste face à la nature ? Comment la perçoit-il ? Le travail de l'artiste ne consiste plus à atteindre une capacité technique de restitution selon des normes académiques préétablies, mais à affiner son approche émotive du réel pour la communiquer aux observateurs de l'œuvre. Même l'hyperréalisme contemporain obéit à cette nouvelle définition puisqu'il propose une représentation qui se veut plus réaliste que ne pourrait l'être une photographie. Cela signifie tout simplement que le peintre subjectivise une photographie pour infléchir la représentation vers ce qu'il ressent comme primordial.
Richard Estes, Café Express (1975)
Huile et acrylique sur toile, 61 × 91,4 cm, Art Institute of Chicago.
Un observateur non prévenu pourrait penser qu'il s'agit d'une photographie. Mais le peintre a accentué certains effets : effet miroir sur les tables et la voiture en stationnement, transparence de la vitre de gauche avec des reflets apparents. Il s'agit de choix subjectifs permettant à l'artiste de nous proposer sa vision personnelle d'un paysage urbain. Richard Estes ne cherche pas la fidélité optique mais un raffinement des effets. |
L'art du paysage consiste donc à restituer une image de notre cadre de vie avec une ambition esthétique. L'image obtenue peut tendre vers l'objectivation ou revendiquer une pure subjectivité. L'objectivité correspond à ce que le système optique humain capte de son environnement. La subjectivité consiste à représenter la vision particulière d'un artiste qui peut aller jusqu'à une interprétation très éloignée de ce que produirait une photographie. Mais, par définition, si l'on évoque un art du paysage, l'élément primordial est la dimension esthétique. Cet aspect esthétique fluctue selon les époques de l'histoire. La sensibilité paysagère évolue parce que l'homme appartient d'abord à son époque et que chaque époque produit des normes de représentation explicites ou latentes auxquelles tout artiste est astreint.
L'évolution de l'art du paysage en Occident : panorama général
Le paysage comme décor (Antiquité)
Dans l'Antiquité, le paysage est utilisé comme décor mural dans les tombeaux, les villas ou les palais. Les Égyptiens l'utilisent fréquemment et certains éléments de paysage ont survécu. Ce sont des artisans qui réalisent ces décors et ils ne doivent surtout pas rechercher l'originalité. Leur travail consiste à reproduire un modèle canonique. L'Antiquité romaine cultive pendant des siècles une tradition ornementale utilisant des motifs paysagers. Les murs des villas des patriciens romains devaient être décorés de scènes mythologiques ou paysagères.
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Le paysage comme arrière-plan (Moyen Âge – 15e siècle)
En Occident, pendant tout le Moyen Âge, la peinture est au service de la religion chrétienne. Les sujets sont donc puisés dans les récits bibliques ou les légendes religieuses. Cette peinture a une vocation ornementale et éducative. Il s'agit d'abord de décorer de fresques ou de tableaux les murs de pierre des églises. Mais l'Église utilise aussi ces peintures pour donner une image positive et attractive de la religion. Le peuple, analphabète à l'époque, est spontanément accessible à l'émotion par l'image.
Illustrer les légendes chrétiennes avec des personnages humanisés conduit inéluctablement à les placer dans le cadre où évoluent habituellement les humains. L'arrière-plan décoratif, souvent doré dans la peinture du Moyen Âge, laisse peu à peu la place à une représentation encore schématique du paysage naturel ou architectural. Le sujet du tableau est constitué par des personnages, le paysage n'est encore qu'un environnement ou même un élément accessoire de la composition.
Cimabue. La Vierge en majesté ou Maestà (1285-86). Tempera sur bois, 385 × 223 cm, Galerie des Offices, Florence. Cette Vierge entourée d'anges reste conforme à la tradition esthétique du Moyen Âge. Le fond doré sera par la suite peu à peu remplacé par des éléments de paysage. La Vierge en majesté (Maestà en italien), est une représentation artistique de la Vierge Marie trônant dans le monde terrestre. Elle sera progressivement remplacée par la Vierge de l'humilité, figure maternelle ayant des gestes de tendresse pour l'enfant Jésus. |
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Le paysage-monde (16e siècle)
L'art du paysage n'apparaît vraiment qu'au début du 16e siècle lorsque des artistes accordent au paysage la place principale dans leurs compositions. Le sujet du tableau reste en général religieux ou historique et des personnages apparaissent toujours. Mais le peintre a pour ambition de peindre un vaste paysage en y plaçant une scène religieuse ou historique.
Les peintres de cette époque, étant des néophytes de cet art, essaient de placer dans leur composition le plus grand nombre possible d'éléments de paysage : arbres, champs, montagnes, rivières, lacs, villages, architectures diverses, animaux, petites figures humaines, etc. Cette volonté d'englober dans l'espace restreint du tableau tout ce que l'homme peut voir de son environnement naturel conduira à qualifier ces paysages de Weltlandschaft, c'est-à-dire paysage-monde. La langue allemande est utilisée car les artistes concernés sont originaires de l'espace germanique (Flandre, Allemagne).
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Le paysage descriptif hollandais (17e siècle)
Les peintres hollandais et flamands du 17e siècle vont abandonner le paysage-monde pour décrire de façon minutieuse une portion de nature très restreinte. La minutie vient de la technique utilisée : de multiples croquis préparatoires des éléments du tableau sont pris sur le vif, dans la nature (arbre, rivière, montagne, etc.). La composition du tableau lui-même est ensuite réalisée en atelier. Il s'agit d'agencer différents éléments très réalistes pour produire une œuvre reflétant un idéal de la nature. Ces paysages, même lorsqu'ils concernent un lieu bien connu, ne sont donc pas conformes à la réalité topographique. Le peintre s'accorde toute liberté pour magnifier la composition d'ensemble. La description précise d'éléments naturels est ainsi complétée par des choix esthétiques de composition que l'on retrouve dans la plupart des œuvres de cette époque. Citons deux caractéristiques principales.
- Alors que la ligne d'horizon était située très haut dans les paysages-mondes du 16e siècle, elle est considérablement abaissée dans les paysages hollandais et flamands du 17e. Il en résulte que le ciel et les nuages couvrent une proportion importante du tableau.
- Le peintre du paysage-monde cherchait à remplir son tableau de multiples éléments de façon à produire une image aussi complète que possible du paysage qui lui était familier. Il voulait élaborer une image exhaustive et pérenne. Les artistes hollandais du 17e siècle prennent l'exact contrepied de cet objectif. Ils captent quelques éléments de nature à un moment précis. Il s'agit d'une vue volontairement limitée spatialement et temporellement. Les nuages, la lumière, les personnages sont saisis à un instant précis et ne seront plus semblables l'instant d'après. Le tableau se veut l'image fugitive d'un moment.
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Le paysage classique français (17e siècle)
L'expression habituelle de paysage classique signifie en réalité paysage idéal. Les peintres français du 17e siècle, en particulier Nicolas Poussin et Claude Lorrain, recherchent une idéalisation complète de la nature. Le peintre doit se garder de deux écueils : reproduire sur la toile la nature banale, vulgaire, qui peut être laide ; laisser vaguer son imagination comme pouvait le faire les peintres maniéristes qui aboutissaient à des distorsions esthétisantes de la nature.
Le paysage classique français comporte des personnages empruntés à la mythologie antique ou à la religion chrétienne car il était important pour un artiste d'être considéré comme un peintre d'Histoire, sommet de la hiérarchie académique. Chez Poussin, les scènes mythologiques et religieuses restent souvent importantes et se situent dans un paysage très idéalisé comportant des éléments architecturaux. Tout est pensé, construit, réfléchi chez Poussin. Le travail de l'artiste n'est pas une pulsion créative comme on pourrait le penser de Rubens ou Caravage, mais une réflexion sur la composition qu'il s'agit de mettre en œuvre. Il l'affirme clairement lui-même : « Pour ce qui est de la matière (ou sujet), elle doit être noble; et pour donner lieu au peintre de montrer son esprit, il faut la prendre capable de recevoir la plus excellente forme. Il faut commencer par la disposition, puis par l'ornement, le décor, la beauté, la grâce, la vivacité, le costume, la vraisemblance et le jugement partout... » (Lettre à M. de Chambrai, 1665).
Chez Claude Lorrain, les personnages sont de petite dimension et l'épisode mythologique n'est qu'un prétexte à peindre un paysage. Claude Lorrain s'intéresse surtout à la lumière. Il cherche à capter les nuances infinies que produit le soleil sur l'air, la brume, l'eau, la végétation et utilise beaucoup le contre-jour, c'est-à-dire une lumière venant de derrière la scène, du fond du tableau.
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Le védutisme italien (18e siècle)
Les vedute (veduta au singulier) sont des paysages urbains réels, à caractère panoramique, et utilisant un effet de perspective pour accentuer la profondeur. Les vedute sont en quelque sorte les photographies des villes de l'époque, très prisées des aristocrates voyageant en Italie, qui pouvaient ainsi se procurer un témoignage (très coûteux) des endroits visités.
L'objectif de fidélité de la représentation se traduit par une méthode de travail à l'extérieur reposant sur l'observation et la prise de multiples croquis préparatoires. Le tableau est ensuite réalisé en atelier. L'artiste se réserve cependant une certaine liberté et il ne faut pas rechercher dans les vedute une parfaite exactitude topographique. Il s'agit de magnifier un paysage urbain. Pour les jeunes aristocrates du Grand Tour, les vedute sont des souvenirs qu'ils rapportent dans leur pays, équivalents de nos photographies ou vidéos.
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Le paysage romantique (19e siècle)
Le romantisme est d'abord un courant littéraire qui prend naissance en Allemagne au 18e siècle, puis s'étend à l'Angleterre et à la France avec François-René de Chateaubriand (1768-1848), Victor Hugo (1802-1885), Alfred de Musset (1810-1857). Le romantisme touchera ensuite les autres disciplines artistiques et en particulier la peinture et la musique.
Les premières œuvres picturales romantiques sont anglaises, mais le mouvement s'étendra rapidement à l'Allemagne, la France et l'Espagne. L'art romantique cherche à se départir des conventions antérieures (scènes historiques et religieuses, portraits de grands personnages) pour mettre l'accent sur les émotions individuelles, parfois portées à leur paroxysme. Il s'agit également d'une réaction contre le rationalisme du siècle des Lumières : le sentiment doit prévaloir sur la raison, l'imagination importe plus que l'analyse critique. Les émotions peuvent provenir de la société (guerres, révolution), de la psychologie humaine (rêves) ou de la nature (paysages) et la peinture romantique comporte ces trois aspects.
Le paysage romantique se situe par l'esprit à l'opposé du paysage classique. A la raison classique, il oppose la passion. A l'équilibre de la composition, il substitue l'exubérance. Il ne s'agit plus de représenter la nature de façon objective, en l'idéalisant, mais d'exprimer ses émotions, ses troubles. La subjectivité revendiquée est la caractéristique fondamentale du romantisme. De ce point de vue, il hérite des apports d'un courant littéraire du 18e siècle qui explore pour la première fois les mystères de la sensibilité individuelle (en particulier J.-J. Rousseau : Les Confessions, La Nouvelle Héloïse).
Comme l'a remarqué Baudelaire, « le romantisme n'est précisément ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir ». L'individu et sa perception subjective sont donc au centre de la création artistique. Mais il ne s'agit pas d'une subjectivité à la recherche de la quiétude. L'exaltation des sentiments, la violence des rapports humains, parfois la folie, sont privilégiés.
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Le paysage impressionniste (19e siècle)
Lorsque la photographie se développe, à la fin du 19e siècle, l'objectif de réalité que s'assignait le peintre ne présente plus grand intérêt. La photographie, en se perfectionnant, pourra capter des images multiples et de qualité croissante. La peinture doit alors se tourner vers autre chose. Les peintres du courant impressionniste (Claude Monet, Camille Pissarro, Edgar Degas, Pierre-Auguste Renoir, etc.) cherchent à saisir l'instant présent, c'est-à-dire une réalité fugace qui aura déjà changé une heure plus tard. La lumière joue un rôle essentiel. Il s'agit de suggérer une impression ou une émotion captée par l'œil humain. Les touches de peinture sont visibles, l'utilisation du flou est systématique, le dessin est tout à fait secondaire ou même inexistant. Marcel Proust parle à propos des impressionnistes de leur aptitude à exprimer « l'essence de l'impression qu'une chose produit, essence qui reste impénétrable pour nous tant que le génie ne nous l'a pas dévoilée. ». L'art se situe dans le raffinement et la perspicacité du regard.
L'impressionnisme est donc d'abord une peinture réaliste. Ce n'est pas un hasard si le mouvement réaliste, et en particulier l'école de Barbizon, précède historiquement l'impressionnisme. L'une des rares femmes impressionnistes de la fin du 19e siècle, Berthe Morisot, a parfaitement exprimé ce souci de représentation du réel dans ce qu'il a d'éphémère : « Fixer quelque chose de ce qui passe, oh ! quelque chose, la moindre des choses, un sourire, une fleur, un fruit, une branche d'arbre [...]. Cette ambition-là est encore démesurée. »
D'une manière générale, les impressionnistes peignent sur le motif. Cela signifie que leur travail ne comporte pas deux phases distinctes : des croquis préparatoires pris sur le vif, puis une composition en atelier. Les impressionnistes peignent directement leur tableau à partir de l'observation du sujet. Pour les paysagistes, le chevalet est donc posé à l'extérieur face au paysage à réaliser.
L'impressionnisme marque une rupture définitive avec l'art académique qui régnait depuis des siècles. Il rejette le primat du dessin, la reproduction « ressemblante » de la réalité, la peinture d'histoire. Le paysage et la scène de genre deviennent les thèmes majeurs : spectacles, divertissements, scènes de la vie urbaine, scènes d'intérieur. Le regard impressionniste a profondément modifié notre conception de l'art et a influencé toute la société, bien au-delà des amateurs d'art. Ce qui se passera ensuite (art abstrait en particulier) restera beaucoup plus superficiel et n'entraînera l'adhésion que de quelques connaisseurs.
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Le paysage expérimental contemporain (20e et 21e siècles)
Il est difficile de porter un jugement sur ce qui se passe à partir du début du 20e siècle car le recul historique manque. Certains critiques ou pseudo-historiens se hasardent à glorifier ou à condamner, mais la prudence s'impose car seul le passage du temps permet la décantation.
Le paysage à proprement parler disparaît doucement au 20e siècle. Les expérimentations picturales successives (fauvisme, cubisme, futurisme, surréalisme, etc.) conduisent à une subjectivité complète. Le peintre cherche à produire un objet artistique original (son tableau) qui n'a que de lointains rapports avec la perception optique que l'être humain peut avoir de son environnement. En réalité, il s'agit d'analyses de paysages selon des critères propres à chaque courant artistique. Ceux-ci se succèdent à cadence rapide au 20e siècle et le nouveau courant a, en général, la prétention d'être « d'avant-garde ». Cependant, à partir de la fin du 20e siècle cette aspiration novatrice s'estompe.
La diversité créative et les quantités produites sont considérables car le marché de l'art comporte des enjeux financiers importants. La clientèle très étroite des siècles passés est devenue pléthorique avec l'émergence d'une classe moyenne aisée et l'interventionnisme public : les États ou les collectivités locales financent écoles, musées, manifestations artistiques diverses. Il en résulte évidemment une concurrence effrénée pour capter l'attention des financeurs. Mais la sélection ne reposant sur aucun critère consensuel, de nombreux artistes ne sont que de pseudo-artistes qui seront vite oubliés.
Les quelques œuvres ci-après sont en général considérées comme de grande qualité, mais l'abstraction a été volontairement omise. Qu'est-ce, en effet, qu'un paysage abstrait ?
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Principales sources.
- L'art des Paysages, Nils Büttner, éditions Citadelles & Mazenod, 2007
- Du paysage en peinture dans l'Occident moderne, Alain Mérot, éditions Gallimard, 2009
- Encyclopedia Universalis, 20 volumes, Paris 1975.
- http://www.larousse.fr/encyclopedie
- Wikipédia
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